Abdellatif Ouahbi, le très controversé ministre de la Justice, relance le débat. Au Parlement, en ce début de semaine, il a tenu à préciser que la décision du Maroc de voter en faveur de la résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU relative au moratoire sur la peine de mort représente « un pas positif » vers la consolidation de l’État des Droits de l’Homme : » Le Maroc a pris la décision de soutenir la résolution relative à l’application d’un moratoire sur la peine capitale après s’être toujours abstenu dans le passé d’apporter son appui à ce texte ». Et de poursuivre que cette décision intervient dans le droit fil de l’engagement du Maroc à renforcer la protection du droit à la vie, conformément à la Constitution du Royaume.
Sur le plan onusien, Ouahbi a tenu à rappeler que la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies concernant le moratoire sur la peine de mort a été adoptée pour la première fois en décembre 2007, avec l’approbation de 104 pays, alors que 54 pays s’y sont opposés et 29 pays se sont abstenus lors du vote. Un an plus tard, l’AG a adopté une deuxième résolution au cours de laquelle elle a renouvelé l’appel à un moratoire. Dans le même cadre, le ministre a noté qu’à partir de 2010, l’AG des NU a appelé les États membres à voter sur l’adoption de cette résolution tous les deux ans, dont le dernier a eu lieu le 15 décembre 2022, ce qui reflète la tendance internationale croissante vers l’abolition de cette peine ou sa suspension, soit en tout 170 pays abolitionnistes sur un total de 193 États membres des NU.
Le ministre a affirmé également que pour renforcer cette avancée en matière des droits de l’homme, le Maroc répondra aujourd’hui positivement à ce pari, en annonçant son vote pour la première fois en faveur de la résolution de l’AG relative à un moratoire sur la suspension de l’exécution de la peine de mort, dans une étape historique importante en matière du process que connaît le Maroc au niveau des Droits de l’Homme : ‘‘ La décision du Maroc devrait être exprimée explicitement le 15 décembre. Ce vote de la résolution n’est que l’expression d’un engagement à ne pas appliquer la peine de mort pendant la période couverte par le vote (deux ans), et qu’il ne sera également que le reflet de la réalité, car le Maroc n’a pas exécuté la peine de mort depuis 1993’’.
Est-ce à dire que le Maroc est en phase d’envisager une abolition progressive de la peine de mort ? Abdellatif Ouahbi estime que l’orientation marocaine s’inscrit dans un cadre mondial prônant une élimination progressive de cette peine, tout en respectant ses engagements internationaux. Il a toutefois précisé que la résolution onusienne est non contraignante et que le Maroc continue à réduire l’application de la peine de mort dans sa politique pénale.
Du côté des abolitionnistes, notamment la Coalition marocaine contre la peine de mort, ne cesse d’appeler à l’abolition et à « l’arrêt officiel et solennel » de cette sentence, surtout que plus de 141 pays l’ont définitivement abolie ou ordonné la suspension de son exécution, tout en affirmant que le mouvement national de défense des Droits de l’Homme poursuivra sa lutte pour l’annulation de cette sentence. Auprès de la Coalition, on ne cesse de également de préciser que la question de l’abolition de la peine de mort « n’a connu aucun progrès tangible » vis-à-vis des attentes des partisans de cette cause : ‘‘ les débats engagés au sujet de la suppression de la peine de mort constituent une partie intégrante du « projet démocratique civilisationnel qui doit inclure de grandes causes humaines, telle que l’abolition de la peine de mort ».
Pour rappel, chez nous au Maroc, la dernière exécution de la peine de mort remonte à l’année 1993. A ce jour, 88 individus sont condamnés à la peine capitale par les tribunaux dans les prisons marocaines, dont une femme. Depuis 2020, un total de 161 personnes ont été graciées et ont vu leur peine capitale commuée en une peine de réclusion à perpétuité ou de prison à une durée déterminée.
Pour rappel aussi, en décembre 2010, 96 pays avaient aboli la peine capitale contre 16 seulement en 1977, selon Amnesty International.
Néanmoins, il est quand même important de constater que pour beaucoup, l’abolition de la peine de mort ne devrait être à l’ordre du jour, arguant l’horreur et la barbarie des crimes commis. Pour d’autres, ils vous diront que si cette peine devrait subsister, c’est pour dissuader tous ceux qui ont des projets criminels ou terroristes contre la stabilité politique de l’État et ses institutions.
Autrement dit, autant de paramètres qui sont à prendre en considération pour abolir ou maintenir cette peine qui, par sa nature, se veut à la fois et en même temps envisageable et juste pour certains et inhumaine pour d’autres.
Politiquement, l’instrumentalisation de cette question a certainement un prix d’où cette position méfiante et prudente de l’officiel marocain à s’y pencher une bonne fois pour toute. Sa présence dans la législation pénale, sans pour autant passer à son exécution, reste visiblement l’approche qui arrange tout le monde, ou presque ! C’est dire qu’à la question de savoir si le Maroc s’oriente-t-il vers son abolition ? L’on peut dire que rien n’est moins sûr !
H.Z