Mme Sofia Alaoui
Sofia Alaoui est une étoile montante du cinéma, première réalisatrice et scénariste d’origine marocaine à se voir décerner un prestigieux César, celui du meilleur court métrage de fiction en 2021 pour son film « Qu’importe si les bêtes meurent », qu’elle a filmé au Maroc. Elle nous livre dans cet interview une vision forte et engagée de son action de femme réalisatrice, pour une société plus juste.
La Nouvelle Tribune : Mme Sofia Alaoui, c’est un plaisir de vous compter parmi ces portraits de femmes qui font rayonner le Maroc dans le monde à l’occasion du 8 mars. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Sofia Alaoui : Je suis Sofia Alaoui, je suis réalisatrice et scénariste franco-marocaine, et j’habite à Casablanca. Ma passion du cinéma est née grâce aux voyages, j’ai eu la chance de beaucoup voyager à l’étranger mais aussi beaucoup au Maroc, à la rencontre de différentes cultures, j’aime beaucoup rencontrer les gens et passer du temps avec eux. Souvent je fais des voyages très immersifs, où j’habite chez les gens, et du coup cela crée de belles expériences, et cela m’inspire énormément.
Quels ont été les plus grands challenges que vous avez connu dans cette industrie du cinéma ?
Il y a eu plusieurs grands challenges, je pense qu’en premier lieu il y a la fabrication. Nous avons tous une idée, un scénario, et puis quand il s’agit de le tourner, nous devons nous entourer de personnes compétentes pour nous aider, et nous remettons souvent en question nos choix, que ce soit dans la décoration, dans le stylisme, dans le choix de la caméra, on te confronte sans cesse. Donc il faut être très solide par rapport à ce que l’on veut raconter et comment le raconter, parce que finalement il y a beaucoup de gens autour et il faut être sûre de soi. Et je pense que le plus gros challenge est de pouvoir produire le film que j’avais en tête au départ. J’avais lu cela une fois dans un magazine, un grand réalisateur qui disait « tourner un film, c’est défendre son idée », parce qu’à partir du moment où on a ce projet-là, c’est une bataille continue pour le fabriquer, pour qu’il soit le plus proche possible de ce que l’on avait imaginé, malgré les aléas du tournage qui parfois ont beaucoup d’obstacles et problématiques à dépasser. Il y’a évidemment beaucoup d’imprévus et il faut pouvoir leurs résister.
Au même titre, quelle est votre plus grande fierté ?
Ma plus grande fierté c’est quand je réalise un film justement qui a passé toutes ces marées là et qui plait. Je pense à mon court-métrage ‘Qu’importe si les bêtes meurent’ qui a été très compliqué à réaliser. Finalement, de se battre et de ne rien lâcher aura permis d’atteindre un public qui apprécie le travail fourni. Pour moi, c’est la reconnaissance d’un travail acharné.
Comment imaginez-vous le futur du cinéma marocain au féminin ?
Je suis très optimiste, le Maroc se développe énormément, même dans le cinéma marocain, il y a une génération de réalisateurs et réalisatrices qui proposent des choses nouvelles, je pense à Yasmine Benkirane, à Hind Bensaidi, à Meriem Benmbarek, Leila Marrakchi, toutes ces femmes réalisatrices qui font des projets forts et pertinents.
Il y a de plus en plus de personnes passionnées qui permettent d’avoir plus de diversité dans le cinéma marocain.
Dans quelle mesure le Maroc s’inscrit-il dans votre démarche professionnelle ou personnelle?
Le Maroc est très important pour moi, il est source d’inspiration, tous mes projets de cinéma sont au Maroc. Je suis en France en ce moment pour la post-production de mon film, mais sinon tout le reste vient du Maroc. J’ai beaucoup participé à des associations, mais pas seulement, je pense que déjà de s’inscrire dans un monde professionnel et d’être sensible à ce qui se passe, de vouloir que le Maroc soit plus social, qu’il y ait plus d’égalité, d’équité, c’est important.
J’ai envie d’inscrire à la fois mon travail et ma démarche professionnelle, parce que je pense qu’il ne faut pas seulement être dans une association, il faut qu’au quotidien, individuellement, par nos choix de comportements et de consommations, qu’on fasse évoluer la société, pour un Maroc meilleur.
La consommation a beaucoup d’impact, les gens souvent se disent qu’ils ne voient pas de changements dans la société, mais c’est parce que nous consommons que nous faisons changer les choses. Consommer local, bio, développement durable, c’est important pour la société marocaine, pour plus d’équité, et d’égalité parce que cela permet une répartition de l’argent au plus juste. Je pense qu’il y’a beaucoup à faire, et je suis très engagée sur ces questions d’égalités et d’équité dans notre pays.
Propos recueillis par
Yasmin Yata