Le Maroc a prolongé le confinement jusqu’au 20 mai, ce qui ne sera pas sans conséquence psychologique sur une grande partie de la population. Activité physique réduite, anxiété, dépression, symptômes de stress-post-traumatique, troubles du sommeil… autant de problèmes de santé publique qui risquent de surgir après cette épreuve.
Le Dr Khadija Moussayer, médecin spécialiste en médecine interne et en gériatrie, et présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), analyse, en trois temps, l’impact physiologique d’un confinement prolongé.
Le confinement un facteur d’affaiblissement potentiel de notre santé
Le docteur explique que le stress dû au confinement qu’en l’absence du rythme quotidien habituel structuré par l’activité professionnelle qui impose des horaires de lever et de coucher, et permet une exposition à la lumière de jour, etc., peut perturber notre horloge biologique et nuire à la qualité du sommeil, voire provoquer des insomnies, ce qui est aggravé de surcroit par une augmentation du temps passé devant les écrans.
Le confinement augmente également l’inactivité physique et donc la sédentarité, ce qui, selon l’OMS, double déjà, en temps normal, les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité et augmente ceux de cancer du colon, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose, de troubles lipidiques, de dépression et d’anxiété, renforçant ainsi toutes les causes de mortalité, rappelle la présidente de AMMAIS.
Cette sédentarité a en effet un impact direct sur nos muscles en induisant une perte de la masse musculaire et une plus grande fatigabilité musculaire.
Si cette situation est réversible sans difficulté pour les personnes jeunes, elle a des conséquences majeures chez les personnes âgées, à l’origine de chutes et de fractures avec un risque de perte d’autonomie, explique le docteur. Ainsi, une situation de confinement de 4 à 6 semaines est souvent une cause d’amyotrophie (atrophie musculaire) et de déconditionnement musculaire délétères pour la santé de beaucoup de seniors.
Le confinement expose aussi à un risque nutritionnel en plus de l’inactivité physique. «Consommer plus d’aliments sucrés et grignoter davantage provoquent des prises de poids : une réduction de 10 000 pas/jour à 1 500 pas, pendant 14 jours, augmente de 7% le volume du tissu graisseux abdominal profond chez des adultes indemnes de toute pathologie ! », explique le Dr. Moussayer.
L’accentuation de certaines maladies pendant le confinement
Le docteur explique que risque de délaisser les soins chroniques est énorme en cette période, ce qui présente des conséquences néfastes sur l’équilibre de la maladie sous-jacente. Par ailleurs, l’inactivité musculaire, conjointement au stockage d’énergie sous forme de graisse engendrent une diminution de la sensibilité à l’insuline et précipitent alors des personnes (prédisposées génétiquement) dans le diabète.
Le confinement dans son habitation accroît fortement les risques d’allergies à cause de polluants et d’allergènes souvent présents au domicile en grandes quantités. Pour les éviter, le docteur conseille de : privilégier pour le nettoyage les produits naturels (comme le savon) et ne pas abuser des produits ménagers industriels (l’eau de javel, c’est bien mais gare aux excès), ouvrir vos meubles (surtout en bois agglomérés qui contiennent souvent des produits chimiques nocifs), aérer le logement quotidiennement, battre et nettoyer les tapis, car ils sont souvent allergènes, et laver les draps au minimum toutes les semaines. Certains symptômes de l’allergie (gorge irritée, éternuements, gêne à respirer…) peuvent évoquer à tort malheureusement le Covid-19, prévient-elle.
Des dispositions à prendre pour éviter certains troubles
Pour limiter les effets de l’anxiété, le docteur recommande d’essayer de garder le rythme d’une vie normale, avec des horaires fixes de repas, de consacrer du temps pour des activités ludiques et récréatives et de suivre un emploi du temps établi de la journée. Il est aussi préférable de ne pas monopoliser son temps libre à l’écoute d’informations, toujours anxiogènes par nature, sur l’épidémie !
Pour parer aux conséquences de la sédentarité, il est conseillé de se lever toutes les 30 minutes au minimum pour marcher pendant 4 ou 5 mn et de faire des exercices de souplesse et de renforcement musculaire, pendant au moins15 mn par jour : même dans un espace restreint, affirme le Dr. Moussayer. Cette activité physique a également un impact positif sur le sommeil et sur le moral en général.
Pour limiter les effets d’un déséquilibre nutritionnel, le docteur conseille de respecter des horaires de repas fixes, de cuisiner des produits bruts, de manger des légumes, des fruits et des légumineuses et de réduire un peu les quantités consommées.
Pour faire face aux troubles de sommeil, il est recommandé de garder un rythme précis, avec un horaire de lever identique, une durée de sommeil suffisante mais pas excessive (entre 7 et 8 heures), et d’être attentif à une exposition à la lumière qui permet la production de la mélatonine (l’hormone du sommeil) par le cerveau. Il est préconisé enfin de ne pas rester éveillé (à traîner) au lit, de modérer sa consommation d’excitants et de se déconnecter des écrans une à deux heures avant le coucher, conclut Dr. Khadija Moussayer.
A.L.