Par Afifa Dassouli
Bank Al Maghrib vient de procéder à deux opérations d’injection de liquidités sur le marché monétaire, les lundis 9 et 16 janvier, d’un montant respectif de 15 et 1,3 milliards de dirhams, tout en annonçant une nouvelle pour lundi prochain.
Certes, il s’agit d’une injection de liquidités comme celles qu’elle fait chaque semaine en faveur du système bancaire à travers des avances à 7 jours qui se montent depuis un certain temps, à près de 100 milliards de dirhams. Celles-ci destinées à refinancer les banques sont d’ailleurs garanties par des collatéraux sous forme de prêts ou des mécanismes de swaps de change ou autres.
Mais, quels sont les facteurs d’assèchement des liquidités sur le marché interbancaire ? Il s’agit d’une part, des retraits de monnaie fiduciaire et d’autres part des importations du pays en forte augmentation.
Concrètement, les crédits bancaires, par le principe des vases communicants, passent du compte d’un agent économique à l’autre sans générer de liquidité. Par-contre, les retraits d’espèces opérés par les clients créent un déséquilibre. Or, aujourd’hui, il semblerait que les retraits de liquidités se situent à un niveau très élevé à plus de 350 milliards de dirhams soit 10% de plus par an, tout particulièrement depuis la période de la covid, à cause des aides de l’État, versées à des populations pas forcément bancarisées.
On assiste donc à une importante croissance de la monnaie fiduciaire, ce qui s’expliquerait par des raisons fiscales, les ATD avis à tiers détenteurs, et saisies arrêts sur les comptes, par la DGI étant très redoutées.
Par ailleurs, les importations marocaines augmentant substantiellement du fait de l’inflation, engendrent aussi un besoin de liquidités bancaires supplémentaire. En effet, quand elles sont financées par des crédits bancaires, elles créent un besoin de liquidités parce que l’argent sort du système bancaire. Ce, alors même que la balance des paiements est presque équilibrée avec un déficit de 3% du PIB seulement et des réserves de change de 6 mois d’importations du fait des transferts des MRE qui ont atteint 100 MMDHS, des exportations de l’OCP qui explosent et les recettes de tourisme qui sont sur le même trend.
En conséquence, l’assèchement des liquidités bancaires s’impose comme le montre les derniers chiffres de BAM, relatifs au comportement de M1, M2 et M3 et de leurs composantes, qui se sont dégradés entre 2021 et 2022 (cf tableau ci-après). Et ce d’autant que la réserve obligatoire qui aurait pu être un outil de renflouement des liquidités du marché monétaire par sa baisse, est aujourd’hui réduite à zéro.
C’est dans ces circonstances que BAM a décidé de procéder à ces injections à hauteur de 10% du besoin de liquidités structurel. Elle a présenté cette opération d’open market comme une opération d’injection structurelle qui par la même occasion a liquéfié le marché secondaire des Bons du trésor.
Vu de cet angle, les interventions de BAM en question, se rapprochent de la politique de « quantitative easing » initiée par la BCE et la FED au lendemain de la crise financière de 2007-2008, avec la différence que l’objectif de BAM ne porte pas sur la baisse des taux longs.
D’ailleurs Bank Al Maghrib dans le cas d’espèces, n’accepte que les Bons du Trésor à court terme à moins de 3 mois, qui sont échues en 2023, pour ne pas prendre de risque de duration et garder les taux existants autour de 3%. Ce qui, de fait, minimise la gravité de l’intervention de BAM par injection de liquidité.
En revanche, la liquidité qu’elle restaure sur le marché secondaire des Bons du Trésor est bienvenue. En effet, les banques ayant un acheteur de dernier recours de leurs BT, sont plus enclins à acquérir d’autres titres de BT sur le marché secondaire, le rendant ainsi plus liquide. Il faut savoir que ce marché a connu des moments difficiles avec une courbe des taux inversée où les taux courts rejoignaient voire dépassaient les longs. Mais aussi que les besoins du Trésor qui atteignent les 150 MMDhs, doivent être satisfaits par les marchés marocains des BT primaire et secondaire, parce que l’État marocain n’est pas encore sorti à l’international.
A ce sujet, le Maroc attend que le FMI renouvelle sa ligne de précaution et de liquidités de 3 milliards de dollars en la remplaçant par une ligne dite « modulable de liquidités « qui n’est pas plafonnée et dont les conditions sont très avantageuses. Il ne s’agira plus d’une garantie mais d’un soutien du FMI au Maroc, sur le long terme. Ce qui ne saurait tarder parce que cette dernière serait conditionnée par les conclusions du GAFI, Groupe d’Actions Financières de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, concernant la position du Maroc sur la liste grise. Une délégation de ce groupe d’importance est d’ailleurs au Maroc entre le 16 et le 18 janvier pour une nouvelle enquête relative aux quatre derniers griefs contre le Maroc en suspens. Notre pays pourrait donc sortir définitivement de la liste grise qui impacte son image et accroit son niveau de risque. Et donc d’obtenir la ligne modulable du FMI.
Pour ce faire, les acteurs du marché des capitaux et l’AMMC, son autorité de tutelle, qui seront auditionnés par le GAFI, sont très mobilisés…
Afifa Dassouli