Amar Hamimaz
Ex Chef de la Division de la Répression des fraudes
« Malheur aux fraudeurs
qui lorsqu’ils achètent aux autres exigent pleine mesure,
mais qui lorsque eux-mêmes mesurent ou pèsent pour les autres faussent le poids et trichent dans la mesure ! » (83, 1-2-3)
Saint Coran
« Donnez la mesure complète, ne fraudez pas, pesez avec des poids justes, ne dépréciez pas la marchandise d’autrui, ne semez pas le désordre sur terre ».
Saint Coran
« Qui nous trompe (fraude) ne fait pas partie des nôtres (notre communauté musulmane) »
Prophète Muhammad (prières et paix de Dieu sur lui)
NB : Je tiens vivement à remercier des collègues amis, professeurs et spécialistes de l’Institut Agronomique et Vétérinaires Hassan II, qui ont chacun, dans leurs domaines de compétence respectifs (microbiologie vétérinaire et maladies infectieuses, sécurité sanitaire des aliments, médecine vétérinaire, pathologie aviaire, chimie, qualité et technologie des aliments) bien voulu relire ce texte et m’apporter leurs précieuses remarques nourries par une expérience solide. Je remercie également mon ami Mostapha Bahri, consultant économiste et auteur de plusieurs articles dans cette tribune du consommateur, pour avoir bien voulu relire, d’un œil avisé, ce texte.
Au cours de ma longue carrière de contrôleur de la qualité alimentaire, j’ai rencontré des centaines, que dis-je, des milliers de situations de fraudes tout aussi différentes les unes des autres, toujours plus élaborées, toujours plus innovantes, révélant un esprit ingénieux, de nature parfois diabolique.
Nous ne souhaitons pas que lecteur développe une paranoïa, visant à voir dans tout commerçant un fraudeur, mais d’être vigilant et de savoir qu’un homme averti en vaut deux. Nous avons, à plusieurs reprises, prévenu que le consommateur devait compter sur lui-même. Il doit devenir son propre contrôleur de la qualité et développer une compétence susceptible de l’aider à débusquer la tromperie et de relever les dangers potentiels de certains produits alimentaires. Nous voudrions, dans ce texte, informer le consommateur sur certains types de fraudes alimentaires courantes, sans prétendre être exhaustif, ce qui exigerait de nous, tout un numéro entier de la nouvelle tribune. Nous souhaitons également lui donner quelques « ficelles », quelques « astuces » issus de notre expérience, pour l’aider à déjouer lui-même une bonne partie des fraudes alimentaires, alors que le Ramadan sacré est à nos portes, et que la fraude, à cette occasion, devient omniprésente.
L’acte de frauder est défini par la loi comme une tromperie ou une falsification, par quelque procédé que ce soit, et induisant en erreur l’acheteur sur la substance ou la quantité de la chose annoncée.
Nous verrons successivement les fraudes sur la qualité des produits (les plus nombreuses et qui ont nécessité des développement plus longs), les fraudes sur les fausses allégations, les fraudes sur la quantité et les fraudes sur l’étiquetage.
- Fraudes sur la qualité des produits:
Elles sont nombreuses : viandes attendries, viandes colorées, produits dangereux utilisés pour enlever les mauvaises odeurs ou pour éviter l’altération de la viande au contact de l’air libre en lui conservant sa couleur rouge ou la raviver, substitution du produit : par exemple vendre de la viande hachée d’âne ou de chien à la place d’une viande hachée de bœuf. Un ami, observateur averti, m’avait fait remarquer que les ânes renversés et tués sur les routes principales ou secondaires du Royaume disparaissaient quasi immédiatement. Leurs dépouilles se volatilisaient au bout de quelques heures. Devinette : pour quelle raison ? vous l’aurez compris, pour atterrir chez des bouchers malhonnêtes. La tromperie est inscrite dans les gènes de certaines personnes. La vente de la viande d’âne à la place de la viande de bœuf est une fraude très courante. Vous avez dû entendre parler tout récemment d’une affaire de ce type qui a fait scandale à El Jadida. Il est très difficile de détecter de visu ce type de fraude. A El Jadida, ce sont des voisins qui ont vu des ânes entrer, à la queue leu leu, dans l’abattoir personnel du boucher en question et qui l’ont dénoncé aux autorités. Pour différencier une viande d’âne d’une viande bœuf, il est possible de le faire de trois manières. Sentir la viande (l’odeur n’est pas la même), observer si la couleur, dans le cas de la viande d’âne, vire vers le gris. Mais même dans ce cas, le boucher peut camoufler en utilisant un colorant. La troisième manière ne trompe pas : examiner la texture de la graisse. La graisse du bœuf est solide, ramassée, alors que celle de l’âne est molle, voire très molle. S’agissant d’une viande de bœuf qui n’est pas fraiche, c’est le type d’odeur qui doit normalement vous renseigner mais également la couleur brune, voire verdâtre, de la viande. Même s’il colore en rouge sa viande pour la rendre éclatante (au bisulfite de soude, en utilisant une éponge qu’il passe régulièrement sur la viande exposée), le fait de la découper, devant vous, va révéler cette couleur sombre, dans les morceaux intérieurs. Certains bouchers préparent la viande qu’ils mettent dans une boîte prête à être vendue. Dans ce cas la fraude est indétectable.
S’agissant des viandes attendries artificiellement, pratique assez courante, l’attendrisseur (appareil à cet effet) utilisé à l’insu du client est une tromperie sur les qualités substantielles du produit. Si cette machine n’est pas bien nettoyée, des micro-organismes retenus dans les lames induisent très rapidement une décomposition qui contamine inévitablement la viande saine. Des intoxications sont enregistrées surtout en été. Une viande attendrie est reconnaissable selon Abderrahim Janah, un ancien cadre de la répression des fraudes, « aux perforations régulières, à peine visibles à l’œil non exercé mais parfaitement reconnaissables cependant et ne laissant aucun doute sur le traitement auquel a été soumis le morceau de viande ».
S’agissant de la viande hachée, outre le danger de contamination microbienne que représente la machine à hacher, si elle est sale et non nettoyée, un boucher malhonnête peut introduire dans la machine des déchets ou rebuts qui vont venir se mélanger à la viande saine. Il peut aussi les garder dans la machine surélevée, et que le consommateur ne peut voir, et y ajouter des morceaux de viande saine. Ce que je fais d’habitude c’est de demander au boucher de me faire voir au préalable la trémie du hachoir généralement en inox, de vérifier qu’elle est vide et propre, le fait qu’il n’y a pas déjà de la viande pourrie, un excès graisse et des quantités astronomiques d’oignons, avant de lui demander de tout hacher (l’ajout de l’oignon, des épices et du persil est normalement interdit). Si le consommateur, de son propre chef, demande au boucher d’ajouter ces ingrédients, ce n’est pas une fraude. De temps à autre, les contrôleurs devraient normalement vérifier le matin, avant l’arrivée des premiers acheteurs, que la machine a été bien lavée la veille (pour éviter toute intoxication causée par des restes et des détritus qui restent collés dans la machine pendant la nuit). J’avais demandé, dans les années 80, en tant que responsable, que tous les bouchers abaissent leur machine de telle manière que les clients puissent la voir entièrement. Malheureusement, il n’y a pas eu de suite. En tant que consommateur, pendant tout le processus de hachage, je surveille de manière vigilante toute l’opération de transformation de A à Z.
Il existe une autre méthode frauduleuse pour attendrir la viande en ramollissant les muscles. Il s’agit de l’ajout d’un sel attendrisseur appelé papaïne, extraite du papayer, arbre originaire d’Asie. L’usage de ce sel est strictement interdit dans les boucheries, charcuteries, restaurants et tout établissement ou l’on prépare de la viande. Il n’y a pas de moyen pour déjouer ce type de tromperie, à part le fait de bien observer si la viande est anormalement tendre.
S’agissant des saucisses, il faut se méfier de leur couleur. Si elle n’est pas naturelle, que les saucisses sont trop rouges (parfois d’un rouge mauve parfaitement uniforme), cela signifie que des colorants chimiques dangereux (parfois synthétiques) y ont été ajoutés pour séduire le consommateur. Quant aux saucisses à partir de la viande de chien ou d’âne, il est quasi impossible de les détecter. Ici, le conseil est de développer des relations de confiance avec votre boucher, de ne pas papillonner, en changeant tout le temps de boucher et de ne pas vous diriger vers le secteur informel. Voyez, à la médina, toutes ces saucisses qui grillent, ces têtes de mouton et de veau qui cuisent à la vapeur, ces abats tel le foie ou les rognons frits, ces poulets à la couleur jaune vif, exposés çà et là. Tout cela est à proscrire, car l’origine de toutes ces viandes reste une énigme. Aucune garantie que ce soit de la viande de bœuf. Demander à votre boucher personnel de préparer les saucisses devant vous, ou croyez-le sur parole en raison de votre relation privilégiée avec lui.
La couleur jaune vif des poulets montre à l’évidence qu’ils ont été colorés avec un colorant chimique qu’on appelle la tartrazine. Ce dernier n’a qu’une fonction esthétique. Il vise à rendre les produits plus colorés, donc plus appétissants. La tartrazine est utilisée dans de nombreux produits comme les pâtisseries, les céréales, la moutarde et les bonbons. Il est autorisé au Maroc et les ménages l’utilisent pour colorer leurs poulets. Il n’ajoute absolument aucun goût, à l’inverse du safran naturel dont il est le substitut chimique, mais il semble dire au consommateur : « regardez le poulet, comme il est appétissant ! ». L’utilisation de la tartrazine n’est pas une fraude, le colorant est autorisé, mais c’est l’intention d’attirer le consommateur, qui, elle, est une tromperie. Il faudrait pour que ce ne soit pas le cas, que le vendeur affiche : « poulet coloré à la tartrazine ». Le client décidera alors, en connaissance de cause, de l’acheter ou non. En ce qui me concerne, l’utilisation de ce colorant a un effet répulsif. Je ne mangerai pas un aliment coloré de cette manière, pour tout l’or du monde. Un des indices de cette utilisation est, qu’à la fin du repas, vos ongles restent jaunis et ce malgré le lavage de vos mains. Il faut savoir que la tartrazine (code E 102), colorant azoïque jaune, très utilisé pour colorer les aliments chez nous (riz, poulets, rghayefs farcies, gâteaux marocains et notamment à l’approche du ramadan la fameuse chabakya qu’on devrait couper en deux, au moment de l’achat, pour s’assurer qu’elle n’est pas jaune à l’intérieur, etc.) aurait des effets toxiques.
Les études médicales sur ce colorant relèvent un certain nombre d’effets : hyperactivité, rhinites, troubles de la vue, potentiellement cancérigène pour certains scientifiques, avec effets mutagènes et tératogènes.
Il constitue un facteur d’irritabilité et de trouble du sommeil chez l’enfant. Il occasionne des risques d’urticaire, d’asthme et une sensibilité lorsqu’il est croisée avec de l’aspirine. Associée aux benzoates (E210-E215), la tartrazine est suspectée d’être responsable d’un pourcentage important de cas de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH ou ADHD) En 2007, le Parlement européen a décidé que tout aliment contenant ce colorant devait porter sur l’emballage la phrase suivante : « Peut causer des troubles de l’attention et du comportement chez les enfants. »
Un autre exemple est l’achat d’huile d’olive qui est mélangée à l’huile de table en raison du différentiel de prix (à partir du tournesol mais surtout aujourd’hui issue du soja qui circule beaucoup et dont le prix défie toute concurrence). Une autre tromperie est de colorer l’huile d’olive en lui donnant une couleur verte attractive, en utilisant un colorant chimique, la chlorophylle de synthèse. Il faut savoir qu’il y a un principe essentiel prévu par la loi : aucun additif n’est autorisé dans l’huile d’olive vierge. Il y a aussi le coupage d’huile d’olive, mélanger deux types d’huile de qualité inégale : l’huile de grignon et l’huile vierge. La mention huile extra vierge est alors considérée comme une fraude. Il est très difficile pour le consommateur de débusquer, de visu, ce type de fraudes excepté s’il fait des analyses. Même le mélange d’huiles est très difficile à repérer, en raison des proportions parfois faibles d’huiles ajoutées. Le conseil à donner au consommateur est d’acheter une huile d’olive produite par les usines modernes, de marque réputée, vendues en grande surface et de fuir comme la peste les huiles d’olive du secteur informel, exposées çà et là au-dessus des olives vendues. Il peut aussi développer une relation de confiance avec un producteur qu’il connait dans une région donnée et qui lui livrera une huile authentique. Personnellement, du fait que mon épouse est originaire d’une région productrice d’huile d’olives, j’ai l’habitude de m’y rendre, d’acheter mes olives moi-même chez un producteur que je connais, et de les triturer dans une unité pour obtenir la précieuse huile. Cette opération, il est vrai assez lourde, me garantit une qualité irréprochable et même un prix très intéressant.
Quant aux olives de table, plusieurs tromperies sont développées. Les additifs chimiques ajoutés dans les olives vertes pour leur donner un aspect attrayant dans le tagine, comme l’acide sulfurique, un acidifiant/correcteur d’acidité de synthèse (E 513), les sulfites pour préserver la couleur ou la rouille de fer moulée incorporée dans les olives noires confites visant à leur donner une coloration noir brillant. Ces additifs sont interdits et très contestés s’agissant de leurs effets sur la santé. Sinon, c’est toujours très difficile de se rendre compte de ces ajouts chimiques, excepté les douleurs au ventre que vous risquez d’avoir en mangeant plusieurs olives. Les olives noires confites peuvent faire l’objet de fixateurs de couleur autorisés avec des limites (gluconate et lactate ferreux). Certains fraudeurs ajoutent la rouille ramassée sur de la ferraille oxydée (à la place des fixateurs autorisés) pour garder à l’olive sa coloration noire. Afin de faire ressortir la coloration rosâtre des olives utilisées dans les tagines de poulet, on ajoute de l’acide sulfurique absolument interdit. Une olive verte, gardée en dehors de la saumure (solution eau et sel), éclatante, qui brille et garde une coloration vert foncé, a fait vraisemblablement l’objet d’addition de métabisulfite, un additif allergisant interdit dans ce type d’olive. Ce n’est pas normal car les sulfites sont interdits. S’agissant des olives noire façon Grèce (qui sont déjà noires, dès la cueillette), l’ajout de gluconate ferreux (E 579) pour leur faire garder une couleur noire de jais uniforme n’est pas autorisé dans ce type d’olives.
Le conseil au consommateur est qu’il achète un produit emballé avec une étiquette et une adresse de l’unité productrice, ou alors le préparer chez lui. L’achat auprès d’une unité qui a une autorisation sanitaire ou un agrément est plus que préférable à l’achat en vrac dans l’informel. Même si les deux additifs suivants sont autorisés, ils ne sont pas complétement inoffensifs. Le gluconate de fer (le E 579) pourrait être toxique à certaines doses et jaunir les dents par effet chronique. Le lactate de fer (E 585) est un agent de rétention de la couleur des olives, seul produit dans lequel son usage est autorisé. Selon la revue française « Que choisir » (on aurait aimé citer une revue d’une association marocaine de consommateurs, inexistante à ce jour !) « On suppose aujourd’hui qu’un apport élevé et durable en fer peut engendrer un risque de développer une maladie cardiaque (cardiomyopathie par surcharge en fer). Cela étant, la consommation du E585 en lui-même est jugée sûre ». Quant aux sulfites utilisés par les fraudeurs en tant que conservateurs et strictement interdits par la loi, ils ont des effets négatifs sur la santé. Certaines personnes peuvent développer une réaction inflammatoire caractérisée « par des rhinorrhées, des éternuements, des démangeaisons, de l’urticaire, des douleurs abdominales voire des symptômes plus graves, comme un bronchospasme ou une réaction de type anaphylactique » (source Wikipédia).
Une des fraudes les plus courantes sur la nature du poisson vendu est de vendre des poissons ou des sardines congelés, et qu’on a décongelés au moment de la vente. Ces poissons sont commercialisés à la place des poissons frais pour tromper le consommateur. Attention ! ce type de poisson peut être disséminé parmi des poissons qui eux, sont frais. Il y a un examen visuel et tactile à faire pour déjouer cette tromperie : observer les yeux et la fermeté du poisson. Il y a ce qu’on appelle la cristallisation du cristallin de l’œil. Si l’œil devient blanc, ce qu’on appelle le blanchiment du cristallin, le poisson a été décongelé. Si en appuyant votre doigt sur le ventre et qu’il ne vous revient pas (ce qu’on appelle le signe du godet), qu’il reste enfoncé dans la chair, à tous les coups c’est un poisson, soit frais avarié, soit décongelé puis recongelé. Si les branchies localisées de part et d’autre du pharynx, sont d’une couleur sombre, pas rouge vif, laissant couler parfois une sorte de bave, le poisson a été décongelé. L’odeur est aussi à tester. Un poisson décongelé ne dégage pas l’odeur forte caractéristique de l’océan. Un poisson congelé et décongelé laisse normalement échapper beaucoup d’eau.
Une autre fraude est de créer une confusion sur les espèces de poisson, par exemple entre le saint pierre (100 dh/kg) et le faux saint pierre (20 dh/kg). Pour s’en rendre compte, il faut bien connaitre les variétés de poisson. Le ministère des pêches a publié un livre sur les poissons marocains, avec des photos, qu’on peut consulter si on est coincé.
Une autre fraude est de ne pas mentionner que le poisson acheté est issu d’un élevage, qu’il n’est pas sauvage. Si maintenant, vous êtes au restaurant et qu’on vous sert des crevettes. Si celles-ci sont décortiquées très facilement, elles ne sont pas fraiches. Si ce décorticage est laborieux, la crevette est fraîche (même cas pour tout poisson cuit). Dans le premier cas, retournez-les, et sans scrupules aucun, au restaurateur, puisque lui n’a eu aucun scrupule ! !
Un autre problème, autrement plus sérieux, relatif aux crevettes est l’utilisation d’additifs chimiques, notamment l’anhydride sulfureux appelé aujourd’hui dioxyde de souffre, visant à préserver la couleur rose des crevettes et éviter le brunissement de la peau (points noirs le plus souvent). L’utilisation des sulfureux est rigoureusement réglementée. Si la dose réglementaire est dépassée, des résidus de cet allergène (l’anhydride sulfureux) peuvent créer une inflammation de l’appareil respiratoire, et, causer des crises extrêmement graves, notamment chez les personnes asthmatiques. Vous pouvez faire le test suivant chez vous. Achetez, disons 1 kg de crevette. Lavez un demi kilogramme et garder l’autre intact. Si le lendemain, celui qui a été lavé brunit, on y a ajouté des sulfureux. Si l’autre moitié non lavé ne brunit pas, l’anhydride sulfureux n’a pas été ajouté. Si les deux quantités brunissent, il n’y a pas eu d’ajout. Le brunissement dans ce cas, est un phénomène naturel.
Si vous avez envie de manger un poisson, visez les restaurants qui ont une vocation à préparer le poisson et non ceux qui ont un menu multi-produits. Si on vous sert un poisson, il vous est impossible de visu, de savoir s’il est frais ou non, car le fait qu’il soit cuit ou grillé, camouffle et masque tous les repères et indices de la qualité. C’est le goût et l’odeur (qui ne peuvent être masquées) qui vous diront s’il est frais. La peau d’un poisson qui n’est pas frais est facilement détachable. C’est le contraire pour un poisson frais. Il faut savoir reconnaître le goût du poisson frais, l’enregistrer dans votre mémoire et comparer avec celui qu’on vous sert au restaurant.
Une autre fraude très courante consiste, pour les frites et toutes les sortes de fritures, à économiser l’huile de cuisson en refusant de la changer. Vous n’êtes pas sans ignorer ce problème grave pour la santé humaine. La surchauffe de l’huile de friture à des températures supérieures à 120 ° pour des aliments riches en amidon et en asparagine, permet le développement de l’acrylamide, une substance hautement cancérigène, pour les consommateurs de tous les groupes d’âges. Plusieurs snacks et restaurateurs ne renouvellent pas régulièrement les bains de friture et des beignets.
Le conseil à donner aux consommateurs est de sentir l’huile de friture ou des beignets. Une odeur très forte, presque insupportable, indique que l’huile est dangereuse, non renouvelée régulièrement. Il s’agit également de demander des frites (et autres fritures, de poisson par exemple) légèrement dorées et non brunies. Éviter également de consommer les zones les plus brunies de la frite, lors de la cuisson, qui sont les plus riches en acrylamide (comme d’ailleurs les parties les plus noires d’un pain grillé). Les composés d’acrylamide ne doivent pas dépasser un seuil de 25% dans les huiles. Normalement les services d’hygiène doivent faire un contrôle systématique et régulier, après chaque utilisation, avec une sonde ou des bandelettes ou des tubes colorimétriques et enregistrer le résultat. Le font-ils ?
Je poursuivrai par la fraude sur le miel, un des produits à qui on peut décerner, à coup sûr, la médaille d’or olympique en matière de fraude. Mon constat est qu’il est quasi impossible de trouver aujourd’hui dans le secteur non structuré (informel) marocain, un miel qui n’est pas, qui n’a pas été fraudé à un degré donné. Nous avons pourtant une des flores les plus riches d’Afrique, et nous sommes capables de produire des miels de très grande qualité qu’il est possible d’exporter. Le problème c’est que plusieurs producteurs ne voient pas cela du même œil, et préfèrent courir après le gain rapide.
S’agissant des miels importés, Rachid Hamimaz expliquait dans son article paru dans cette tribune et intitulé « questionnements alarmants autour de la qualité des produits alimentaires importés » qu’il soupçonnait très fortement que des miels importés au Maroc, à partir de certains pays d’Asie, étaient soit allongés au glucose ou tout simplement fabriqués artificiellement en mélangeant, comme l’a démontré un spécialiste, le Professeur Albert Schweitzer « du sucre du glucose, du maltose, de l’isomaltose, du fructose (6 sucres), de l’acide gluconique produite par les abeilles, deux enzymes, de l’eau et du pollen pour faire vrai.
S’agissant du miel national, une des pratiques les plus courantes est de l’allonger avec du glucose, caraméliser le sucre et l’adjoindre au miel dans des proportions importantes. On peut juste y ajouter des fragments d’alvéoles pour donner l’impression que c’est du miel. Sur la route principale qui mène de Meknès à Ifrane, et en entrant dans la forêt qui débouche sur cette ville, vous avez dû constater la présence de plusieurs vendeurs, sortis comme par miracle des bois, et qui attendent les automobilistes pour leur refourguer du soi-disant miel. Sachez que tout ce miel est fraudé. Un soupçon de miel au-dessus, et tout le reste c’est du sucre. A l’approche du Ramadan, période très consommatrice de miel, ces marchands pullulent. Beaucoup de citoyens continuent à se faire avoir. Lorsque vous allez à Ifrane, ne vous arrêtez surtout pas pour acheter ou même voir ce miel. Il est surprenant de constater que la majeure partie de ces vendeurs proviennent d’un village d’une province du Sud, celle de Kalaat Sreghna. S’agissant de la falsification du beurre, ce sont des vendeurs qui sont originaires d’une province du Nord, celle de Taounate. Il y aurait donc une forme de spécialisation régionale de la fraude dans notre pays. Curieux phénomène qui nécessite, sans doute, une recherche universitaire approfondie.
Pendant la période hivernale, la quasi majorité des producteurs de miel nourrissent leurs abeilles de pur sucre. C’est très simple : une abeille qui est alimentée au sucre vous donne du sucre au moment de la floraison, ce qui est strictement interdit. Selon la loi, ce produit ne devrait même pas, se trouver sur le marché. J’ai connu des producteurs, et ils sont bien rares, qui refusaient de donner du sucre à leurs abeilles. En récoltant le miel, ils gardaient une quantité en réserve avec laquelle ils nourrissaient les abeilles au moment de l’hiver. Mais pour faire cela, il faut être un saint.
Le conseil à donner au consommateur est encore une fois de développer des relations de confiance avec un producteur qui pourra vous livrer un miel de qualité non fraudé. Il faudra s’assurer auprès de lui qu’il n’alimente pas ses abeilles en sucre, ou qu’il les nourrit avec une quantité minimale (raisonnable) pendant l’hiver, et qu’ils ne traitent pas les ruchers pendant la période de floraison pour ne pas avoir des résidus d’antibiotiques dans le miel ; problème de santé autrement plus sérieux que l’ajout de sucre !! Il y a aujourd’hui, depuis quelques années, un accord entre certaines grandes surfaces et des coopératives de miel pour référencer leurs produits. Normalement, ces produits sont de qualité, mais il faudrait jeter un coup d’œil sur le cahier de charge exigé par l’hypermarché, pour vérifier que les précautions minimales en termes de qualité y figurent. Il y a aussi des magasins spécialisés dans la vente de miels de coopératives, mais là aussi il faut demander toutes les garanties. Tout cela, certes, n’est pas simple pour le consommateur, et occasionne de nombreux coûts de transaction, mais on ne peut faire autrement. Les fraudeurs ont déclenché contre nous une véritable guerre, sans l’annoncer au préalable ; celle-ci exige de nous de prendre toutes les précautions et de bâtir des défenses solides.
On peut encore continuer indéfiniment, mais je voudrais m’arrêter sur un exemple, celui du poulet beldi (fermier) vendu dans les souks. Une pratique courante de tromperie suggère que certains poulets beldis n’ont que le nom et l’allure. Ils sont alimentés avec l’aliment industriel qui nourrit les poulets roumis et traités de la même manière, ou comme l’indiquait professeur Mohammed El Houadfi dans son article paru dans cette tribune « la consommation du poulet roumi est-elle sans danger pour le consommateur », que « certains petits éleveurs de campagnes le nourrisse du pain moisi, très riche en mycotoxines, achetée dans les souks ». Peut-on reconnaitre de visu un tel poulet ? Très difficile ! C’est au moment de la cuisson, qu’on peut le savoir. Des éleveurs expérimentés m’ont déclaré, déclarations confirmées par des spécialistes des maladies aviaires, qu’au moment de l’achat, il faut appuyer sur les ailes du pseudo poulet beldi. S’il crie, il est en bonne santé. S’il ne crie pas, il est malade. Des ongles longs indiquent que le poulet est vieux. En écartant les plumes pour voir la peau, si on découvre des poux ou des ectoparasites, cela signifie très probablement que le poulet n’a pas été traité et n’a pas été alimenté industriellement. C’est vraisemblablement un poulet beldi. Il faut savoir également qu’un poulet beldi dont le poids est supérieur à 1kg 500 ne l’est pas. Une des caractéristiques de ce poulet est d’être plus maigre que le poulet roumi. Le bréchet (os sur lequel s’insèrent les puissants muscles pectoraux permettant le vol, qui fait partie du squelette de la cage thoracique et constitue une extension du sternum) doit être maigre dans le cas du poulet réellement beldi (fermier). Il faut donc bien palper le bréchet. Malgré ces indices, l’identification d’un poulet réellement beldi, et non alimenté industriellement et traité aux antibiotiques, reste une opération difficile. Là aussi ce sont des relations de confiance avec un ou plusieurs fermiers, que vous connaissez et dont vous avez visité la ferme, qui pourront apporter cette garantie.
Dans deux mois ou plus, nous commémorerons, toutes et tous, la fête bénie de l’aïd al Adha. C’est l’occasion donnée à plusieurs fraudeurs de tenter de nous refiler des moutons malades, alimentés aux fientes (déjections de volaille) ou au pain rassis moisi, bourré de mycotoxines dangereuses pour la santé. Y a-t-il moyen de ne pas se faire avoir ? nos propres recherches et les explications d’un professeur vétérinaire nous ont appris certaines vérités. Il faut d’abord vérifier sur l’oreille du mouton la boucle d’identification de l’ONSSA pour Aid Al Adha (mais elle n’est pas systématique sur des milliers de têtes, compte tenu notamment des nombreux circuits commerciaux échappant au contrôle) que le mouton est actif et réactif, qu’il ne tousse pas, qu’il n’a pas une diarrhée, une boiterie, un abdomen anormalement gonflé (météorisme).
Il faut d’abord examiner l’état des yeux. S’ils sont congestionnés (rouge), c’est un mauvais signe. Ceci traduit une inflammation quelque part, ou des irritations suites à la poussière ou au transport des moutons confinés dans les camions. S’ils sont jaunes, il y a un problème avec son foie, présence de parasites ou intoxication par le cuivre suite à l’engraissement du mouton par l’aliment concentré destiné aux volailles, très riche en cuivre. Normalement, la bonne couleur de l’œil est le rose pâle. Si vous voulez savoir s’il a été nourri aux déjections de volaille, ouvrez-lui la bouche et sentez là. Normalement l’odeur ne devrait pas vous tromper car il reste dans la bouche des détritus de ce qu’il a consommé. Mais ce n’est pas toujours évident. Normalement, c’est immédiatement après l’abattage qu’on se rend compte (par l’odeur) qu’il a été nourri aux déjections de volailles. Mais à ce moment-là, c’est déjà trop tard. Le consommateur a été roulé. Si le ventre est anormalement gonflé (météorisme), il faut le palper ; cela signifie peut-être que le mouton a reçu une alimentation avec un excès de levure ou de sel, pour bien l’exposer aux yeux du client, au moment de la vente. Assurez-vous que le mouton urine normalement car cela peut cacher d’autres pathologies. Si le mouton n’urine pas, le taux d’urémie dans le sang augmente, le mouton peut mourir subitement dès l’arrivé à la maison ou à l’abattage, la viande sentant l’odeur des urines ; dans ce cas la saisie est totale.
S’il présente les symptômes suivants : langue bleue et gonflée, fièvre élevée, formation d’œdèmes au niveau des lèvres, du nez, des yeux, des oreilles et des pattes, écoulement nasal, claquement de dents, saignements, il faut suspecter la fièvre catarrhale, maladie virale transmise par des moucherons piqueurs. S’il présente des problèmes respiratoires, et un jetage nasal, il faut penser à un problème respiratoire ou à des parasitoses du tractus respiratoire. L’inflammation des ganglions lymphatiques également appelée maladie des abcès, peut suggérer une lymphadénite caséeuse, maladie transmissible à l’homme. Si vous voyez que le mouton tourne en rond, on peut soupçonner une listériose, également appelée « tournis », maladie également transmissible à l’homme. La tremblante du mouton est une pathologie contagieuse du système nerveux caractérisée par des lésions spongiformes du cerveau. Les bêtes atteintes de la tremblante du mouton doivent être abattues. Si vous remarquez des boursouflures et des croûtes autour du mufle, il faut redouter l’ecthyma contagieux. Cette maladie est transmissible à l’homme par l’intermédiaire des lésions cutanées. Si le mouton a une respiration difficile et haletante, un amaigrissement et d’autres dégradations, il est sur le point de mourir, peut-être chez vous, après l’achat. C’est peut-être la symptomatologie du visna-maëdi. Il n’y a malheureusement aucun traitement.
Au final, n’hésitez pas à palper le mouton partout, notamment sur le ventre, de bien observer ses yeux, de lui ouvrir la bouche, de la sentir et d’examiner l’intérieur et notamment la langue, etc. Pour avoir toutes les informations utiles complémentaires, l’ONSSA (office national de sécurité sanitaire des aliments) a mis à la disposition du citoyen, sur son site (onssa.gov.ma), des informations d’une grande qualité, notamment des capsules audio et vidéo dans les trois langues (français, arabe et berbère). Allez à onglet conseils Aid al adha.