Par Selim Benabdelkhalek
Entre les conséquences de la crise sanitaire et le vaste chantier de la généralisation de la couverture sociale, le domaine de la protection sociale au Maroc, instrument essentiel de lutte contre la pauvreté, vit une mutation sous forte pression. C’est pour dans ce cadre que la Banque mondiale a octroyé au Maroc en 2020, un financement de 400 millions $ afin de soutenir son système de protection sociale et de contribuer plus largement au programme de réformes visant à renforcer les filets sociaux du pays, dans le cadre du projet de réponse d’urgence de la protection sociale face au Covid-19, visant à aider les ménages pauvres et vulnérables pendant la pandémie et à accroître leur résilience face aux futurs chocs.
En juin 2023, l’institution a approuvé un financement additionnel de 350 millions $ destiné à accentuer et amplifier les activités du projet. Il vise à soutenir la conception du programme d’allocations familiales universelles du Maroc et doit renforcer à moyen terme la capacité d’adaptation du système de filets sociaux. Une de ses composantes principales vise les programmes de transfert monétaire, plus précisément la transition entre les programmes de transfert monétaire existants et le programme d’allocations familiales universelles.
En outre, le financement soutiendra la mise en œuvre du programme AMO-TADAMON, socle de protection des ménages, en particulier les plus vulnérables, contre les risques sanitaires qui pourraient être aggravés par les conséquences du changement climatique. Sachant que parmi ces conséquences, la BM estime l’aggravation de la charge sanitaire globale au Maroc de 60%, 150 millions $ sont destinés à la contribution d’assurance du gouvernement en faveur des couches vulnérables. Le financement appuie également le ciblage et l’identification des populations, point fort d’AMO-TADAMON. «La mise en œuvre du programme AMO-TADAMON est vitale pour protéger les populations vulnérables (femmes, enfants, personnes en situation de handicap) et isolées (dans les zones rurales ou reculées) contre les risques sanitaires. Pour y parvenir, il sera essentiel de mettre à profit les outils d’identification et de ciblage des populations vulnérables déjà créés», selon Dalal Moosa, économiste sénior et co-chef d’équipe à la Banque mondiale. Ces outils de ciblage devraient être étendus aux programmes Tayssir et DAAM (dédié aux veuves), qui seront financés à hauteur de 100 millions $. «La composante 2 continuera de soutenir le programme de transfert d’argent éducatif Tayssir. Environ 75 % des bénéficiaires de Tayssir vivent dans les zones rurales. En fournissant une assistance financière directe aux ménages dans le besoin, Tayssir contribue à améliorer l’accès aux biens et services essentiels tels que l’alimentation, les soins de santé et l’éducation», explique le document de la Banque Mondiale détaillant le financement.
En plus des 120 millions $ ajoutés à la composante 2, la majorité de ce financement additionnel, soit 206 millions $, est attribuée à la composante 4, intitulée «Protéger les pauvres et les personnes vulnérables contre les risques sanitaires». Il est presque entièrement dédié à l’AMO-TADAMON, et, en plus du financement cité plus haut, plusieurs enveloppes sont dédiés à la gouvernance du programme, à son ciblage, ou encore aux procédures d’adhésion. L’un des projets, par exemple, «soutiendra une évaluation et une analyse économique de l’impact et de la rentabilité des paramètres du programme, permettant au Maroc de prendre des décisions éclairées concernant la conception et la mise en œuvre d’AMO-TADAMON. Cette activité permettra de formuler des recommandations pour un système inclusif pour les ménages vulnérables, en particulier ceux qui se trouvent très près du seuil de pauvreté et dont le revenu est souvent affecté par les conditions climatiques (comme la sécheresse, par exemple)», explique le document.
La lutte contre la pauvreté, depuis l’inclusion financière jusqu’à l’adaptation aux conséquences du changement climatique, en passant par l’éducation ou entre la protection sociale, est l’un des domaines principaux de l’action de la Banque Mondiale au Maroc, et l’institution de Bretton Woods ne cesse de souligner les progrès notables du Maroc au niveau de ces indicateurs, même si beaucoup de progrès sont encore à faire.