Hassan Boulaknadal, Directeur de l'Office des changes
Des conférences de presse tenues par les banques sur la présentation des résultats de 2016, il ressort que les opérations de marché ont engendré de très bons résultats pour l’année clôturée. Ceci est particulièrement valable pour les grandes salles des marchés, comme celle de BMCE BOA, qui a connu un résultat en croissance de 85% pour 2016. Et si le comportement des taux a joué un grand rôle dans la réalisation de ces performances, la réforme de Bank Al-Maghrib portant sur la flexibilité du dirham leur ouvre de nouvelles perspectives avec la nécessité de couverture des changes des opérations à l’extérieur.
C’est pour cela que les banques d’affaires commencent à sensibiliser leur clientèle sur le sujet et que BMCE Capital vient de lancer « les matinales du marché de changes » pour « former » ses clients à la prochaine flexibilité du dirhams, laquelle va passer d’une fourchette de variation de zéro pour mille à, progressivement 10%, dès le mois de juillet 2017.
En effet, cette échéance approche tellement vite que l’on se demande si Bank Al-Maghrib, initiateur de cette grande réforme, tiendra les délais annoncés.
L’autre partie prenante de cette réforme qu’est l’Office des Changes, en la personne de son Directeur général M. Hassan Boulaknadal, nous l’affirme dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder ci-dessous.
Et concrètement, l’on peut le constater à travers la tournée organisée par les deux protagonistes de cette grande réforme du Dirham qui marquera l’histoire économique de notre pays. Et donc, voici le récent calendrier et la liste des évènements dédiés à la réforme du régime de change lancés en février par Bank Al-Maghrib.
– Le 14 février avec la CGEM
– Le 24 mars avec l’AMMC
– Le 24 mars avec les bureaux de change
– Le 22 mars pour les cadres de la DEEP
– Le 22 mars avec la Chambre de Commerce suisse au Maroc
– Le 29 mars : débat organisé par l’amicale de l’ESCP Europe au Maroc …
Afifa Dassouli
Entretien avec le Directeur de l’Office des Changes, M. Hassan Boulaknadal
La Nouvelle Tribune :
La réforme de change en cours dans notre pays a-t-elle été définitivement décidée pour 2017? Le Maroc a-t-il pris un engagement vis-à-vis du FMI?
M. Hassan Boulaknadal :
La décision de passer à un régime de change plus flexible est une étape supplémentaire dans un processus de libéralisation entamé depuis le milieu des années 90.
La mise en place de ce régime a principalement pour objectif d’atténuer les déséquilibres extérieurs et les chocs exogènes, accompagner l’ouverture du Maroc sur l’économie internationale, renforcer la compétitivité de l’économie marocaine et soutenir le développement du secteur financier.
Aujourd’hui, le processus est lancé et sa mise en application est irréversible. Comme précisé à mainte reprise, il s’agit d’une étape que le Maroc a décidé de franchir de manière tout à fait autonome, aidé en cela par le bon comportement de ses indicateurs économiques notamment en matière de niveau de réserves de changes.
Avec cette réforme, qui s’avère cohérente avec les préceptes du libéralisme que prône le Maroc, notre régime de change passera ainsi d’un régime de change fixe où la parité et le cours de la monnaie sont fixés par la Banque centrale à un régime flexible (où flottant), où la valeur de la monnaie est le résultat de l’offre et de la demande
Sa mise en œuvre est-elle programmée ? Si oui comment se déroulera-t-elle précisément ?
La mise en œuvre de ce processus important, qui est entouré de toutes les précautions nécessaires, est prévue pour le courant de l’année 2017.
Depuis plusieurs mois, les parties prenantes dont principalement, la Banque Centrale et l’Office des Changes, multiplient les opérations de sensibilisation et de communication autour de ce projet. Administration publique, banques, entreprises ainsi que tous les acteurs concernés par cette réforme sont ciblés par des opérations de sensibilisation.
Cette sensibilisation est indispensable. Les différents acteurs concernés doivent avoir de la visibilité et savoir à quoi s’en tenir. Il y a même des tournées régionales qui sont programmées pour communiquer sur les enjeux de la transition vers le régime de change flottant.
Dans quelle mesure la conjoncture économique peut-elle la remettre en cause ou la retarder ? Et inversement, quels sont les facteurs déterminants de sa réussite ?
La conjoncture économique semble globalement très favorable. En effet, le niveau des réserves de change rapporté au nombre de mois d’importation, qui constitue un indicateur important d’appréciation des performances en matière d’échanges extérieurs, s’est inscrit dans une tendance d’accroissement soutenu durant les cinq dernière années.
Cet indicateur est passé d’un niveau d’à peu près 4 mois d’importation de biens et de services à fin 2012 à un niveau de 6,8 mois à fin février 2017.
Les facteurs déterminant la réussite du projet de réforme du régime de change résident dans un cadre maitrisé du taux d’inflation et des équilibres budgétaires ; un niveau de réserves de change suffisant et un système bancaire stable et performant.
Quels sont les premiers effets attendus d’une telle réforme pour notre monnaie et notre économie ?
La réforme sera opérée de manière graduelle selon des phases correspondant pour chacune d’elles à un niveau de flexibilisation plus élevée. Par conséquent, les effets à court terme ne seront pas importants.
Les impacts présumés seront, en revanche, perceptibles à moyen terme. Ces impacts résident d’une part, dans le renforcement de la capacité de l’économie marocaine à faire face aux chocs externes tels ceux liés aux augmentations des prix des produits de base et, d’autre part, dans l’évitement des flux des capitaux spéculatifs.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli