
La Corée du Nord et les Etats-Unis, (principalement),sont engagés dans une épreuve de force dont l’issue pourrait être terrible pour des dizaines de millions de personnes dans la péninsule coréenne, au Japon, mais aussi sur une grande partie du Pacifique et du continent asiatique.
En effet, après l’essai réussi par le régime dictatorial nord-coréen d’une bombe à hydrogène dix fois supérieure à la puissance de la bombe larguée par les Américains en août 1945 sur Hiroshima, les Etats-Unis d’Amérique, par les voix du Président Trump et du secrétaire d’Etat à la Défense, le général Jim Mattis, ont lancé un avertissement solennel à Pyongyang, incluant parmi les options de réponse à cette provocation, l’emploi de l’arsenal nucléaire US.
Cette éventualité est aussi stupéfiante que gravissime parce que jusqu’à présent, pour tous les théoriciens de l’arme atomique, le rôle essentiel de celle-ci est uniquement dissuasif, afin de convaincre, par son existence même un éventuel adversaire de renoncer à ses menées belliqueuses.
Ainsi, les Russes et les Américains, qui disposent d’armements nucléaires aussi massifs que terribles, pourraient détruire toute vie sur notre planète si jamais ils s’engageaient dans une confrontation armée avec de telles armes.
C’est donc un équilibre de la terreur qui qualifie et caractérise, même en période de paix, les relations entre puissances nucléaires « majeures ».
Britanniques, Français, Chinois, Indiens, Pakistanais, Israéliens (dit-on), disposent eux aussi de l’arme atomique, mais cet avantage ne peut être décisif que sur le plan de la dissuasion, non de son utilisation.
Ainsi, on imagine mal qu’une puissance membre du « club atomique » utilise une arme nucléaire dans un conflit « classique » avec un Etat dépourvu de ce type d’armement.
Et si les Israéliens et les Américains se sont opposés avec tant de vigueur à la volonté de la République Islamique d’Iran de disposer d’une bombe atomique, c’est justement pour empêcher toute modification majeure du rapport de force établi depuis des décennies au profit d’Israël et au détriment de la communauté des Etats de la sphère arabo-islamique.
Téhéran disposant de l’arme nucléaire deviendrait intouchable, mais surtout, priverait Tel Aviv de son statut de seule puissance nucléaire de la région.
Ce sont ces vérités qui conditionnent la possession et l’utilisation des armements atomiques, ce qui faisait dire aux théoriciens français de la dissuasion, tels le colonel Pierre Dabezies et surtout le général Pierre Marie Gallois, qui avaient réfléchi dès la décennie cinquante du siècle passé sur la stratégie nucléaire du Général De Gaulle, qu’on pouvait « tout faire avec une arme nucléaire sauf l’utiliser », comparant celle-ci à une baïonnette sur laquelle on ne pouvait s’asseoir sous peine de « dommages majeurs »…
Même si plusieurs décennies nous séparent ces propos, tenus devant l’auteur de cet article par ces deux théoriciens dans le cadre d’un séminaire de DEA en Sciences Politiques, intitulé « Initiation aux théories militaires contemporaines » à l’Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, en 1976-1977, ils restent absolument pertinents aujourd’hui et notamment dans le cadre de la crise américano-nord-coréenne.
En effet, si le général Jim Mattis, reste circonspect et prudent quant à l’éventualité d’une réponse nucléaire de Washington aux provocations de Pyongyang, le Président Trump devrait faire preuve d’une retenue que lui dicterait une réelle connaissance des conséquences d’un affrontement atomique avec la Corée du Nord.
Le régime nord-coréen, en effet, veut disposer de l’arme totale, non pour un emploi intempestif, mais pour s’éviter toute attaque « classique » ou conventionnelle de la part de son adversaire américain.
C’est pour dissuader définitivement les Etats-Unis de songer à abattre le régime dictatorial du successeur et petit-fils de Kim Il sung, que la Corée du Nord prépare et teste des missiles balistiques porteurs d’ogives nucléaires. Non pour menacer Séoul ou Tokyo !
Mais, par contre, si Washington, emporté par la fougue de Donald Trump, en venait à utiliser une arme nucléaire, de faible puissance, tactique, pour, par exemple, détruire les installations militaires et les sites lanceurs de missiles de la Corée du Nord, celle-ci disposerait quand même du temps et des moyens d’infliger des dommages humains, économiques, en infrastructures et militaires, majeurs à ses voisins sud-coréens, japonais, voire à l’île de Guam, avant de connaître les effets d’une bombe terrible.
Lorsqu’on sait que 200 000 personnes sont mortes à Hiroshima à la suite du largage le 6 août 1945 par le B-29 ELONA GAY de la bombe « Little Boy », on mesure quels dommages causerait une arme de ce type, dix fois plus puissante, actuellement aux mains des généraux de Kim Jong un !
Voilà pourquoi dans cette crise majeure, la Chine et la Russie invitent le président Trump à la retenue et à la mesure, parce qu’ils pressentent que le dictateur nord-coréen, s’estimant perdu et vaincu à la suite d’une attaque nucléaire américaine, n’hésiterait pas à sacrifier son pays et son peuple pour rendre, proportionnellement du moins, la pareille aux Etats-Unis !
On souhaitera vivement donc que les sphères dirigeantes américaines et notamment les généraux du Pentagone, qui ont toujours eu une connaissance parfaite des conséquences d’une guerre nucléaire, même « limitée », sauront convaincre leur président que la seule arme totale dont dispose Washington dans son affrontement avec Pyongyang est celle de la négociation !
Fahd YATA