Le président turc Recep Tayyip Erdogan passe en revue la garde d'honneur à son arrivée au Parlement, le 7 juillet 2018 à Ankara © AFP ADEM ALTAN
Plus de 18.000 fonctionnaires ont été limogés en Turquie parmi lesquels de nombreux membres des forces de l’ordre, mais aussi des enseignants et universitaires, avant l’investiture lundi du président Recep Tayyip Erdogan et une probable levée de l’état d’urgence en vigueur depuis deux ans après le coup d’Etat manqué.
Au total, 18.632 personnes, dont plus de 9.000 fonctionnaires de police et 6.000 membres des forces armées, ont vu leur nom dans le décret-loi publié dimanche dans le Journal officiel. Par ailleurs, environ 1.000 employés du ministère de la Justice et 650 du ministère de l’Education ont également été renvoyés.
Ce décret-loi est présenté comme le dernier pris sous l’état d’urgence instauré au lendemain du putsch manqué de juillet 2016 et sans cesse renouvelé depuis. La dernière période se termine officiellement le 19 juillet.
Ces purges sont vivement critiquées par les ONG de défense des droits de l’Homme et l’opposition, qui y voient une tentative de faire taire toute voix critique.
Le gouvernement défend de son côté ces mesures les jugeant nécessaires pour lutter contre la « menace terroriste » au sein des structures publiques.
Les médias turcs affirment que ce régime d’exception sera levé lundi après la prestation de serment du président Erdogan réélu le 24 juin pour un nouveau mandat, et dont la levée de l’état d’urgence était l’une des promesses de campagne.
Lundi marquera également l’entrée en vigueur d’un système présidentiel en vertu d’une révision constitutionnelle adoptée par référendum en avril 2017.
Sous ce nouveau système, l’ensemble des pouvoirs exécutifs reviennent au président, qui pourra notamment promulguer des décrets présidentiels.
« Le nouveau gouvernement sera annoncé lundi, le cabinet commencera à travailler et l’état d’urgence va être levé », a déclaré la semaine dernière le Premier ministre sortant Binali Yildirim.
– Mandats d’arrêt –
Selon l’ONG Human Rights Joint Platform (Ihop), 112.679 personnes avaient été limogées au 20 mars 2018, dont plus de 8.000 dans les forces armées, environ 33.000 parmi le personnel du ministère de l’Education et 31.000 au sein du ministère de l’Intérieur, dont 22.600 au sein de la Direction générale de la Sûreté.
Des milliers d’autres ont été suspendues.
Les autorités turques ont accusé le prédicateur musulman Fethullah Gulen basé aux Etats-Unis d’avoir orchestré le coup d’Etat et ont procédé à des limogeages de personnes accusées de liens présumés avec lui.
Le gouvernement qualifie le mouvement d' »organisation terroriste Fethullah » ce que le prédicateur nie en insistant sur le caractère pacifique de l’organisation.
Selon le gouvernement, 77.000 des personnes ont été arrêtées pour des liens présumés avec Gulen et la répression ne semble pas faiblir avec des mandats d’arrêt émis vendredi contre 346 membres des forces armées soupçonnés de liens avec les instigateurs présumés du putsch manqué.
– Journaux fermés –
Des milliers de personnes ont été également suspendues, renvoyées ou arrêtées pour liens présumés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une rébellion sanglante contre la Turquie depuis 1984. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par Ankara, mais aussi par l’UE et les Etats-Unis.
Par ailleurs, 12 associations, 3 journaux et une chaîne de télévision ont été fermés par décret dimanche.
Parmi les journaux sanctionnés figurent le quotidien en langue kurde Welat édité dans la province de Diyarbakir (sud-est) ainsi que le journal prokurde Ozgurlukcu Demokrasi dont les locaux à Istanbul avaient été perquisitionnés par la police en mars.
LNT avec AFP