
C’est la rentrée ou presque, mais rien ne semble vraiment l’indiquer, sur le plan politique du moins. En effet, du côté des partis, malgré quelques velléités timides, c’est le silence radio sur toute la ligne, tétanisés sans doute qu’ils sont depuis le sévère discours royal de la Fête du Trône du 30 juillet dernier.
Car, hormis la démission, (non entérinée officiellement par les instances du PAM), du secrétaire général de cette formation, M. Ilyass El Omari, et quelques réactions «suivistes» au lendemain de l’allocution du Souverain, nos politiciens ont pris leurs quartiers d’été et ils n’en sont toujours pas sortis !
Un vide sidéral
Cette vacuité est d’autant plus remarquable que du côté de la société civile, certaines «initiatives» ont été prises, notamment pour chercher des issues autres que pénales à la crise d’Al Hoceima.
De Mohamed Nash Nash et Salah El Ouadie (Al Moubadara) à la démarche de Noureddine Ayouch et consorts, ce sont des personnalités «non encartées» qui s’efforcent, de leur propre initiative ou encouragées par certains cercles dirigeants, de nouer le dialogue avec les militants du Hirak détenus à Oukacha et dont certains feront l’objet d’une audience publique dès le début de la semaine prochaine.
On comprend clairement, de ce fait, que la classe politique, dans toutes ses composantes, majorité et opposition confondues, est totalement out, marginalisée et absente, mais surtout qu’elle n’a aucunement l’intention de remplir la mission constitutionnelle qui est la sienne, celle de s’impliquer pour l’encadrement des citoyens.
C’est dire donc que les propos royaux du 30 juillet sont toujours d’actualité et si Ilyass El Omari a cru nécessaire d’en tirer pour sa personne et son parti les enseignements, ses «collègues» ont préféré observer un silence qui en dit long sur l’aptitude et la volonté de nos «zaïms» à pratiquer un style pourtant mis à l’honneur par le regretté Allal El Fassi, celui de l’autocritique.
Résultat, la classe politique paraît encore et toujours plus éloignée des citoyens, de leurs préoccupations, mais également de l’idée même de l’action politique en son essence, c’est-à-dire la militance, l’action pour l’édification des masses, la mobilisation des adhérents, la représentation de leurs aspirations et revendications.
On en voudra pour preuve, entre autres, le fait qu’à l’occasion de la tenue d’élections partielles, à Tétouan, seuls deux partis ont cru nécessaire de briguer les suffrages de l’électorat, le PJD, (dont le député invalidé par le Conseil Constitutionnel se représente), et la FGD !
Quant aux autres, ils ont sans doute jugé que le jeu n’en valait pas la chandelle, oubliant qu’une campagne électorale est un jalon incontournable dans la manifestation d’une existence partisane, même lorsque les chances de l’emporter sont minimes.
La passivité «remarquable» des forces politiques n’a d’autre résultat que d’approfondir le fossé, déjà béant, qui existe entre « le peuple » et les partis, alors que le manque de perspectives positives s’étale au grand jour.
Et pourtant
En effet, les questions qui pourraient interpeller les partis, les pousser à l’action, à la réflexion, à la proposition, pour «occuper le terrain», ne manquent guère.
Entre les méfaits du chômage, la crise d’une jeunesse en mal de projets, l’intolérance qui progresse à vue d’œil comme l’expriment les réactions obscurantistes, la misère sociale, les questions cruciales de l’Education, du Logement ou de la Santé, les champs d’intervention des forces politiques sont aussi nombreux qu’immenses, mais ils demeurent en friche, faute de «combattants».
On perçoit ainsi, à l’aune de ces réalités, que le discours de la Fête du Trône évoquait une situation réellement et gravement préoccupante parce que plus de quarante jours après, rien n’a encore changé !
Les partis attendent, Godot peut-être ?
Ils se manifesteront lorsqu’on leur en aura intimé l’ordre ou bien parce qu’ils auront le sentiment que la foudre tombera bientôt sur leurs têtes.
Mais songer à prendre l’initiative, que nenni !
On en conclura que l’état de la scène politique nationale est tel qu’il ne s’agit plus désormais de retouches, d’accommodements, de changement d’hommes (ou de femmes), mais bel et bien d’une restructuration profonde et totale de la politique partisane dans notre pays.
Sans comparer ce qui ne l’est pas, on a bien vu, en France, à l’occasion des présidentielles et des législatives du printemps dernier, émerger des forces politiques nouvelles, comme La République en Marche, La France Insoumise, qui ont bousculé les partis flétris par la compromission, les calculs étriqués et les ambitions démesurées.
Sans oser espérer un tel aggiornamento, parce que l’opinion publique n’est pas prête, comme l’exprime son désintérêt pour les partis nationaux, on souhaitera au moins que de nouvelles énergies se mobilisent pour donner à la Politique un contenu réel, patriote et progressiste afin que les citoyens, d’Al Hoceima, de Casablanca, d’Oujda ou de Dakhla se sentent enfin compris, soutenus et représentés.
Il y a trente ou quarante ans, pas une lutte populaire ne se déroulait en dehors des partis, qui ne craignaient pas à l’époque d’avoir leur personnalité, leur programme, leur identité propre, au prix parfois de la répression…
On mesure aujourd’hui le poids de leur absence !
Fahd YATA