
De l’avis de nombre de citoyens, le prix du mouton a atteint dans la majorité des cas des seuils intolérables. Encore plus à la veille de l’Aid. En dépit en effet d’une offre étoffée, avec les effets de la sécheresse, de l’inflation, mais aussi de la spéculation, les prix sont très élevés cette année, et il faut compter au minimum 3500 dhs pour un petit mouton qui coûtait moins de 1500 dhs il y a quelques années. Les moutons importés d’Espagne sont à des tarifs plus abordables que les moutons marocains, mais ils ne sont pas disponibles partout et sont vite achetés. De quoi rendre le goût de l’Aid un peu amer pour nombre de chefs de familles qui se sentent obligés d’accomplir le rituel du sacrifice…
Ceci dit, une bonne partie de ménages marocains a globalement vu leur budget de l’Aid exploser ces dernières années, et 2024 ne fait pas exception, au contraire ! Mais, comme c’est la fête du sacrifice, il n’y a pas de choix. Une fête sans mouton pourrait entrainer l’explosion d’une famille. Cette année, les moutons du sacrifice sont négociés à un tarif entre 60 et 75 Dhs/Kg selon la race. A Casablanca, Marrakech et dans presque toutes les villes du Royaume, les Chennakas ont fait et défait le marché, agissant en seuls et incontournables maître du marché.
Normal, diront beaucoup, puisque le tout se déroule dans l’informalité et l’anarchie totale… au grand bonheur des Chennakas et autres Semsaras peu scrupuleux. Et c’est loin d’être un simple fait divers. Chez nous et ce n’est un secret pour personne, le marché des ovins réservés pour le Sacrifice reste livré à lui-même. En l’absence d’un dispositif de contrôle bien établi, le prix des ovins pratiqué dans les différents points de vente est jugé de plus en plus « inabordable » pour les petites bourses. Sans oublier les problématiques liées au manque d’hygiène et à l’anarchie qui règne dans un espace aussi sollicité le temps d’une fête aussi importante et symbolique pour les musulmans. Dans les souks, ce n’est pas du tout la fête.
Le manque d’organisation du monde pastoral favorise les pratiques spéculatives, et les ménages tombent dans les griffes des maquignons de tout poil. Tel est le constat dressé par un professionnel qui insiste sur le besoin pressant de lutter contre le phénomène des Chennakas qu’il qualifie de clé de voûte pour la régulation du marché.
En l’état actuel des choses, les Chennakas continuent à imposer leur diktat dans la pratique des prix avec des répercussions en chaîne : hausse des tarifs de location des espaces de vente ainsi que des aliments pour bétail en dépit des subventions étatiques accordées aux agriculteurs, explique-t-il. Et de poursuivre que seule la loi de l’offre et de la demande semble influencer les prix, en fonction assurément de la qualité, la race et l’âge des ovins, relevant que la présence en force des Chennakas, en quête d’opportunités de gain, entame l’équilibre du marché et met à rude épreuve les ménages aux ressources limitées.
Quoi qu’il en soit, l’avènement de l’Aid Al Adha constitue un bol d’oxygène pour la trésorerie des agriculteurs, surtout ceux dont l’élevage de petits ruminants représente la principale source de revenus. Du côté du département de l’Agriculture, on avance le chiffre de 7,8 millions de têtes disponibles, avec 6,8 millions d’ovins, et un million de caprins, ce qui doit dépasser une demande estimée à 6 millions de têtes. On prévoit un chiffre d’affaires de 14 milliards de dirhams. Néanmoins du côté du citoyen marocain, Al Aid risque de devenir inabordable à défaut d’une organisation adéquate du marché…Autrement, il faut prendre ses propres précautions pour s’éviter les Chennakas.
Hassan Zaatit