Conférence de presse de M. Boussaid (g), ministre de l'Economie et des finances, et M. Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib
Comme il a déjà été amplement discuté dans nos pages, le Maroc a adopté, le 12 janvier 2018, un régime de change fixe à ancrage souple qui conserve le panier de cotation actuel (euro à 60% et dollar US à 40%), mais élargit la bande de fluctuation de la parité du dirham de +/-0,3% à +/-2,5%.
Mais si l’adoption de ce nouveau régime est actée, elle a amené de nombreuses inquiétudes, véhiculées par certains organes de presse et les réseaux sociaux, qui ont même touché les politiques. Il était ainsi nécessaire de fournir de nouvelles explications pour calmer les esprits. Dans cet objectif, M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, a effectué une présentation devant la Chambre des conseillers mercredi 17 janvier. Le lendemain, une conférence de presse a été organisée au siège de BAM, à laquelle ont pris part M. Jouahri et M. Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances, accompagnés de M. Hassan Boulaknadal, Directeur de l’Office des Changes, et M. Zouhair Chorfi, Secrétaire Général du département de l’Économie et des finances.
A l’occasion de cette conférence, MM. Boussaid et Jouahri ont exposé à la presse leurs arguments, tels que présentés à la Chambre, pour cette décision du passage à un nouveau régime de change, ainsi que les conclusions de leurs études d’impact, notamment sur l’inflation (et donc sur le pouvoir d’achat des Marocains).
En premier lieu, il convient de rappeler qu’au niveau interne, les équilibres macro-économiques ont été renforcés, avec notamment une inflation maîtrisée, même si la dette publique générale et le déficit du compte courant restent élevés. Le Maroc dispose également d’une forte ouverture sur les marchés étrangers avec la signature de 56 accords de libre-échange. Les politiques sectorielles donnent plus de visibilité aux investisseurs, et le pays a renforcé son attractivité à travers l’essor des nouveaux métiers mondiaux, l’émergence de Casablanca Finance City en tant que hub régional, et surtout à travers la politique africaine menée par le Royaume.
Au niveau de l’environnement externe, la crise de 2008 a eu pour conséquence une crise sociale, suivie d’une crise des dettes publiques. Les marchés sont de plus en plus volatiles, et en conséquence les politiques de change se focalisent sur la compétitivité. Les flux financiers transfrontaliers sont de plus en plus importants et volatiles, et de grands ensembles et zones économiques sont mis en place (Mercosur par exemple).
Ainsi, le Maroc, de plus en plus exposé à l’international, donc de plus en plus susceptible d’être touché par des chocs extérieurs, se doit de renforcer sa résistance d’un côté et sa compétitivité de l’autre. BAM estime ainsi que le passage à un régime de change plus flexible offrira un effet de levier nécessaire pour appuyer la politique économique et financière du Royaume, ce qui est aussi l’avis du FMI et d’agences internationales comme Fitch Ratings. Cela permettra aussi à la banque centrale de rentrer dans une phase de ciblage de l’inflation.
Une décision souveraine
M. Jouahri insiste également sur le fait que ce changement du régime de change est une décision souveraine, sans aucune obligation vis-à-vis des instances financières internationales. Ainsi, le FMI soulevait la question depuis 1998, et la Banque Mondiale depuis 2006. BAM explique que le Maroc a prise le temps pour mener les études nécessaires, et n’a enclenché la réforme que lorsqu’il a estimé que les prérequis étaient satisfaits, sans conditionnalité signée avec les instances internationales. Seul un nombre limité de pays sont dans ce cas précis, et leur processus de migration vers un régime flottant a pris 5 à 15 ans.
Selon les simulations de BAM et du ministère des Finances, même dans le cas d’une dépréciation maximale (-2,5%) du dirham, l’impact serait très limité sur le pouvoir d’achat des Marocains, avec une inflation qui prendrait 0,4 point à 1,9%, et, par exemple, un prix du gasoil qui prendrait seulement 1,6%. L’impact sur la croissance serait même positif (+0,2 point). Lors de la conférence de presse, il a été donné l’exemple de l’importation d’un produit de l’étranger à 1000 dhs, qui verrait seulement son coût augmenter à 1025 dhs en cas de dévaluation maximale.
Premières conclusions
3 jours après le lancement de la réforme, BAM constate que le marché fonctionne normalement. Le dirham a évolué au sein d’une bande de +/-0,3% malgré l’élargissement, et les cours de change des billets étrangers sont restés stables.
BAM assure qu’elle maintiendra un dialogue régulier avec les banques et les différents acteurs économiques, afin de suivre au plus près l’évolution des marchés en réaction à la mise en œuvre de cette réforme.
Selim Benabdelkhalek