Le président congolais Joseph Kabila à l'ONU à New York, le 23 septembre 2017 © AFP/Archives Bryan R. Smith
La situation politique s’envenime en RDC. Alors que les Nations unies dénoncent la répression brutale menée à l’encontre des opposants, Joseph Kabila est de plus en plus contesté par l’église et la population. Moïse Katumbi, principale figure de l’opposition, prépare l’alternance.
Au moins 47 personnes ont été tuées par la police et l’armée congolaises lors de manifestations entre le 1er janvier 2017 et le 31 janvier 2018, selon un rapport élaboré conjointement par le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et la Monusco. Mais le nombre de victimes pourrait être largement supérieur, compte tenu des « restrictions imposées par les autorités, qui ont limité la capacité du BCNUDH [Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme] à confirmer de nombreuses allégations crédibles portées à sa connaissance », expliquent les auteurs du rapport, présenté lundi 19 mars à Genève. Les observateurs des Nations unies ont été victimes d’actes de violence et d’intimidation et se sont vu refuser l’accès aux morgues et aux hôpitaux.
Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a dénoncé « l’anéantissement des voix discordants à tout prix – même au prix de vies humaines – en RDC avec le déploiement systématique des forces armées aux côtés de la Police nationale congolaise pour gérer les manifestations ».
Georges Kapiamba, défenseur des droits de l’homme et coauteur, avec la ministre des droits humains, d’un rapport sur la répressions des manifestations, a pour sa part recensé « plus de 365 cas de prisonniers politiques, de victimes de délits d’opinion et d’exilés politiques » dans le pays, rapporte Le Monde. Selon l’activiste, 14 personnes ont trouvé la mort lors des « marches » des 31 décembre 2017 et 21 janvier 2018.
La communauté internationale alarmée
Mais les manifestations publiques contre le pouvoir se multiplient en RDC, l’opposition et les mouvements citoyens sont remontés. Ils dénoncent des manœuvres réalisées par le président Kabila en vue de conserver le pouvoir. En effet, le mandat constitutionnel de Joseph Kabila a pris fin le 19 décembre 2016. Depuis, il « a de manière persistante retardé la tenue des élections, et a perdu le contrôle sur la sécurité de son pays », comme le rappelait en février un texte du ministère botswanais des Affaires étrangères, qui exhorte le président à quitter le pouvoir en raison de la « détérioration du climat sociopolitique ».
Fin janvier, cinq sénateurs américains avaient de leur côté demandé des garanties de la tenue effective des élections avant le 23 décembre, la date arrêtée par la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Ces sénateurs avaient aussi incité le président congolais à déclarer publiquement qu’il ne serait pas candidat à la prochaine élection présidentielle.
Problème : l’opposition ne fait pas confiance à la CENI, dont elle dénonce la nature partisane. « Le processus électoral est toujours menacé par la dictature. La CENI veut imposer une machine à tricher. Si nous voulons des élections en temps et en heure, nous devons nous préparer », a déclaré Moïse Katumbi samedi 10 mars à Johannesburg. Contraint à l’exil, la principale figure de l’opposition congolaise a en effet choisi la capitale sud-africaine pour lancer le mouvement politique qui devrait lui permettre de participer aux élections, « Ensemble pour le changement ».
De nombreux analystes sont pourtant sceptiques quant à la volonté de Joseph Kabila d’organiser le scrutin, dont le coût est estimé à 1,8 milliard de dollars. Mais les sympathisants de Moïse Katumbi refusent de céder au désespoir : « Personne ne comprendrait si on ne se préparait, on nous le reprocherait », affirme l’un d’entre eux.
« Machine à gagner », le pari de Moïse Katumbi
« Nous avons élaboré une stratégie électorale susceptible de rassembler notre peuple, nous serons au rendez-vous du 23 décembre », promet pour sa part Moïse Katumbi. Pour l’opposant, la plateforme Ensemble pour le changement devrait être une véritable « machine à gagner », grâce notamment à son ambitieux programme économique. Elle propose en effet de mobiliser 100 milliards de dollars pour relancer le pays, des programmes d’infrastructures (dont l’installation de 50 000 kilomètres de fibre optique), une diversification de l’économie ou encore l’approvisionnement en médicaments garantis dans les hôpitaux et l’école primaire gratuite et obligatoire, précise Le Monde.
Fort du soutien de nombreux hommes politiques congolais et étrangers, M. Katumbi compte également sur la colère et l’indignation grandissantes à l’égard du régime. Désapprouvé par les Congolais, épinglé par les gouvernements étrangers et les associations internationales, renié par certains de ses anciens collaborateurs, Joseph Kabila a en outre réussi à s’attirer les foudres des entrepreneurs.
Le nouveau Code minier, promulgué vendredi 9 mars par le président, doit multiplier par cinq la taxe sur le cobalt afin de « rapporter davantage de ressources fiscales au pays ». Pour les partisans du président, il s’agit d’une « victoire patriotique » qui rapportera des recettes essentielles au développement du pays. Mais les Congolais ne sont pas dupes : « Un nouveau code minier ne mettra pas fin à la prédation de nos ressources. Les multinationales et le régime Kabila se disputent chacun leurs intérêts, pas ceux du peuple congolais. Deux camps prédateurs se disputant le butin du Congo », a réagi sur Twitter le mouvement citoyen Lucha.