Le XIXe congrès du Parti communiste chinois à son ouverture, le 18 octobre 2017 à Pékin afp.com/NICOLAS ASFOURI
Comme tous les cinq ans, la grand-messe du Parti communiste chinois (PCC) bat son plein, à grand renfort de propagande. Pourtant, en ce jour d’octobre, seule une poignée de retraités visite à Shanghai le site du premier congrès du « plus grand parti du monde », haut lieu du patriotisme alimenté par le régime.
C’est dans ce qui était alors la concession française de la ville que Mao Tsé-toung et ses camarades tinrent en 1921 la réunion fondatrice du parti, qui devait arriver au pouvoir à Pékin en 1949.
Près d’un siècle plus tard, le modeste bâtiment de briques sombres trône au coeur d’un quartier de boutiques de luxe et de restaurants à la mode, comme un symbole de « l’économie de marché socialiste » instaurée par les successeurs de Mao.
« Il n’y a plus grand monde qui s’intéresse à ça aujourd’hui, seulement les plus vieux », confesse Cai Tian, un « jeune » visiteur du musée, âgé de 46 ans. « Les gens ne sont plus tellement nationalistes. Ils pensent à leur travail, à leur vie de tous les jours ».
A plus de 1.000 km de là, à Pékin, le président Xi Jinping attend que le XIXe congrès le reconduise à la tête de la deuxième puissance économique mondiale, après un premier mandat de cinq ans qui a vu le régime chinois faire vibrer la corde patriotique en défiant tour à tour ses voisins indien ou sud-coréen, ou les pays riverains de la mer de Chine méridionale.
– ‘Grande renaissance’ –
Dans son discours-fleuve au congrès mercredi, Xi Jinping a évoqué à maintes reprises la « grande renaissance » de la nation chinoise, après l’humiliation subie à partir du XIXe siècle lors du choc avec la civilisation occidentale.
Mais une étude récente de l’opinion publique révèle que la propagande nationaliste n’a qu’un effet limité sur la population, chauffée à blanc en 2008 lorsque Pékin a accueilli ses premiers jeux Olympiques.
« Selon plusieurs critères étudiés, les niveaux de nationalisme chinois stagnent ou reculent depuis 2009 », affirme l’étude publiée en début d’année par le professeur Alastair Johnston, de l’Université Harvard. « Il est clair que les répondants plus jeunes sont moins nationalistes que leurs aînés ».
« Wolf Warriors 2 », un film d’action résolument patriotique dans lequel un commando chinois l’emporte sur de méchants occidentaux, a bien battu cet été tous les records au box-office et des hordes de trolls –dont certains seraient payés par l’Etat– sont toujours prêts à dégainer leurs messages sur les réseaux sociaux dès que quiconque paraît manquer de respect à la patrie.
Mais ces efforts et une censure ultra-réactive ne parviennent pas à éliminer les points de vue divergents, selon une étude de l’Institut Mercator pour les études chinoises (Merics) publiée ce mois-ci.
– Double tranchant –
« Il est frappant de constater qu’aucune idéologie ne domine sur les forums de discussion chinois, où les opinions sur la politique, l’économie et la société sont âprement discutées », affirment les auteurs de l’étude. Selon eux, les mises en garde du pouvoir à l’encontre de « forces ennemies hostiles » ne semblent pas imprégner les débats sur les réseaux sociaux.
Le sentiment nationaliste pourrait remonter en cas de tensions internationales ou de crise économique, avertissent des experts.
Le régime laisse à l’occasion éclater des flambées nationalistes, notamment contre le Japon. Mais le pouvoir redoute que de tels mouvements ne se retournent contre lui et siffle vite la fin de la récréation.
« Le nationalisme est à double tranchant et Pékin s’efforce de l’endiguer », souligne le sinologue Kaiser Kuo, qui anime le podcast Sinica sur le site SupChina.com.
L’an dernier, lorsqu’un tribunal international a rejeté les prétentions de Pékin en mer de Chine, des manifestants, y voyant la main de Washington, s’en sont pris à des restaurants KFC dans plusieurs villes. S’en est suivi un débat en ligne sur « le patriotisme irrationnel », avant que les médias n’appellent les contestataires à rentrer chez eux.
« Les jeunes reconnaissent certainement pour la plupart que la prospérité (de la Chine) découle de sa coopération avec le reste du monde et du rejet du traditionalisme et de l’idéologie rigide », explique Kaiser Kuo.
LNT avec Afp