Un agent de sécurité ferme un portail de la Cité interdite à Pékin le 12 avril 2020 © AFP/Archives NICOLAS ASFOURI
Redoutant une nouvelle flambée épidémique au coeur du pouvoir chinois, la ville de Pékin a mis en place une grande muraille administrative pour surveiller de près l’arrivée des personnes en provenance du reste du pays.
Depuis fin mars, la Chine, où le Covid-19 a fait son apparition à la fin de l’an dernier, a pratiquement interdit l’entrée des étrangers sur son territoire et réduit à leur plus simple expression les vols internationaux au départ et à l’arrivée du pays.
Le géant asiatique, qui semble avoir largement éradiqué le virus, craint sa réapparition via les cas importés, alors que le nombre de contaminations approche les 2 millions dans le monde entier.
Mais Pékin va plus loin que le reste du pays et impose une quarantaine de 14 jours à toute personne arrivant d’une autre province, qu’elle soit ou non porteuse du nouveau coronavirus.
Une politique liée à sa place au coeur du régime communiste, selon des analystes.
Bousculé par l’épidémie qui a contaminé plus de 82.000 personnes dont 3.300 mortellement dans le pays, le pouvoir du président Xi Jinping a reporté sine die la session du parlement qui devait se dérouler début mars — une première depuis des décennies pour la grand-messe annuelle du régime.
Avant d’accueillir à nouveau des milliers de députés de tout le pays, y compris des régions les plus contaminées, la capitale doit s’assurer qu’elle a éradiqué le virus, estime Ma Liang, professeur à l’Ecole d’administration et de politique publique de l’Université du Peuple.
« Renforcer la gestion des personnes qui reviennent à Pékin est devenu la priorité numéro un », analyse-t-il. « Autrement, il est impossible de créer les conditions nécessaires pour réunir » le parlement.
Le but ultime des mesures de sécurité imposées à Pékin est de protéger l’élite du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir, estime Alfred Wu, professeur à l’Université nationale de Singapour.
– Les Wuhanais stigmatisés –
Dans le viseur: les millions de travailleurs migrants originaires de province qui sont rentrés chez eux en janvier, au tout début de l’épidémie, pour fêter le Nouvel an chinois et qui, pour certains, attendent encore de pouvoir revenir dans la capitale.
Une employée de maison, Chen Na, ne peut ainsi quitter sa province de l’Anhui (est) parce que le secteur où elle se trouve est considéré « à haut risque ».
« Quand les gens voient d’où je viens, la conversation s’arrête immédiatement. Je ne peux même pas décrocher d’entretien d’embauche », explique-t-elle. « Je suis sans travail depuis février ».
Pour les personnes bloquées à Wuhan, la ville à l’épicentre de l’épidémie, rentrer à Pékin relève du parcours du combattant.
La quarantaine de la ville a été levée le 8 avril mais, avant de gagner la capitale, ses habitants doivent prouver qu’ils ne sont pas porteurs du virus en effectuant un test de dépistage.
Ils doivent ensuite télécharger une application sur leur téléphone portable pour obtenir l’autorisation de se rendre à Pékin. Puis faire par le même canal une demande de réservation d’une place dans le train. Problème: seul un millier de tickets sont mis en vente chaque jour pour un ou deux trains spéciaux.
D’après les autorités, il y aurait à Wuhan encore 11.000 personnes disposant d’un permis de séjour à Pékin et désireuses d’y retourner.
Arrivés à Pékin, les rapatriés sont mis en quarantaine pour 14 jours et doivent subir un nouveau test avant de pouvoir espérer reprendre une vie normale.
Dans deux gares de Wuhan, l’AFP a constaté que les voyageurs à destination de la capitale étaient parqués dans des files d’attente spéciales.
A leur arrivée à la gare de l’Ouest à Pékin, les voyageurs en provenance du Hubei, la province de Wuhan, sont dirigés vers des bus spéciaux qui les ramènent vers leur quartier — une façon de s’assurer qu’ils n’échappent pas à leur quarantaine obligatoire.
Sur le millier de personnes rentrées de Wuhan à Pékin du 8 au 13 avril, aucune n’était porteuse du virus.
LNT avec Afp