Un mirador près de la grille d'enceinte du Camp 5 de la prison militaire américaine de Guantanamo, le 26 janvier 2017 à Cuba
Surveillance quasi constante, accès limité aux familles, isolement: le traitement des 30 derniers détenus de Guantanamo est « cruel, inhumain et dégradant », a dénoncé lundi une experte de l’ONU après la première visite du genre dans la prison militaire américaine.
Après deux décennies de demandes infructueuses des experts indépendants des droits humains de l’ONU, la rapporteuse spéciale sur les droits de l’Homme et la lutte antiterroriste, Fionnuala Ní Aoláin, avait finalement été autorisée à effectuer cette visite en février.
Son rapport publié lundi décrit, malgré des « améliorations importantes » du centre de détention, « une surveillance quasi constante, des extractions forcées des cellules, l’utilisation excessive de moyens de contention », « des carences structurelles en matière de santé, un accès inadéquat aux familles » et « des détentions arbitraires caractérisées par la poursuite des violations du droit à un procès équitable ».
« La totalité de toutes ces pratiques et négligences (…) ont notamment des effets aggravants cumulatifs sur la dignité, les libertés et les droits fondamentaux de chaque détenu, et cela équivaut, selon moi, à des traitements cruels, inhumains et dégradants en cours, en vertu du droit international », a-t-elle précisé lors d’une conférence de presse.
« La fermeture de cet établissement reste une priorité », a-t-elle ajouté, saluant « l’ouverture et la volonté des Etats-Unis de montrer l’exemple » en permettant cette visite.
Les experts indépendants des droits humains de l’ONU cherchent à avoir accès à cette prison militaire, dans le sud-est de Cuba, depuis son ouverture en 2002 aux détenus de la « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
Devenue une épine dans le pied de Washington, accusé de détention illégale, violations des droits humains et torture, la prison a compté jusqu’à près de 800 « prisonniers de guerre », la plupart incarcérés malgré des preuves fragiles sur leur implication.
– « Désaccord » des États-Unis –
Dans une lettre accompagnant le rapport, les Etats-Unis ont exprimé leur « désaccord » avec « de nombreuses affirmations » d’un document qui « ne reflète pas la position officielle des Nations unies », assurant notamment que les détenus reçoivent des soins médicaux et peuvent communiquer régulièrement avec leur famille.
« Nous avons donné à la Rapporteuse spéciale un accès sans précédent », en étant « confiants que les conditions de détention à Guantanomo sont humaines », a écrit l’ambassadrice auprès du Conseil des droits de l’Homme Michèle Taylor, notant que l’administration Biden « travaille activement pour trouver des lieux adéquats pour les détenus restants qui sont transférables ».
Fionnuala Ní Aoláin s’est d’autre part penchée sur le suivi des victimes du 11-Septembre, notant qu’il restait toujours beaucoup à faire pour respecter leur « droit à réparation ».
Son rapport souligne que la pratique de la torture, sur des « sites noirs » (prisons clandestines américaines) puis à Guantanamo « représente le principal obstacle pour le droit des victimes à la justice ». « La torture a été une trahison du droit des victimes ».
« Le gouvernement américain doit assurer que des comptes soient rendus pour toutes ses violations du droit international, qu’il s’agisse des victimes de ses pratiques antiterroristes, les détenus actuels et passés, ou des victimes du terrorisme », a insisté l’experte.
« Je souligne l’importance d’excuses, d’une prise en charge complète, de réparations et de garanties de non répétition, pour toutes les victimes », a-t-elle encore indiqué. « Et ces garanties ne vont pas être moins pressantes dans les années qui viennent ».
LNT avec Afp