Entretien avec Mme Asmae Hajjami, Directrice Générale Adjointe de Société Générale Maroc.
Dans le cadre de notre dossier thématique sur «la Digitalisation des banques marocaines, une révolution !», Mme Hajjami, Directrice Générale Adjointe de Société Générale Maroc, a bien voulu répondre à nos questions.
Il en ressort que la filiale marocaine de la banque française éponyme, est à jour en la matière et de la façon la plus avancée.
Elle nous l’explique dans l’entretien qui suit…
La Nouvelle Tribune :
Mme Hajjami, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs comment la Société Générale aborde-t-elle la transformation digitale ?
Mme Asmae Hajjami :
La Société Générale a pris pleinement la mesure de cet enjeu stratégique dans le sens où c’est une réponse à une attente clients d’abord, et ensuite un impératif de la transformation de la banque elle-même.
Le Maroc est l’un des pays les plus digitalisés d’Afrique, notamment au regard du taux de pénétration et d’usage des smartphones et de l’apport de la 4G.
Les populations sont de plus en plus à l’aise avec les codes du digital. En tant que partenaire de confiance de nos clients, nous nous devons d’accompagner cette tendance.
Sachez que réussir la transformation digitale ne tient pas uniquement à ce qui est visible de l’extérieur, c’est aussi et surtout lié à la transformation de l’entreprise elle-même, la modernisation de ses plateformes, de son socle technologique, de ses capacités de changement et de son acculturation au digital.
Parce que l’innovation digitale, ce n’est pas proposer des gadgets, c’est s’adapter aux nouveaux comportements de nos clients, à leur expérience de vie et à la façon dont ils souhaitent consommer les services financiers. C’est aussi notre capacité collective à impulser des usages digitaux qui ont du sens.
Quand le secteur bancaire a-t-il lancé sa transformation ?
Le marché bancaire a pris véritablement le virage de la transformation digitale il y a environ 5 ans, lorsque les clients ont eux-mêmes commencé à être connectés.
Le marché est donc très compétitif avec des clients de plus en plus exigeants, en attente de solutions qui répondent à une facilité d’usage.
Il existe aussi tout un écosystème d’innovateurs et de start-up aux côtés des grandes entreprises technologiques, qui proposent et insufflent des solutions nouvelles, ce qui améliore la qualité de l’expérience du client.
Les régulateurs, de la Banque centrale à l’ANRT, ont également contribué à cette accélération.
En atteste le projet national de paiement mobile qui a été initié par ces deux institutions dans un objectif d’une plus grande inclusion financière et une digitalisation des transactions auprès des populations bancarisées et non bancarisées.
Pour sa transformation digitale, à quel point Société Générale, s’est-elle appuyée sur le Groupe ?
Appartenir à un groupe international est une force indéniable pour Société Générale, d’autant plus que le Groupe vient d’être nommé meilleure entreprise du CAC 40 pour la transformation digitale. Cela a nécessité de grands investissements, dans les plateformes, dans le socle technologique, dans l’agilité et l’acculturation au digital de manière générale.
Bien sûr, en fonction de la stratégie de Société Générale et des attentes de nos clients, nous nous appuyons sur l’expertise du groupe à l’international pour sélectionner les produits et les expériences à déployer.
Nous capitalisons aussi pleinement sur tout ce que le groupe peut nous apporter comme solutions, expertises et accélérateurs de notre propre transformation, et ce d’autant plus que la dynamique du marché marocain est enclenchée et ses prédispositions à consommer des services digitaux sont importantes.
Quel rôle joue désormais la data dans la transformation digitale de la banque ?
Nous sommes dans l’ère du digital, mais clairement aussi de la data. On ne peut pas imaginer transformer des processus métiers ou des services financiers, impulser de nouveaux usages et des expériences simplifiées avec une transformation digitale très large sans avoir une connaissance intime de nos clients et de leurs attentes. Historiquement consacrée à répondre aux besoins des régulateurs, aux usages de pilotage interne ou de marketing analytique, la Data devient en plus une source importante de développement du business grâce aux capacités d’agrégation de la donnée et au développement des modèles prédictifs, sans omettre le potentiel de développement de l’Intelligence Artificielle dans les prochains mois et les prochaines années.
De quelle façon les ressources humaines de la Société Générale sont-elles mobilisées dans ce processus ?
Notre pays regorge de potentialités et de talents. Pour le cas de Société générale, nous avons des équipes de grande qualité, totalement engagées et mobilisées autour des priorités stratégiques de la banque, dont celle de la transformation digitale.
Nous avons créé une «Digital Factory» qui fonctionne en mode startup interne. En interaction forte avec les business de la banque et les fonctions régaliennes, les équipes de la Digital Factory expérimentent, développent et délivrent selon les principes de l’agilité et du focus client.
Société Générale a d’ailleurs obtenu l’an passé le prix du meilleur déploiement de la transformation digitale agile, appliquée au service Bankaty notre plateforme d’ouverture de compte via le digital.
Sur ce service typiquement, nous avons expérimenté la transformation agile en faisant interagir un ensemble de compétences au sein de la banque, Marketeurs, designers, commerciaux, chefs de projet, devops, autour d’un plateau de transformation digitale concentré sur un sujet pour créer un « Personae ».
Cette démarche est désormais appliquée à un ensemble d’initiatives dont le maitre mot est l’acculturation au digital et à l’agile.
Société Générale a-t-elle terminé cette transformation ?
Dans le digital, il n’y a pas de logique linéaire dans le temps, mais plutôt une approche par cycle. On met en place un service, on évalue son niveau d’attractivité, on effectue des tests et on travaille sur son amélioration en continu. Chronologiquement, le système bancaire a d’abord répondu au besoin de consultation des clients. Dans la consultation des comptes elle-même, un pas a été franchi avec la consultation en temps réel.
Après l’accès à l’information, le secteur bancaire dans son ensemble, s’est naturellement porté sur le modèle transactionnel et les opérations courantes pour permettre un relatif «Selfcare» du client et garantir son autonomie transactionnelle.
Nous sommes dans cette tendance, mais nous sommes persuadés que tout en travaillant à améliorer les solutions, développer et faciliter les usages grâce à des expériences simplifiées, investir dans la sécurité des solutions, nous gagnerions collectivement à rendre possible une ouverture de compte ou une vente de produit 100% digital par exemple.
Les régulateurs sont à mon sens tout à fait conscients de ces sujets et les inscrivent dans leur stratégie de régulation et d’orientation. Nous suivrons de près ces changements de tendance et évolutions des écosystèmes et nous nous adapterons en conséquence.
Les avancées du digital n’augmentent-elles pas la fracture numérique ?
Avec un taux de bancarisation de 60%, le Maroc fait partie des pays qui ont réussi ce pari. Les mécanismes d’inclusion financière mis en place par la Banque centrale avec le secteur bancaire ont fortement réduit les commissions pour baisser le coût financier de la bancarisation pour les clients.
Il y a aussi une politique de «Low Income Banking» (bancarisation pour les revenus faibles) avec des produits dédiés comme les comptes économiques.
Société Générale a été un des précurseurs dans ce domaine avec la carte Salaires, qui permet à un employeur dont les salariés ne sont pas bancarisés de leur donner accès à leur paye sur une carte dédiée. Même les guichets automatiques ont été adaptés à ce produit pour que dès l’insertion de la carte, le parcours client pour le retrait soit simplifié au maximum.
Le digital est aussi un vecteur d’inclusion parce que la seule règle qui prime est la simplicité d’usage. Il ne reste donc que le facteur de résistance au changement ou l’appréhension à lever auprès des clients non digitalisés.
De la même manière, aujourd’hui nos agences jouent un rôle important auprès de nos clients pour les accompagner dans la transformation digitale et l’accès à des services simplifiés au quotidien.
Le paiement mobile avec son écosystème, un service financier embarqué sur un smartphone, des tarifs réduits, le tout avec un taux d’équipement mobile de 120% au Maroc, vont accélérer la démocratisation et l’inclusion financière grâce au digital.
Quelles sont en conclusion, les principaux fondamentaux sur lesquels Société Générale a construit sa transformation digitale ?
Une culture interne est indispensable pour toute transformation, digitale en particulier.
Une culture d’entreprise solidement ancrée comme celle de Société Générale est donc un atout important.
Des valeurs fortes d’engagement, d’esprit d’équipe, de responsabilité et d’innovation, plaçant le client au cœur de toutes nos réflexions, marquent notre empreinte et nos clients nous notent régulièrement très positivement dans ce domaine.
Le digital sert le client mais aussi le collaborateur qui, grâce à des processus simplifiés, peut proposer une meilleure prestation de services à ses clients
Le WIFI, les agences connectées, les collaborateurs équipés, ce que nous appelons le «digital workplace», ont pour objectif d’installer le collaborateur, en tant qu’ambassadeur et élément clefs, au cœur même de la digitalisation.
Une feuille de route et des investissements importants sont déployés pour digitaliser tous les processus de la banque, du front au back office.
Enfin, un socle IT, agile, prêt à la digitalisation, est indispensable pour développer et proposer rapidement des services nouveaux et performants. Cette plateforme est évolutive, avec des équipes dédiées qui témoignent du fait que la Banque, désormais, se réinvente en continu.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli