Le FMI, Fonds Monétaire International, a publié vendredi dernier son rapport annuel 2024, qui porte sur « la Résilience et l’Adaptation du monde en Période de Changements Globaux ».
Dans une longue introduction, sa Directrice générale Kristalina Georgieva, qualifie l’état actuel de l’économie mondiale de « contrasté », et ajoute que si l’inflation est redescendue, grâce aux efforts concertés des banques centrales, « de grandes disparités persistent à travers le monde », et que « les perspectives de croissance à moyen terme, bien inférieures à la moyenne historique de 3,8%, sont plus inquiétantes ». Et, donc, que « le fait d’avoir une croissance plus lente, associé à des hauts niveaux d’endettement des États à des taux d’intérêt élevés, réduit les ressources disponibles pour financer les services publics ou réaliser des investissements essentiels ».
Selon Mme Georgieva, le constat de « l’aggravation de la fragmentation géoéconomique menace d’accroître les disparités économiques mondiales ». Et, « l’architecture économique mondiale, qui a permis de sortir 1,5 milliard de personnes de la pauvreté́, est aujourd’hui mise à rude épreuve », car la croissance mondiale ne serait que d’environ 1,2 point de pourcentage d’ici 2030.
Pour faire face à ces difficultés, le FMI, au cours de l’année écoulée, a adopté la 16e révision générale des quotes-parts pour atteinte les objectifs de financement du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté́ et pour la croissance. Il a également mis en place une table ronde mondiale sur la dette souveraine qui s’est déjà réunie à deux reprises et a créé un 25e siège au conseil d’administration, en faveur des pays africains. Ce, tout en se focalisant au quotidien sur ses services en matière de surveillance, de conseils, de prêts et de développement des capacités des pays membres.
Le FMI, dans son dernier rapport annuel 2024, met en lumière la capacité de l’économie mondiale à résister aux crises récentes tout en abordant les enjeux futurs auxquels elle sera confrontée. Ce alors même que cette publication se situe à un moment critique de l’histoire économique mondiale, marquée par les séquelles de la pandémie de COVID-19, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, une crise énergétique et alimentaire exacerbée par les guerres, ainsi que des vagues d’inflation. Face à ce diagnostic, le FMI, qui fête son 80e anniversaire, continue à se poser comme un acteur clé du système économique international, en adaptant ses outils à des défis qui relèvent des constats suivants.
Le premier réside dans la résilience de l’économie mondiale post-pandémie. Le rapport du FMI souligne que l’économie mondiale a été secouée par des crises successives, notamment la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine, et une inflation mondiale persistante. Néanmoins, les mécanismes de résilience mis en place dans plusieurs pays ont permis d’atténuer les impacts de ces crises. Les efforts concertés des banques centrales à travers le monde ont ramené l’inflation à des niveaux plus proches de leurs cibles après avoir atteint un pic au milieu de l’année 2022.
Malgré des signes de reprise, la croissance économique mondiale reste inquiétante à moyen terme. Le FMI prévoit une croissance de 3,1 % en 2029, l’une des prévisions les plus faibles des dernières décennies, loin de la moyenne historique de 3,8 %. Ce ralentissement de la croissance économique a des répercussions directes sur la réduction de la pauvreté et la création d’emplois, particulièrement dans les pays à faible revenu.
L’inflation mondiale a entraîné une synchronisation sans précédent des politiques monétaires à travers le monde. Ces ajustements n’ont pas été sans conséquences, car la plupart des pays ont traversé cette période avec des niveaux de dette publique élevés, ce qui a mis en difficulté les budgets publics.
Les pays émergents et les pays à faible revenu ont été les plus affectés, subissant les effets combinés de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et de la dégradation de leurs niveaux de réserves. Le FMI souligne que ces pays auront besoin d’une assistance accrue pour éviter de tomber encore plus loin derrière dans la marche vers la convergence des revenus mondiaux.
Le rapport du FMI met également en exergue les bouleversements climatiques et technologiques comme étant des forces de transformation majeures qui nécessitent une action collective. Il perçoit le changement climatique comme une menace non seulement pour la stabilité macroéconomique mais également pour la prospérité à long terme de l’économie mondiale. De même, l’émergence des technologies numériques, en particulier l’intelligence artificielle (IA), pourrait soit favoriser une croissance mondiale plus rapide, soit exacerber les inégalités en remplaçant certains emplois, en particulier dans les secteurs les plus vulnérables.
Rapport du FMI : Focus sur le Maroc
Le rapport 2024 du FMI, fait un focus important sur le Maroc pays hôte des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, tenues à Marrakech en octobre 2023.
Il précise que le Maroc est le premier bénéficiaire de la facilité pour la résilience et la durabilité, (FRD) qui consiste en une aide significative du FMI. Ce mécanisme, qui vise à soutenir les réformes structurelles dans les pays confrontés à des risques macroéconomiques de long terme, a permis au Maroc d’obtenir un financement d’environ 1 milliard de DTS (soit environ 1,32 milliard de dollars). Ces fonds sont destinés à renforcer la résilience du Maroc face aux défis économiques et climatiques, et soutenir ses efforts à mener des réformes économiques durables.
Mieux encore, le FMI dans son rapport loue le leadership marocain dans la coopération internationale, considérant que le pays a joué un rôle de premier plan lors des Assemblées annuelles de Marrakech, en étant au centre des discussions sur la gouvernance mondiale, et l’adoption des « Principes de Marrakech », un ensemble de directives visant à promouvoir une coopération mondiale plus forte face aux défis tels que le changement climatique, la pauvreté, et l’instabilité économique.
Le FMI considère que notre pays a également montré son engagement en faveur du multilatéralisme en soutenant l’augmentation des quotes-parts du FMI et en renforçant la coopération avec des institutions comme la Banque mondiale. Grâce à ces efforts, le Maroc s’est positionné comme un acteur clé dans la promotion de la coopération internationale en matière de stabilité économique et de développement durable, mais aussi la gouvernance financière, l’inclusion sociale, et la lutte contre la pauvreté.
Dans ce contexte, le FMI doit continuer à être un Pilier de Stabilité et de Croissance à travers ses missions initiales mais se doit aussi d’innover. Ainsi, grâce à ses mécanismes de surveillance économique et d’assistance aux pays membres, il continue à fournir des conseils aux pays membres pour les aider à maintenir leur stabilité macroéconomique. Ce par des consultations périodiques avec les pays membres, au cours desquelles le FMI évalue les risques économiques et propose des ajustements de politiques.
Pour répondre aux besoins croissants des pays touchés par les crises récentes, le FMI a déployé plusieurs mécanismes de prêts. Ces prêts visent à stabiliser les économies et à rétablir une croissance durable, tout en permettant aux pays membres de reconstituer leurs réserves internationales.
Le FMI a également renforcé ses outils de financement d’urgence pour répondre aux crises alimentaires et climatiques. Le guichet de financement des ripostes aux chocs alimentaires, mis en place pour aider les pays à faire face à la crise alimentaire mondiale, a fourni un total de 1,8 milliard de dollars à six pays avant de fermer en mars 2024.
Le rapport relève également un des succès majeurs de l’année écoulée, l’atteinte des objectifs de financement du fonds fiduciaire RPC. Ce fonds, qui offre des prêts concessionnels aux pays les plus pauvres, a reçu des contributions significatives de la part de 40 pays membres, permettant de mobiliser environ 17 milliards de dollars. Cela a permis au FMI de continuer à fournir des financements à taux zéro à ses pays membres les plus vulnérables.
Le FMI, par ses programmes de renforcement des capacités, aide les pays à améliorer leurs institutions économiques et à mettre en œuvre des politiques efficaces. En 2024, le FMI a dépensé 382 millions de dollars pour fournir des conseils techniques et des formations aux ministères des Finances, banques centrales, et autres institutions clés des pays membres.
Dans son rapport 2024, le FMI met un accent particulier sur la gouvernance qui a été consacrée aux Assemblées de Marrakech du FMI et de la Banque mondiale, tenues à Marrakech en octobre 2023. Et qui ont été marquées par des accords historiques sur la gouvernance économique mondiale, renforçant la coopération entre les pays membres par l’adopter des « Principes de Marrakech » pour encourager la coopération mondiale.
Parmi les réussites majeures de ces assemblées figurent la 16e révision générale des quotes-parts, qui a permis d’augmenter la capacité de prêt du FMI de 50 %, passant à 943 milliards de dollars, tout en réduisant sa dépendance aux ressources empruntées.
Le rapport 2024 du FMI se conclut par des recommandations face aux défis futurs qui portent sur la nécessité de reconstituer les réserves financières mondiales, de rétablir la viabilité de la dette publique, et de promouvoir une croissance durable face aux perturbations économiques mondiales.
Des défis qui ne peuvent être adressés qu’à travers la coopération internationale, dont le FMI est un maillon aussi nécessaire que performant.
Afifa Dassouli