Ekrem Imamoglu, le maire d'Istanbul déchu de son mandat s'exprime devant ses partisans après l'annulation de sa victoire aux municipales, le 6 mai 2019 à Istanbul © AFP/Archives Bulent Kilic
Le maire d’Istanbul déchu de son mandat se réunit mardi avec des dirigeants de l’opposition pour arrêter sa stratégie après l’annulation controversée de sa victoire aux élections municipales, réclamée par le président Recep Tayyip Erdogan.
Ekrem Imamoglu doit rencontrer en fin de matinée à Ankara le chef de son parti CHP (social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu, et la dirigeante du parti Iyi (droite), Meral Aksener.
C’est sous la bannière commune de ces deux formations que M. Imamoglu, 48 ans, avait battu d’un cheveu le candidat du parti présidentiel AKP (islamo-conservateur), l’ex-Premier ministre Binali Yildirim, lors des élections municipales du 31 mars.
Mais sa victoire a été invalidée lundi par le Haut-comité électoral de Turquie (YSK) qui a ordonné la tenue d’un nouveau scrutin le 23 juin, une décision prise après que M. Erdogan eut dénoncé des « irrégularités » et réclamé l’annulation des élections.
Le CHP, principale formation de l’opposition au président Erdogan, a vivement condamné cette décision, dénonçant un « putsch contre les urnes », et estimé que la Turquie s’enfonçait dans « la dictature ».
Le chef de l’Etat turc n’a pas encore publiquement commenté la décision de l’YSK, mais devait s’exprimer à la mi-journée devant les députés de son parti à Ankara.
La défaite en mars de l’AKP dans cette mégalopole qu’elle contrôlait depuis 25 ans a infligé un camouflet sans précédent à M. Erdogan, qui a plusieurs fois déclaré dans le passé que « celui qui remporte Istanbul, remporte la Turquie ».
Pour faire annuler le scrutin à Istanbul, la capitale économique et démographique du pays, l’AKP a fait pleuvoir un déluge de recours sur les autorités électorales, tandis que M. Erdogan multipliait les appels à renouveler les élections.
L’AKP a également perdu la capitale Ankara, un revers qui s’explique notamment par la tempête économique qui secoue le pays, avec la première récession en 10 ans, une inflation à 20% et une monnaie qui s’érode.
– « A tout prix » –
Pour M. Imamoglu, qui a remporté l’élection du 31 mars en dépit de conditions de campagne largement déséquilibrées en faveur de son opposant, l’annulation du scrutin sonne comme un coup de massue.
Malgré tout, il s’est voulu rassurant et combatif lundi soir, appelant ses partisans rassemblés à Istanbul à « ne pas désespérer ». « Nous n’abandonnerons jamais », a-t-il affirmé.
Plusieurs milliers de ses partisans ont manifesté dans la nuit de lundi à mardi à Kadiköy, un district de la rive asiatique d’Istanbul, contre la décision de l’YSK de renouveler l’élection.
Cette mesure risque de renforcer les accusations de dérive autoritaire contre M. Erdogan, alors que les organisations de défense des droits humains dressent un portrait de plus en plus sombre de la Turquie depuis le putsch manqué de 2016, suivi de purges massives.
Pour le cabinet d’analyse Soufan Center, « la récente ingérence dans les élections est un signal clair (…) qu’Erdogan est déterminé à atteindre un pouvoir absolu quel que soit le prix ».
Après la décision de l’YSK, l’Union européenne a exhorté lundi les autorités turques à permettre à des observateurs internationaux de surveiller le nouveau scrutin en juin.
« Garantir un processus électoral libre, juste et transparent est essentiel pour toute démocratie et est au coeur des relations entre l’Union européenne et la Turquie », ont souligné dans un communiqué la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le commissaire à l’élargissement Johannes Hahn.
La décision de renouveler l’élection à Istanbul suscite par ailleurs l’inquiétude des marchés qui pressent le gouvernement turc de consacrer toutes ses forces à relancer l’économie.
La livre turque, qui a crevé lundi soir le plafond symbolique de 6 contre un dollar, perdait environ 1,6% de sa valeur contre le billet vert à 07H15 GMT.
LNT avec AFP