Si un secteur a bien été sinistré par essence par la pandémie de la Covid-19, c’est bien celui du tourisme. C’est donc presque la larme à l’œil que les opérateurs du secteur doivent accueillir les chiffres annoncés par le ministère du Tourisme faisant état de quelque 6,5 millions de visiteurs depuis le début de l’année, soit une croissance de 21% par rapport à 2019, avant la crise sanitaire.
Non seulement donc le secteur reprend des couleurs, et avec lui des milliers de familles d’employés, des commerçants, des transporteurs et autres prestataires de services, mais il connait même une croissance certaine. Est-ce l’effet Coupe du Monde ? Avons-nous attiré des voyageurs en quête de découverte d’un Maroc qu’ils ne connaissaient pas ? Peut-être en provenance des Etats-Unis, ou d’Asie ou même de pays européens peu clients habituellement ? L’épopée des Lions de l’Atlas a certainement eu un impact incommensurable sur la visibilité et la notoriété du Maroc à l’international, mais les chiffres détaillés des arrivées touristiques tiennent un autre discours.
En juin par exemple, le volume des arrivées aux postes frontières a atteint près de 1,4 million de touristes, soit +25% par rapport à 2019 et plusieurs marchés ont contribué à cette performance, notamment l’Espagne (+79% vs. 2019), le Royaume Uni (+23% vs. 2019), le Portugal (+16% vs. 2019) et le marché israélien (+96% vs. 2019). De prime abord, c’est donc au Ministère des affaires étrangères que des félicitations sont méritées lorsqu’on voit l’impact des excellentes relations bilatérales et les nombreux échanges entre le Maroc et l’Espagne sur la croissance des touristes espagnols. De même, le marché israélien connait une croissance fulgurante qui ne peut être distinguée de l’évolution récente des relations bilatérales entre le Royaume et Israël. Ensuite, les chiffres, présentés par le ministère, témoignent également de l’impact des actions menées par l’ONMT sur de nombreux marchés et en particulier le Royaume-Uni. Par ailleurs, il apparait aussi clairement que si la France n’est pas citée dans ce palmarès touristique (cqfd), les touristes français continuent d’être en volume un marché prioritaire pour le Maroc. S’y ajoutent les pays qui comptent les plus grandes communautés de Marocains résidents à l’étranger, le Benelux et l’Italie, comme chaque été.
Hormis le fait que ces chiffres témoignent de la bonne image du Maroc auprès de nos voisins, et qui d’ailleurs, du Portugal à l’Espagne, ont dû également relever une croissance des arrivées en provenance du Maroc, c’est la physionomie du marché touristique post-covid qui commence à se dessiner. Les touristes européens ne veulent pas passer leurs vacances chez eux, mais l’inflation, le prix de l’aérien, la crise économique plus globalement, les poussent à faire des choix de proximité. D’autant que le Maroc joue sur cette carte de confort et de facilité d’accès, avec comme totem la ville de Marrakech qui rayonne comme une icône de la pop culture que tout le monde veut approcher.
Le seul bémol de taille à ce tableau optimiste où les touristes rêvent de se prélasser au bord d’une piscine avec vue sur la Palmeraie ou l’Atlas grisonnant, c’est que l’oasis est plus proche du mirage que de la période glorieuse des caravanes. Accueillir des touristes en masse dans un contexte de stress hydrique extrême va devenir un challenge de plus en plus ardu et les coupures d’eau auxquelles les Marrakchis sont habitués ne sont pas compatibles avec l’esprit de vacances promis aux touristes.
Le développement touristique de la côte atlantique et de la méditerranée, en exploitant le littoral devient une priorité dans ce contexte. C’est à Agadir, à Tanger, à Essaouira, à Dakhla, à Saidia, qu’il faut accueillir de plus en plus de touristes. Cela aura le bénéfice également d’aider à la concurrence régionale en plus d’accompagner la croissance du tourisme. Sauf que les touristes sont aussi de plus en plus exigeants quant à leur empreinte carbone, ils prendront un vol direct, le moins cher possible, donc vers Marrakech certainement et ils ne prendront pas un autre vol pour Agadir ou Tanger. La stratégie marocaine autour du développement de lignes ferroviaires à grande vitesse, le Borak en tête, prend tout son sens dans ce cas. La reprise du secteur du tourisme est aussi une bonne nouvelle pour les entrées de devises, une nécessité pour l’équilibre des comptes extérieurs du pays. Enfin, et ce n’est pas une mince affaire dans le contexte du stress hydrique, la croissance du tourisme favorise la reconversion de l’économie agricole en économie de services. Alors, que les touristes affluent, Mrehbabihoum.
Zouhair Yata