On pourrait croire qu’après la pluie vient le beau temps, mais au ministère de la Santé, cet adage n’a certainement pas beaucoup d’adeptes. Après les étudiants qui ont tenu le piquet de grève pendant 11 mois, c’est au tour des médecins du secteur public de se lancer dans un nouveau bras de fer avec le gouvernement. Un beau cadeau de bienvenue pour le nouveau ministre fraichement nommé, Amine Tahraoui, qui se retrouve au centre de l’arène et face au lion dans un temps record.
Il faut dire que l’exploit accompli par les étudiants a de quoi faire des émules. Toutes leurs revendications ont été accordées ; la durée de la formation maintenue à 7 ans pour les promotions de 2ème à 5ème année et à 6 ans avec une année optionnelle assortie d’une augmentation du volume horaire pour la 1ère année ; les sanctions contre les élèves grévistes ont été levées, les bureaux des étudiants rétablis dans leurs fonctions et les sessions d’examens de rattrapage pour ceux qui avaient boycotté les précédentes ont été programmées. Que demande le peuple ?
Ce n’est donc pas fortuit qu’alors que l’accord avec les étudiants a été conclu le 7 novembre dernier, deux semaines à peine plus tard, le 19 du même mois, les médecins du secteur public, mais aussi les internes et résidents, annoncent multiplier les mouvements de protestation, avec des grèves nationales, des « semaines de colère » et des sit-in planifiés un peu partout dans le pays.
L’article 23 du PLF25 est venu mettre le feu aux poudres et attiser les tensions en menaçant de revenir sur le statut de fonctionnaire et la centralisation des postes budgétaires, qui suppose que c’est du budget général de l’État que sont rémunérés les professionnels de santé. Le rétropédalage et les assurances du ministre Amine Tahraoui sur la modification de l’article 23 et le maintien des acquis de la profession n’ont pas suffi à refermer la boite de Pandore.
En réalité, si une grève en cache une autre, c’est que les conditions de travail et les moyens disponibles, les salaires, à travers notamment la juste reconnaissance des qualifications des professionnels, l’état des cabinets médicaux, toutes ces revendications nous alertent sur l’état global du système de santé public et de ses carences. D’autant que la médecine privée, elle, connait un développement sans pareil, avec l’ouverture de cliniques ultra modernes et gérées au couteau.
S’il ne s’agit pas de contester cette tendance, certainement bénéfique pour la qualité des soins disponibles en général pour le citoyen marocain, la comparaison avec le secteur public n’en est pas moins accablante pour ce dernier, et les revendications des professionnels de santé ne semblent pas dépeindre une réalité exagérée ou des caprices de caste.
Le développement du Maroc depuis 25 ans est indéniable, mais cela engendre également une élévation des exigences de nos citoyens qui aspirent à une meilleure vie, surtout lorsqu’ils dédient la leur au bénéfice des autres. Si les étudiants ont obtenu leurs revendications, c’est certainement parce qu’elles étaient somme toute légitimes.
Mais, leur mouvement est symptomatique d’un malaise plus grand qui atteint la profession dans son ensemble et qui mérite que des moyens massifs soient mis en œuvre pour le résorber. Car c’est quand même un comble de devoir être au chevet du secteur de la santé. Avec un peu de chance, il faudra peut-être moins de 11 mois de confrontation sociale pour s’en convaincre cette fois.
Zouhair Yata
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