Par Mohamed Kabbaj
Des liens étroits, humains, culturels, économiques unissent la France et le Maroc. Une forte communauté marocaine de près d’un million et demi de personnes vit en France, dont un grand nombre sont des binationaux. Les hommes et les femmes qui forment l’élite dirigeante au Maroc, ont été formés, pour une bonne partie d’entre eux et d’entre elles, dans les universités et grandes écoles françaises, et sont de ce fait, imprégnés de culture française. Le français demeure une langue de travail largement en usage au Maroc, dans l’administration publique, le secteur privé, et l’enseignement.
La France est l’un des principaux partenaires économiques du Maroc, où elle se place au premier rang des investisseurs, en termes de stock, sachant que près d’un millier de filiales d’entreprises françaises y sont recensées. Elle est le premier pays d’origine des transferts financiers des marocains résidents à l’étranger, et du contingent de touristes visitant le Maroc.
Ces multiples liens facteurs de rapprochement entre les deux peuples marocain et français, militent pour des relations exemplaires, empreintes d’amitié et de respect mutuel entre leurs deux pays respectifs. Malheureusement, ce n’est plus le cas, surtout depuis l’accession à la magistrature suprême en France de M. Emmanuel Macron.
À mon sens, la détérioration que connaissent actuellement les relations entre le Maroc et la France, est, en grande partie l’aboutissement du travail de sape des lobbys hostiles au Maroc en France. Certes, ces lobbys ont toujours existé, mais dans le contexte actuel en France, marqué par le repli identitaire et la montée de l’islamophobie, ils ont pu gagner en influence et trouver oreille complaisante au niveau des cercles du pouvoir. Le renouveau générationnel de la classe politique en France, a également joué dans ce sens. En effet, la jeune génération des hommes et des femmes politiques français nés après la fin de la colonisation, n’accordent plus grande importance à la sauvegarde des liens humains et culturels, tissés avec les peuples anciennement sous domination coloniale française.
Un autre facteur qui a contribué à rendre audible auprès des dirigeants français, la propagande des lobbys hostiles au Maroc, est que celui-ci, contrairement aux autres pays d’Afrique du nord en proie à l’instabilité politique et au recul économique, commençait à s’imposer comme puissance régionale incontournable, qui diversifie ses partenariats et ses alliances, et dont les entreprises commençaient à constituer un concurrent sérieux des entreprises françaises en Afrique de l’Ouest, jusque là, chasse gardée de la France.
Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les lobbys hostiles au Maroc ont toujours sévi en France. Le Maroc aura beau avancé sur la voix de la démocratisation, du respect des droits humains, et également sur le plan du développement socio-économique, il ne trouvera, cependant, jamais grâce à leurs yeux. Comme l’exprime, fort justement, Julien Dray homme politique français de gauche, ces milieux ʺn’acceptent pas que le Maroc réussisseʺ et ʺessaient en permanence d’empêcher sa réussite et d’envenimer la relation entre le Maroc et la Franceʺ[1].
Les affiliés ou sympathisants de ces lobbys hostiles au Maroc, se recrutent, principalement, parmi les mouvances des partis de gauche ou d’extrême gauche. Ces personnes, tout en dévalorisant le processus de démocratisation en cours au Maroc, accorderont toujours crédit aux allégations mensongères de soi-disant opposants marocains, à la représentation insignifiante et aux convictions peu démocratiques, et ignoreront les mises au point fondées des officiels de ce pays.
Nombre de milieux socio-professionnels en France sont représentés au sein de ces lobbys, dont celui de la justice, mais notamment celui des médias, comme l’atteste la cabale médiatique dont fut victime le Maroc suite à l’affaire Pegasus, et récemment du fait que les autorités marocaines n’ont pas fait appel à l’aide française après le séisme du Haouz. Si les quotidiens Le Monde et L’Humanité, ainsi que le magazine Marianne, étaient les principaux porte-voix de ces lobbys, ils furent rejoints par d’autres titres comme Libération, Le Canard Enchainé et L’Express, ainsi que la chaîne d’information en continu BFM.
Cette hostilité à l’égard du Maroc s’explique – mais ne se justifie pas -, à mon sens, du fait que pour les républicains français intransigeants – voire intolérants -, une monarchie est incompatible avec la démocratie. Pour illustrer ce fait, il n’est pas anodin, de rappeler un fait divers qui a défrayé la chronique en France en 2012.
Il a trait à l’agression physique d’un professeur de lycée à Bordeaux, par un de ses élèves d’origine marocaine. Il ressort des explications fournies par le professeur devant les caméras d’une chaîne de télévision, que c’est son jugement émis en classe, et qu’il a réitéré péremptoirement devant les caméras comme s’il s’agissait d’une évidence, que le ʺMaroc, contrairement à la France, n’est pas une démocratie, c’est une monarchie théocratiqueʺ, qui a déclenché la réaction violente de l’élève.
Pourtant, il suffit à ce professeur, dont l’agression est, par ailleurs, inadmissible, et ses émules, de voir sans œillères idéologiques autour d’eux, pour constater que la monarchie britannique est, à bien des égards, plus ouverte, plus respectueuse des libertés individuelles – le port du voile et de l’abaya n’y pose aucun problème -, en somme plus démocratique que la République française, ce qui n’a pas échappé à des dizaines de milliers de jeunes français qui ont choisi de s’y installer et d’y faire carrière. Le Maroc de son côté, monarchie constitutionnelle, avance hardiment et avec constance, sur la voie de la démocratisation et du respect des droits humains, n’en déplaise à ces esprits étroits qu’il ne serait pas exagéré de qualifier d’imbéciles de la République.
On pouvait comprendre, que sous le règne de Hassan II, dans les années 1960 à 1980, une partie de la gauche française prenne fait et cause pour l’opposition de gauche à ce dernier. Hassan II avait choisi son camp, celui de l’Occident, de la démocratie pluraliste et de l’économie de marché. Par contre, l’opposition de gauche, avait plutôt les yeux tournés vers l’Est : parti unique, économie étatisée, déni des libertés individuelles, au nom d’une certaine idée du socialisme. La guerre froide avait ses prolongements au Maroc.
Cependant, la fin de l’Union soviétique, la chute mur de Berlin, la faillite des régimes progressistes arabes qui servaient d’appui et de modèle de référence à la gauche marocaine, ont activé un processus de réconciliation nationale, couronné par le travail accompli par l’Instance Équité et Réconciliation (IER) nommée par le Roi Mohammed VI en janvier 2004, qui a permis aux marocains de tourner la page des années sombres. Les fondamentaux du système politique marocain font désormais l’unanimité de la classe politique nationale, à part quelques mouvances radicales à la représentativité insignifiante, comme il en existe toujours dans les démocraties pluralistes.
Les imbéciles de la République naviguent, ainsi, à contre-courant. Ce n’est pas tant la démocratie au Maroc, ou le respect des droits humains qui les intéressent, c’est plutôt la stigmatisation de la nature et la spécificité du système politique marocain qui les motive, quitte à ce que leurs porte-voix médiatiques recourent au mensonge, aux contre-vérités historiques, à la calomnie, et à la transgression de l’éthique journalistique. Par leur comportement, ils agissent contre les intérêts de leur propre pays.
Leur acharnement contre le Maroc, surtout depuis qu’ils ont établi des connexions avec les cercles du pouvoir en France, indignent les marocains qui se détournent de plus en plus de la France et de tout ce qui est français. La France n’a pas intérêt à perdre un allié de poids comme le Maroc, qui contribue au rayonnement de sa culture et à l’expansion de son économie, surtout à un moment où son influence est mise à mal presque partout en Afrique.
Les démocraties occidentales, dont la France, vu les bouleversements que connaît actuellement le monde arabo-musulman, ne peuvent donc que se féliciter de voir émerger à l’extrême nord-ouest de l’Afrique, juste en face de l’Europe dont il n’est séparé que par les quelques kilomètres du détroit de Gibraltar, un État stable, chargé d’histoire et à la personnalité affirmée, qui s’emploie à approfondir sa démocratie pluraliste et à développer son économie de marché, ouverte sur l’extérieur, et sur lequel elles peuvent compter pour contrer le danger commun que constitue le radicalisme religieux, ou le phénomène de l’immigration clandestine.
Il est donc dans l’intérêt des démocraties occidentales, tous pays et toutes tendances politiques confondues, d’appuyer l’approfondissement démocratique au Maroc et de soutenir ses efforts de développement socio-économique, au lieu de chercher à le diaboliser et le déstabiliser comme s’emploient à le faire les imbéciles de la République, avec l’aide des néophytes de la politique en France.
[1] Se référer à l’entretien accordé par Julien Dray à Atlas info, le 4 octobre 2021.