Des rizières entourent une usine de fabrication de produits à base d'amiante à Cikarang, dans la province de Java-Ouest, le 24 octobre 2017 en Indonésie © AFP/Archives BAY ISMOYO
La demande d’amiante a bondi ces dernières décennies en Asie, en particulier en Indonésie où ceux qui sont exposés à ce matériau bon marché, largement utilisé dans l’industrie du BTP, n’ont pas été informés pendant longtemps des dangers de ce produit hautement cancérigène.
Les cas d’ouvriers atteints de cancer commencent seulement à émerger en Indonésie, première économie d’Asie du Sud-Est. L’utilisation du minerai y a bondi de 28.599 tonnes en 1990 à 109.000 tonnes en 2014, avec un pic à 161.823 tonnes en 2012, selon l’institut géologique américain (USGS).
Interdite dans les pays occidentaux, l’amiante reste très utilisée dans d’autres pays émergents comme la Russie, l’Inde et le Brésil, ainsi qu’en Chine. Environ 60% de la production d’amiante sont utilisés en Asie, selon l’USGS.
« La consommation dans ces pays se maintient à un niveau très élevé, exposant de nombreux ouvriers, et au final, la population peut elle aussi être potentiellement exposée », souligne le directeur de l’Institut de recherche des maladies liées à l’amiante (ADRI), Ken Takahashi.
Plus de 100.000 décès dans le monde sont provoqués par ce matériau toxique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et des milliers d’ouvriers qui ont manipulé cette substance sont malades, à l’image de Sriyono. Cet Indonésien a inhalé pendant des années des fibres d’amiante dans l’usine où il travaille toujours à la périphérie de Jakarta. C’est son gagne-pain.
Au début, cela a commencé par des symptômes légers tels une toux et de la fatigue. Mais après un diagnostic lui annonçant un cancer, il était sous le choc. « Il n’y avait aucune information nous disant que l’amiante pouvait provoquer une maladie comme le cancer à mes débuts dans l’industrie », raconte à l’AFP cet homme de 44 ans.
– « Pas dangereux » –
C’est seulement au bout de 15 ans de travail dans cette usine qui fabrique des pièces d’étanchéité et des gaines contenant de l’amiante qu’il a été informé des dangers pour la santé.
« Ils laissent les gens l’utiliser de manière à ce qu’ils ne pensent pas que ce soit dangereux », explique le docteur Anna Suraya, de l’association indonésienne des médecins du travail.
L’Indonésie ne dispose pas de statistiques détaillées sur le nombre de travailleurs directement exposés à l’amiante.
Selon l’ONG Réseau de données sur l’amiante (INA-BAN), qui plaide pour une interdiction du minerai, au moins 4.000 personnes sont directement exposées à la fabrication de produits contenant de l’amiante, un nombre qui n’inclut pas les salariés non permanents ou les ouvriers du bâtiment. Il ne tient pas compte non plus des risques d’exposition secondaire des membres des familles d’employés manipulant de l’amiante.
L’Indonésie a pris des initiatives pour minimiser l’impact de l’amiante en instaurant des limites à son exposition et des règles de sécurité au travail, mais l’application des textes est peu rigoureuse, et le savoir-faire médical pour détecter des maladies liées à ce minerai est limité.
Malgré les risques, l’Indonésie ne songe pas à interdire l’amiante comme c’est déjà le cas dans une soixantaine de pays, estimant que mettre en exergue les dangers pour la santé est suffisant.
« Nous avons déjà commencé à mettre en place des programmes de sensibilisation, mais comme l’Indonésie est un très grand pays, nous devons le faire progressivement », indique le directeur de la médecine du travail et des sports au ministère de la Santé.
La non interdiction de l’amiante inquiète nombre d’observateurs qui redoutent une bombe à retardement pour l’Indonésie, avec des conséquences semblables à celles qui touchent les pays développés où se multiplient le nombre de procès liés aux effets néfastes de ce produit cancérigène.
« Nous devons rejoindre maintenant les pays qui ont interdit l’amiante », insiste Rian Irawan, de l’INA-BAN.