La Samir, unique raffinerie du Maroc, n’est plus ! En effet, elle a été mise en liquidation en 2016, mais, pourtant chaque semaine, la Bourse des Valeurs de Casablanca publie la reconduction de la suspension de sa cotation, intervenue la première fois le 6 août 2015.
Et l’on peut légitimement se demander pourquoi cette reconduction même si une telle interrogation n’a, de fait, aucune réponse concrète.
Un imbroglio à nul autre pareil
Car la Samir, du point de vue judiciaire, est bel et bien en liquidation, laquelle a fait l’objet de tractations avec les différentes catégories de créanciers.
Elle est sur la voie de la liquidation de ses actifs sans possibilité de retour en arrière du simple fait qu’elle a été prononcée juridiquement.
Il faut bien retenir donc que la Samir elle-même ne peut plus reprendre son activité !
Par contre, l’ultime et unique solution serait de créer une nouvelle société à laquelle elle vendrait ses actif et passif, qui pourrait permettre de redémarrer les activités de raffinage.
Car, force est de constater que la liquidation de la Samir n’est pas bouclée parce que, tout simplement, il n’y a pas de repreneurs pour ses actifs, même morcelés.
Ses filiales, qui devraient également être rétrocédées, sont toujours en activité, ce qui permettrait, certainement, d’en tirer un meilleur prix, et ce n’est malheureusement pas encore le cas.
Il s’agit principalement de Salam Gaz, la société de distribution des produits pétroliers, que Samir détient à 50% et d’autres participations dans des filiales de cabotage pétrolier, stockage etc…
Depuis plus de 3 ans, le liquidateur essaye de trouver, en vain, des repreneurs y compris éventuellement pour maintenir l’activité de la la raffinerie.
Le constat qui s’impose de plus en plus fortement de jour en jour, c’est qu’il n’y a eu aucune vente, ni les actifs, ni la raffinerie en tant que telle, ni les participations de la Samir.
Comme si les choses trainaient pour gagner du temps ! L’actionnaire de référence a perdu la main au profit du liquidateur, c’est-à-dire la Justice.
Un seul chevalier blanc
Face à une telle situation, tous les regards se tournent vers l’État, et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que la puissance publique pourrait jouer un rôle dans la reprise de la raffinerie.
Techniquement, cela serait une bonne solution qui, face à l’absence de repreneur, s’affirmerait même comme unique.
La seconde raison relève de la créance colossale de l’État sur la Samir, qui atteindrait les 20 milliards de dirhams et pourrait être à la base d’une reprise des murs en contrepartie, du simple fait que, juridiquement, dans la liquidation, l’État est prioritaire.
Le sujet de la Samir est, certes judiciaire, mais il pourrait être réglé politiquement de façon très rapide selon les dires d’un expert, « en moins d’une semaine » !
D’autant qu’après une évaluation, si l’État voulait reprendre, il pourrait demander aux créanciers de concéder un abattement proportionnellement au poids de leur créance.
En reprenant, l’État n’aurait aucun mal à faire valoir ses créances en termes de droits de douanes et TIC, sachant que parmi les créanciers, les banques affirment avoir provisionné la totalité de leurs crédits en défaut.
Les souscripteurs d’obligations privées, lesquelles cumulent 800 millions de dirhams, devaient être remboursés à la fin de 2015, l’année où la Samir fit faillite en août.
Ceux-ci, des institutionnels en majorité, ont également pu provisionner, y compris les OPCVM, sauf les indépendants, non adossés à des banques, qui ont dû répercuter les pertes sur leurs clients, personnes physiques.
Enfin, il ne faut pas oublier que parmi les créanciers de l’ex-raffinerie de pétrole, il y a les fournisseurs étrangers, notamment de la matière première, le brut, qui ont attaqué le Maroc en justice.
De plus, l’outil industriel, que l’on disait hors service, s’avèrerait encore intact et prêt à fonctionner, puisqu’il a toujours fait l’objet d’opérations de maintenance.
Personne n’a fait d’enquête précise, mais il semblerait que le redémarrage de l’outil de production coûterait seulement quelques centaines de millions de dirhams qui, comparés aux 40 milliards de dette de la raffinerie, restent insignifiants…
Ni, ni…
Ainsi, depuis août 2015, date du redressement judiciaire, suivi de la mise en liquidation en 2016 rien n’a été réalisé, ni vente d’un seul bien, ni paiement d’une seule dette !
Par contre, les salariés de la Samir continuent d’être, comme dans l’attente d’une reprise.
Que ces salariés continuent d’être payés mensuellement par le biais d’un compte au Crédit Agricole alimenté par les filiales, n’est pas chose normale pour une société en liquidation, qui doit arrêter tout paiement, direct ou indirect.
La Samir aurait dû indemniser les salariés à hauteur de ce qu’ils ont travaillé quand la société était en activité, puis arrêter le compteur. Or, ces salariés perçoivent leurs salaires trois années encore après l’arrêt de la raffinerie.
Aujourd’hui, après avoir donné du temps au temps, le problème de la Samir reste entier.
Pour toutes ces raisons, la seule solution envisageable est celle de reconsidérer l’intérêt du Royaume à disposer de sa propre raffinerie et que l’État la reprenne dans cet objectif.
Le site est là, en bon état semble-t-il et les salariés sont toujours rétribués. Il suffirait donc d’un seul pas de plus et l’activité pourrait redémarrer !
De plus, la Samir aurait encore un marché, au moins celui des petits distributeurs comme Pétromin, Ziz, Winxo, Oil Lybia et les autres distributeurs locaux qui continuent à se démener pour importer de l’extérieur.
Afriquia, Total, Vivo Energy (ex-Shell), quant à eux, se sont battus au-delà de leurs moyens pour importer et constituer des stocks.
Décidément, la Samir est un vrai cas d’école !
Elle a été privatisée bizarrement, et celle-ci, intervenue dans le cadre, disait-on à l’époque, d’un deal conclu au plus haut sommet entre les Royaumes du Maroc et d’Arabie Saoudite, a d’ailleurs été longtemps contestée.
Alors que son actionnaire majoritaire était un opérateur privé étranger, elle a eu droit à des privilèges sous forme de crédits disproportionnés tant des banques que de l’État.
Celui-ci a accordé à la Samir, des facilités et autres crédits de droits de douanes sur les produits importés et la TIC, (taxe intérieure à la consommation), qu’elle collectait auprès des distributeurs et ne reversait pas à l’État.
Par ailleurs, en amont, l’investissement s’était également fait de façon non conventionnelle, pour plus de 5 milliards de dirhams.
Qualifié de non rationnel, il a fait l’objet de beaucoup de sorties d’argent de l’actionnaire principal, bien au-delà de son montant initial.
De plus, il a donné lieu à beaucoup trop de consultings, d’études, tous facturés à des coûts très élevés.
Enfin, du jour au lendemain, la Samir est passée d’un laisser faire total, à une solution extrême !
Comment un opérateur stratégique, qui a bénéficié de tant de privilèges, a -t-il pu passer au redressement et, très vite, à la liquidation judiciaire ?
Aujourd’hui, summum du surréalisme, la SAMIR reste cotée en bourse, comme toute entreprise en activité, mais son cours est « provisoirement » suspendu !
Allez comprendre…
Afifa Dassouli