Bank Al-Maghrib a tenu, mardi 18 décembre, son dernier Conseil de politique monétaire de l’année 2018 et le moins que l’on puisse en dire, c’est que ses constats et prévisions ne sont pas pour remonter le moral des troupes !
En effet, alors que le taux directeur reste maintenu à 2,25%, sans nul doute pour encourager le crédit, la Banque Centrale prévoit une croissance du Produit Intérieur Brut, PIB, de 3,3% en 2018, bien inférieur à ce qui avait été réalisé en 2017, 4,1%.
Et ses projections pour 2019 et 2020 ne sont point meilleures, loin s’en faut.
Black is black
2018 a pourtant été une très bonne année agricole, mais le PIB hors agriculture n’a pas été suffisant tandis que tous les indicateurs sur la création de richesse, l’investissement, les IDE, affichent des performances au mieux moyennes et le plus souvent médiocres.
La création d’emplois est notoirement faible, incapable de résorber le gouffre du chômage, avec, comme facteur aggravant, des postes d’emplois peu qualifiés et peu rémunérateurs dans leur grande majorité.
Bien évidemment, les déficits publics se creusent, tout comme l’endettement (intérieur du moins), alors que notre balance commerciale se complait dans un déséquilibre renforcé par la facture énergétique et les importations de toutes natures et origines.
Nos réserves de change sont tout juste acceptables, (autour de cinq mois) et le taux d’inflation, significativement faible, en deçà de 2%, confirme bien la sérieuse atonie de l’économie marocaine.
Certes, avec l’arrivée de M. Benchaaboun à la tête du département de l’Économie et des Finances, on a bien senti une volonté de reprise en main, de résorption des délais de paiements, du moins pour le secteur public, de rationalisation des dépenses de l’État, etc.
Mais ce n’est là que l’œuvre d’une hirondelle parce que les problèmes sont majeurs et massifs !
En effet, des secteurs d’activité sont toujours sinistrés tel celui de l’immobilier qui n’en finit pas de subir une crise qui a étouffé les plus grands promoteurs, dont la majorité peine à s’acquitter de « petites factures » inférieures à 100 000 dirhams !
L’Éducation fait l’objet de rapports incendiaires de la Cour des Comptes, la Santé est malade de ses praticiens, seul le Tourisme a repris des couleurs, lesquelles pourraient bien s’affadir rapidement après le double meurtre horrible de deux Européennes du Nord sur les pentes du Toubkal.
Il n’est donc pas étonnant après tout cela que des enquêtes du HCP nous révèlent que 86% des patrons ont le moral en berne, pétris qu’ils sont d’un pessimisme justifié !
Que faire et avec qui ?
Aujourd’hui, alors que l’année civile s’achève et que la campagne agricole a commencé sous les meilleurs auspices, on en vient à revenir à des convictions anciennes, celles que seule l’Agriculture procure emplois et richesses, ce que ne démentira certainement pas M. Aziz Akhannouch !
Mais cette évidence, qui ne comble pas pour autant les insuffisances des autres secteurs, induit un autre enseignement.
Il énonce, en effet, que le modèle de développement choisi et emprunté par le Maroc et son économie depuis plusieurs décennies, a bel et bien échoué.
L’État ne peut plus être le seul investisseur, le seul pourvoyeur d’emplois, le seul créateur de richesses permettant de satisfaire les attentes populaires pressantes et les besoins sociaux criants !
Notre machine économique est rétive, poussive, si peu performante qu’elle est incapable d’atteinte des taux de croissances nécessaires à un décollage pérenne et soutenu.
Un taux du PIB qui tourne, en moyenne depuis dix années, autour de 4% s’avère trop faible pour réussir le pari de la véritable émergence économique, et encore moins celui de la planification des mesures sociales qui font tant défaut.
Car la gageure est d’assurer l’emploi, garantir le logement décent, préserver et entretenir la santé de tous les citoyens, offrir une école et des filières de formation à la hauteur des besoins et des exigences minimales en termes de qualité, etc.
2018 s’en va donc dans la tristesse, le moral en baisse, la déprime…
Mais que nous offrira de nouveau l’année 2019 ?
Faudra-t-il s’attendre à connaître, enfin, les axes principaux de ce nouveau modèle de développement qui, tel le monstre du Loch Ness, est connu de tous sans que jamais personne ne l’ait aperçu ?
Un modèle de développement qui pour être crédible et susceptible d’une réelle implémentation, devra prévoir et engager des réformes profondes et urgentes.
Un modèle de développement qui, sans doute, ne se satisfera pas d’un gouvernement dirigé par M. El Othmani comme maître d’œuvre et d’ouvrage à la fois !
Fahd YATA