La Chancelière allemande Angela Merkel et le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 8 février 2016 à Ankara © Service de presse du Premier ministre turc/AFP/Archives
La chancelière allemande Angela Merkel est arrivée jeudi en Turquie pour sa première visite depuis le putsch manqué, dans un contexte de vives tensions entre Berlin et Ankara, partenaire clé de l’Union européenne sur le dossier migratoire.
Mme Merkel doit être reçue dans la capitale turque par le président Recep Tayyip Erdogan en début d’après-midi, puis par le Premier ministre Binali Yildirim, avant de rencontrer des représentants de partis d’opposition.
Outre le pacte UE-Ankara sur les migrants, Mme Merkel et les dirigeants turcs doivent s’entretenir de la lutte antiterroriste, de Chypre et des relations turco-européennes, selon un communiqué des services du Premier ministre turc.
Les rapports entre Ankara et Berlin, deux piliers de l’Otan, se sont sensiblement dégradés depuis la tentative de coup d’Etat visant à renverser M. Erdogan en juillet, qui a été suivie de purges dont l’ampleur suscite l’inquiétude en Europe.
Les dirigeants allemands ont à plusieurs reprises appelé les autorités turques à respecter l’état de droit. Plus de 43.000 personnes ont été incarcérées et plus de 100.000 suspendues ou limogées depuis le 15 juillet.
Les Turcs, eux, accusent l’Allemagne d’héberger des « terroristes », affirmant que Berlin refuse d’extrader des putschistes présumés et des membres d’organisations interdites par Ankara comme le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou des groupes d’extrême gauche.
L’Allemagne est « un pays qui a ouvert grand les bras à tous les terroristes qui donnent des maux de tête à la Turquie », a ainsi déclaré mercredi le vice-Premier ministre turc Veysi Kaynak.
Des médias allemands ont rapporté la semaine dernière que 40 militaires turcs de l’Otan avaient demandé l’asile auprès des autorités allemandes. Ankara a exhorté Berlin à « réfléchir attentivement » et rejeter leur requête.
Selon des informations de presse, les deux pays sont également en désaccord sur le partage des images de surveillance récoltées en Syrie par des avions allemands décollant de la base turque d’Incirlik. Berlin refuse d’accorder à Ankara un accès total à ces données.
– ‘Raisons de s’inquiéter’ –
Ce déplacement intervient également à quelques mois de scrutins importants en Allemagne et en Turquie, où M. Erdogan est tourné vers un référendum, sans doute en avril, sur une réforme visant à renforcer ses pouvoirs.
De son côté, Mme Merkel regarde déjà vers les élections législatives de septembre, lors desquelles pèseront la question des migrants et les relations avec Ankara, l’Allemagne comptant trois millions de citoyens d’origine turque.
Autre sujet de tension entre les deux pays, l’influent journaliste turc Can Dündar, qui a fui la Turquie pour s’installer en Allemagne et vient d’y lancer un nouveau site d’information critique du pouvoir turc. Il a été invité à une réception du ministère allemand de la Justice la semaine dernière, ce qui a suscité la colère d’Ankara.
C’est la troisième fois que Mme Merkel se rend en Turquie depuis que l’UE et Ankara ont conclu, le 18 mars, un pacte migratoire qui a permis de réduire drastiquement le nombre de passages vers l’Europe depuis les côtes turques.
Le président Erdogan a toutefois menacé à plusieurs reprises de mettre fin à cet accord si les citoyens turcs ne sont pas exemptés de visa Schengen et si le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE, actuellement au point mort, n’avance pas.
La chancelière allemande a été précédée par la Première ministre britannique Theresa May reçue la semaine dernière par les dirigeants turcs.
A quelques semaines d’un référendum sur une révision constitutionnelle qui renforcerait considérablement les pouvoirs de M. Erdogan, la visite de la chancelière allemande fait grincer des dents en Allemagne et en Turquie.
« La chancelière n’a pas besoin de conseil. Elle sait ce qu’elle a à faire », a rétorqué le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière dans un entretien au quotidien Passauer Neue Presse, ajoutant qu' »il y a des raisons de s’inquiéter » de la situation de la démocratie en Turquie.
LNT avec Afp