Les portraits des leaders nord-coréens Kim Il-Sung (g) et Kim Jong-Un éclairés dans la nuit noire de Pyongyang, le 25 novembre 2016 © AFP/Archives Ed JONES
Dans le hall des turbines de la centrale hydroélectrique nord-coréenne Wonsan Numéro 5, une pancarte proclame: « Nation prospère et puissante ». Mais quand il s’agit d’électricité, il est permis d’en douter.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-Un fin 2011, les programmes nucléaire et balistique de la Corée du Nord avancent à grand pas. Pyongyang vient de tester ce qu’elle a présenté comme une bombe H et lancé des missiles qui mettent apparemment une bonne partie du continent américain à sa portée.
Mais près de 70 ans après sa fondation, le Nord souffre de pénuries chroniques d’énergie. Ce qu’illustrent de manière éclatante les images satellites nocturnes du pays, quadrilatère obscur pris en sandwich entre une Chine et une Corée du Sud qui brillent de mille feux.
Pour une capitale, Pyongyang est particulièrement sombre. La lumière pâle qui émane des appartements ne concurrence pas le clair de lune.
Les panneaux solaires sont omniprésents sur les balcons. Les étudiants lisent le soir à la lueur des lampadaires.
A la centrale de Wonsan, le hall des turbines est dominé par une mosaïque géante du lieu de naissance mythique de Kim Jong-Il, père du numéro un actuel.
Wonsan fournit l’électricité d’une partie de la côte orientale et l’ingénieur en chef Choe Yong-Jun explique à l’AFP que la capacité totale est de 60.000 kW/h.
« Nous avons normalisé notre taux de production à 25.000 kW/h », avoue-t-il cependant, soit 40% des seuils affichés.
– Hiérarchie énergétique –
Les autorités reconnaissent cette rareté. Le Premier ministre Pak Pong Ju, cité par l’agence officielle KCNA, a évoqué cette année « la pénurie sévère d’électricité de la nation » lors du premier coup de pioche pour la construction de la nouvelle centrale hydroélectrique de Tanchon.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Sous le règne colonial japonais, le Nord de la Corée devint un carrefour industriel. Dans les années 1940, le Nord se choisit des armoiries qui mettaient le barrage hydroélectrique de Suphung sur le fleuve Yalou en premier plan.
« Ils avaient alors les meilleures capacités de l’Asie orientale, probablement mieux que le Japon », explique Andrei Lankov, analyste chez Korea Risk Group.
Mais après l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990, le Nord a perdu son accès aux pièces détachées à prix d’ami et à l’expertise soviétique technique. La production électrique a piqué du nez.
Ces derniers temps, elle a légèrement augmenté mais, souligne M. Lavrov, « il semble que la production ne représente que la moitié de ce qu’elle était au début des années 1990 ».
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’hydroélectricité représentait 73% de la production du Nord en 2015, devant le charbon.
Un Nord-Coréen consomme moins d’un vingtième de l’électricité utilisée par un Sud-Coréen. D’après la Banque mondiale, à peine un Nord-Coréen sur trois a accès au courant.
Celui-ci est rationné selon une hiérarchie bien précise. Les personnels des usines importantes et des projets prestigieux comme la brasserie Taedonggang ou le parc d’attraction de Kaeson, à Pyongyang, racontent à l’AFP qu’ils n’ont jamais été plongés dans le noir.
L’alimentation de Chollima, l’un des plus grands fabricants d’acier du pays, est garantie, déclare à l’AFP l’ingénieur en chef adjoint Kim Gil-Nam.
– Dans le noir –
« Notre complexe est primordial pour l’Etat et toute rupture de l’alimentation électrique serait perçue comme un énorme incident national. Le plan de l’Etat nous fournit l’électricité afin que notre production ne souffre d’aucune restriction ».
Ce qui laisse les citoyens ordinaires dans le noir.
Les habitants ont pris les choses en main, installant chez eux des panneaux solaires de fabrication chinoise, l’une des marchandises les plus populaires dans les échanges transfrontaliers.
Les supermarchés de Pyongyang vendent un modèle de 35 watts pour l’équivalent de 45 dollars, accessible pour bon nombre des habitants privilégiés de la capitale.
En même temps, la technologie des LED à basse consommation a commencé à éclairer les nuits nord-coréenes. Les analystes prédisent que les images satellite d’un pays plongé dans l’obscurité appartiendront un jour au passé.
Mais, soulignent-ils, l’aube ne sera peut-être que partielle car les panneaux solaires basiques ne peuvent alimenter que des engins peu gourmands, ampoules ou téléviseurs.
Il faut bien plus d’énergie pour faire marcher une machine à laver ou un réfrigérateur, sans parler d’une usine.
« Le Nord est probablement le numéro un mondial en termes d’énergie solaire », souligne M. Lavrov.