Notre pays vit depuis quelques années déjà au rythme d’un dérèglement pluviométrique menaçant la sécurité hydrique rendant l’activité agricole de plus en plus difficile, complexe et coûteuse. Les images satellite prises par la NASA du barrage Al Massira, principal fournisseur de la région d’El Haouz de Marrakech en eau potable, démontrent qu’entre 2018 et 2024 une baisse effrayante des réserves du deuxième plus grand barrage du pays, avec seulement 3% de la quantité d’eau restante. Ce qui représente un véritable désastre pour la sécurité hydrique du Maroc, surtout avec la vague de sécheresse qui se poursuit et la baisse des précipitations. A rappeler dans ce sens que le barrage situé entre Casablanca et Marrakech est un réservoir stratégique pour approvisionner en eau les villes et régions voisines. Il est aujourd’hui confronté au risque d’épuisement dû à la sécheresse, à l’évaporation des eaux. Les niveaux ont chuté de façon spectaculaire au cours des neuf dernières années, menaçant de couper l’approvisionnement en eau pour des millions de personnes.
Le même constat inquiétant s’applique à d’autres barrages…
Situé entre deux grandes fleuves à savoir, les Oueds Al Abid et Ahansal, Bine El Ouidane n’en fait pas l’exception, soit une baisse catastrophique de son débit, dépassant presque les 70% de sa capacité. A souligner que Bine El Ouidane alimente en bonne partie barrage Al Massira. C’est dire que à quel point la situation est plus qu’alarmante.
A Meknès, à l’occasion de la 16ème édition du SIAM, la problématique de la sécurité hydrique n’est guère passée inaperçue. Loin de là. On en parle un peu partout, marquant clairement l’esprit des participants et des exposants des différents horizons.
D’ailleurs, la thématique de l’édition 2024 est en phase avec cette actualité qui constitue un défi majeur aussi bien au Maroc que dans le reste des pays du monde : « En effet, nous rencontrons aujourd’hui une crise climatique sans précèdent, caractérisée par des températures enlevées et un manque de précipitations, entraînant une sévère diminution des ressources hydriques, la détérioration des sols et menaçant la sécurité́ alimentaire. Dans ce contexte, le développement de solutions efficaces pour venir en aide aux populations les plus touchées par ces phénomènes et la réflexion sur une agriculture plus résiliente s’avèrent urgents », dit-on auprès des organisateurs pour qui cette édition du SIAM s’engage donc, à travers ses exposants, mais aussi ses conférences scientifiques et évènements, à sensibiliser sur la problématique du changement climatique : « Cette édition ambitionne également de fournir une plateforme aux institutions œuvrant au développement de technologies et de solutions agricoles adaptées et résilientes, en les mettant directement en contact avec tous les acteurs du secteur ».
Néanmoins, si les acteurs aussi bien publics qu’économiques sont unanimes sur l’urgence hydrique, il est quand même important de constater que beaucoup reste à faire pour changer la donne. En effet et jusqu’à présent l’agriculture consomme la plus grande partie des ressources en eau. Selon le HCP, le secteur agricole marocain pèse pour 87% de la consommation directe annuelle en eau. Elle est suivie des secteurs Administration publique/Éducation/Santé (5%), BTP (2%), commerce (1%), Électricité & eau (1%) et Hôtels & restaurants (1%). Les 3% restants sont partagés entre d’autres secteurs.
En outre, la consommation d’eau des secteurs de l’Agriculture et de la pêche/aquaculture est élevée par rapport à leurs productions respectives. Par conséquent, ce sont des exemples typiques de secteurs stratégiques de l’économie marocaine ayant une faible efficacité d’utilisation de l’eau. Là aussi, il est important de rappeler que selon la norme internationale en consommation moyenne d’eau dans l’agriculture, celle-ci ne devrait pas dépasser les 50% des ressources hydriques de tout pays. Autrement, on est en face d’une agriculture qui gaspille, qui assoiffe la terre, contribuant ainsi à une forte dégradation des sols.
Dans le même sens et ce qui pousse souvent à l’étonnement, c’est qu’un Maroc aride confronté gravement à la sécheresse, continue d’exporter ses tomates, ses pastèques, ses fraises, ses avocats ou encore ses oranges. Des cultures contenant et nécessitant de bonnes doses de ressources hydriques. D’ailleurs, une palette d’acteurs associatifs écologistes et de scientifiques ne cesse de mettre en garde contre les conséquences d’une agriculture gourmande en eau et tournée, pour une bonne part, vers l’export plutôt que vers l’autosuffisance.
C’est dire l’importance, voire l’urgence de revoir en profondeur le business-modèle agricole marocain dans le grand espoir de mettre fin à toutes ces cultures qui assèchent les sols et des régions entières et le plus souvent, au profit des grands Fellahs. L’évolution des thématiques du SIAM et les priorités du plan Generation Green laissent espérer de vraies initiatives pour arriver à la durabilité. Faut-il encore que ces initiatives soient vraiment opérationnalisées…
H.Z