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Rachid Hamimaz, Économiste, Professeur IAV Hassan II
Le contrôle analytique : miel et thé vendus au Maroc soumis à l’analyse de laboratoire
Deux autres produits, le miel et le thé, ont été également soumis à l’analyse de laboratoire qui constitue le troisième type d’analyse conduite par les services en charge du contrôle au niveau des ports à l’arrivée des produits importés. Cette analyse, nous l’avons dit, n’est pas systématique. Mais si les résultats des analyses faites sont positifs, alors ce contrôle analytique doit être désormais systématique. Nous avons réalisé ces analyses, à nos frais, auprès d’un laboratoire international spécialisé dans les résidus de pesticides. Normalement c’est la structure en charge du contrôle des produits importés et les associations de consommateurs qui possèdent la surface financière minimale pour mener ce type d’analyses. Mais que faire ? Fallait-il attendre que ces messieurs se réveillent de leur sommeil profond pendant que la santé des citoyens marocains est menacée ? Nous sommes allés chez notre épicier. Nous avons acheté deux thés parmi les thés existants au Maroc qui, rappelons-le, sont des thés verts importés de mauvaise qualité. L’Europe et Les USA achètent les thés de bonne voire de très bonne qualité. C’est une question de pouvoir d’achat. « Tu as un pouvoir d’achat important, je te refile du thé de bonne qualité ». « Tu as un pouvoir d’achat faible, je te refile du thé de basse qualité ». Un des thés achetés est la haute qualité (HQ) de la basse qualité. L’autre est une basse qualité (BQ) de la basse qualité. Ces deux thés sont très consommés par les ménages marocains. Le thé HQ fait 20 DH les 200 g. Le thé (BQ) fait 8 Dh les 125 g. Nous avons recouru à des laboratoires accrédités au plus haut niveau international qui ont mené les analyses. Ils disposent de l’ISO 17025 et du certificat de réalisation de bonnes pratiques de laboratoires. Ils ont plusieurs certificats internationaux d’accréditation en plus de la décision de reconnaissance de la part de l’ONSSA marocain. Les résultats transmis ont révélé des dépassements des limites maximales résiduelles (LMR) pour le pesticide concerné par rapport aux LMR en vigueur dans l’Union européenne. Les résultats ont relevé également le dépassement de l’acétamipride (0,131) par rapport à l’Europe (0,050mg.kg). Ce produit en particulier est très controversé en raison de ses effets sur la santé et est interdit en France notamment. Si ces résultats sont contestés, nous referons ces analyses avec les mêmes échantillons auprès d’un laboratoire français. Dans les tableaux suivants nous ne reproduisons pas toutes les molécules de pesticides (elles sont nombreuses) mais seulement celles qui dépassent les LMR arrêtés par l’Union Européenne.
Si on reprend les molécules de pesticides trouvées sur le thé marocain et dépassant les LMR autorisés par l’UE ainsi que leurs effets sur la santé. Tout d’abord, l’acétamipride, d’après une étude de 2015, l’acétamipride serait une des causes de dysfonction érectile et, par là même, d’infertilité masculine*. L’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) a émis cet avis scientifique en tenant compte des recherches récentes sur le potentiel qu’ont l’acétamipride et l’imidaclopride d’endommager le système nerveux humain en développement, en particulier le cerveau.
Dans le Projet de loi de l’assemblée nationale française du 3 septembre 2020, relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, toute utilisation de substance NNI dont l’imidaclopride et de semences traitées avec ces produits est interdite en France. En Europe, cette substance n’est permise que pour l’enrobage de semences.
L’imidaclopride. Au niveau environnement, il est apparu que tous les compartiments environnementaux pouvaient être contaminés : sol, eau, plantes, pollens, nectars, air10 du fait de l’utilisation massive et préventive de l’imidaclopride. Il pourrait aussi causer une neurotoxicité.
L’imidaclopride, substance néonicotinoïde, vient d’être interdite en Europe. Le règlement d’exécution (UE) 2020/1643 a modifié la date d’expiration de cette substance au 1er décembre 2020.
Le chlorpyriphos-éthyl. En 2016, suite à une enquête du magazine télévisé Cash Investigation, le Ministère de l’Agriculture en France envisage l’interdiction du Chlorpyriphos. Cette interdiction deviendra effective. Les États membres de l’Union européenne ont décidé de ne pas renouveler la licence du Chlorpyrifos qui prend fin le 31 janvier 2020. Ce pesticide a fait l’objet de plusieurs études qui ont révélé sa nocivité sur le cerveau des fœtus et des jeunes enfants. Huit pays européens l’ont déjà interdit sur leur territoire.
L’Efsa a indiqué que cette substance ne satisfaisait pas aux critères requis pour son renouvellement et qu’aucun niveau d’exposition ne pouvait être considéré comme sûr. Au Maroc, l’ONSSA l’a retiré entre 2015 et 2020.
La cyhalothrine, Selon le poids de la preuve, les cyhalothrines sont considérées comme étant potentiellement cancérogènes. On a observé des signes d’augmentation du nombre d’adénocarcinomes mammaires et de léiomyomes/léiomyosarcomes utérins liés au traitement chez les souris femelles ayant reçu de la cyhalothrine, des signes équivoques d’une incidence accrue du fibroadénome mammaire chez les rates ayant reçu de la cyhalothrine, ainsi que des signes de génotoxicité d’après les résultats d’études in vitro et in vivo.
La cyhalothrine est responsable d’effets sur le développement et le neuro-développement (effets sur le système nerveux (neurotoxicité).
En 1994, l’UE a strictement interdit l’usage de ce pesticide
94/643/CE : Décision de la Commission, du 12 septembre 1994, concernant le retrait des autorisations accordées aux produits phytopharmaceutiques contenant de la cyhalothrine en tant que substance active
Il apparaît que dans les échantillons de thés achetés chez l’épicier et analysés par ce laboratoire accrédité, 4 pesticides trouvées sur 5 sont interdits soit par la France ou par l’Union européenne pour leurs effets nocifs sur la santé humaine.
Nous avons également acheté un miel des plus populaires (prix = 40 dh les 450 g soit 90 Dh le Kg).
Il faut savoir que la production de miel au Maroc avoisinait en 2019 environ 7960 tonnes. Les importations représentent 2200 tonnes, soit presque 30 pour cent de la production. A l’approche du Ramadan les importations sont plus importantes. Les pays de provenance sont principalement la Chine, l’Inde, d’Égypte, l’Espagne et l’Argentine.
L’analyse des résidus des pesticides est négative. Tant mieux !
Analyse des résultats du miel
Aucun positif détecté dans l’échantillon analysé
En suivant le protocole repris dans notre manuel de qualité, Le laboratoire gardera l’échantillon sous des conditions contrôlées durant une période de 15 jours après la fin de l’analyse. Après cette période, l’échantillon sera éliminé. Si vous désirez une information complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter. |
S’agissant du miel, une autre question se pose : est-ce du miel ? Tout laisse à croire que certains « miels » importés sont reconstitués. Si c’est le cas, on comprend que les analyses menées par ce laboratoire n’aient pas trouvé de résidus de pesticides.
Le Professeur français Paul Schweitzer, expert reconnu dans les miels, explique comment on peut très facilement créer un miel de synthèse : du sucre du glucose, du maltose, de l’isomaltose, du fructose (6 sucres), de l’acide gluconique produite par les abeilles, deux enzymes, de l’eau et du pollen pour faire vrai. On mélange et on chauffe et voilà le tour est joué. Ce n’est pas du miel mais c’est un produit qui ressemble au miel. C’est un miel « adultéré », ou « frelaté ».
Malheureusement nous n’avons pas eu les moyens financiers de mener une analyse particulière qui permet de déterminer avec précision les constituants du miel. Ce type d’analyse n’existe pas au Maroc et doit se faire en Espagne, pays européen le plus proche. N’est-ce pas aux associations de consommateurs de mener ce travail, de conduire ce type d’investigation ? Pourquoi ne le font-elles pas ?
Cette analyse s’appelle la PCR moléculaire. La Polymerase Chain Reaction (PCR) est une méthode basée sur la multiplication sélective de séquences d’ADN cibles. C’est une technique analytique permettant de détecter des séquences d’ADN spécifiques présentes dans un produit. Elle est appliquée pour la détection d’OGM, mais aussi pour la détection d’allergènes ou l’identification d’espèces. Par exemple sur des produits carnés, on peut démontrer de manière fiable et spécifique la présence ou l’absence d’ADN de toutes les espèces animales. C’est particulièrement intéressant pour déterminer par exemple si le produit est halal ou non.
Avec ce type d’analyse, le fraudeur est démasqué et mis à nu. On sait désormais ce qu’il a adjoint exactement dans le produit qu’il essaie de mettre sur le marché. On pourra répondre à notre question initiale : le produit est-il du miel ?
Pour rappel, c’est ce type d’analyse qui a permis de révéler en 2008 le scandale du lait chinois à la mélanine, une substance qui a été à l’origine de la maladie de milliers d’enfants chinois (dont plusieurs sont morts) et de problèmes rénaux majeurs.
- Questions aux acteurs institutionnels et responsables de la qualité
- Comment pouvez-vous, structures en charge de la sécurité sanitaire, laisser des produits dangereux pour la santé du citoyen circuler ainsi ? des produits que nous consommons quotidiennement, comme le thé, et même plusieurs fois par jour. Comment pouvez-vous venir nous dire dans des conférences publiques que vous êtes à l’avant-garde du contrôle de la qualité ? Finalement si on ajoute à ce thé bourré de pesticides, de la menthe fraiche également chargée de pesticides (voir article dans Tel Quel du 7 juin 2019 de Ghita Ismaili : « menthe : vous reprendrez bien un peu de pesticides ? »), n’est-ce pas là un véritable breuvage de pesticides que consomment les Marocains plusieurs fois par jour ? Comment réagiraient les millions de marocains s’ils savaient tout cela, qu’ils boivent chaque jour un cocktail explosif aux pesticides ?
- Nous n’avons malheureusement pas eu le temps d’examiner dans cet article, un autre contaminant des thés, les moisissures produisant des champignons de types aflatoxines, que nous avons discutées longuement dans le cas des farines (voir articles précédents publiés par la NT). Ces Aflatoxines sont, selon le codex alimentarius international, « extrêmement toxiques ». Elles représentent un véritable danger pour la santé humaine et animale. La plupart des études épidémiologiques tendent à montrer qu’il existe une corrélation entre une exposition chronique à l’aflatoxine via le régime alimentaire et une prévalence du cancer primitif du foie. L’aflatoxine B1 est la plus fréquente dans les aliments et c’est celle qui possède les propriétés génotoxiques et carcinogènes les plus puissantes. Des études récentes parus dans la revue américaine Food Control (Volume 108, Février 2020), publiées par de chercheurs de l’IAV Hassan II et de la faculté des sciences d’El Jadida, ont révélé la présence de niveaux d’aflatoxines (AF) dépassant les LMR, dans 129 échantillons de thé vert à base de plantes provenant de magasins de détail et de supermarchés dans trois zones marocaines (El Jadida, Kénitra et Meknès). Les aflatoxines ont été quantifiées par chromatographie liquide couplée à un détecteur de fluorescence et la confirmation des échantillons suspects a été effectuée par LC-MS / MS. Les résultats analytiques indiquent que sur 129 échantillons totaux, 76 échantillons (soit 58,9%) se sont révélés contaminés par des aflatoxines. Dans les échantillons positifs, les niveaux d’Aflatoxine B1 variaient de 1,8 à 6,7 ng / g dans les échantillons de thé de Meknès, et de 4,4 à 41,8 ng / g dans ceux de Kenitra. Le niveau maximum d’Aflatoxine type B1 enregistré était de 41,8 ng / g, tandis que la quantité totale maximum d’AF était de 116,2 ng / g. Cette étude a également révélé que 38 (29,5%) et 12 (9,3%) des 129 échantillons totaux dépassaient les teneurs de 10ng / g et 5ng / g, qui sont les teneurs maximales fixées par la réglementation marocaine des AF totaux et des Aflatoxine B1. Cette étude est consultable: “Assessment of aflatoxin levels in herbal green tea available on the Moroccan market in Food Control par Nysrine Mannania, Ahmed Tabarani, El Hassane Abdennebi, Abdellah Zinedine”.
Ces résultats sont stupéfiants !!!
Alors Messiers les responsables marocains des organismes de contrôle de la qualité sanitaire, que faites-vous ? Les pesticides dans le thé ne vous suffisent-ils donc pas ?
- Nous demandons aux importateurs de se ressaisir et d’importer sur le marché marocain des produits inoffensifs pour la santé du citoyen. Ils ne sont pas responsables des produits qu’ils achètent dans la mesure où ils ne savaient pas. Mais depuis le dossier paru dans le journal francophone et notre article aujourd’hui, désormais ils savent. Ils sont donc tenus de vérifier et d’apporter la preuve que la qualité du produit importé est conforme à la réglementation du Codex alimentarius et de leur pays. Si aujourd’hui nous ne citons pas les marques incriminées, pourra-t-on demain garder toujours le silence ?
La santé du consommateur marocain ne peut être sacrifiée sur l’autel des gains et bénéfices. En l’absence d’une protection sûre de la part des services de contrôle de la qualité et des associations de consommateurs, des citoyens sont prêts à prendre le relai et à faire les analyses qu’il faut auprès des laboratoires marocains et étrangers. Et si ces problèmes persistent et menacent la santé du consommateur, alors il ne restera entre les mains du consommateur qu’une arme imparable : la publication de la liste des produits incriminés avec les noms des sociétés importatrices de ces produits. L’appel à bannir la consommation de ces produits sera lancé à travers les réseaux sociaux et certains médias et croyez-moi « cela fait très mal » pour toutes les parties prenantes.
- Comment se fait-il que l’affaire des thés contaminés par les pesticides mis à jour il y a deux ans n’ait pas eu de suite ? Nos analyses confirment les inquiétudes d’il y a deux ans ! Comment se fait-il que cette affaire ait été étouffée ? A quoi cela sert-il d’écrire et de mettre à jour les problèmes s’il n’y a pas de suite ?
- Comment se fait-il que le Maroc ait développé un des systèmes de contrôle de la qualité à l’exportation des plus performants, précisément pour répondre aux exigences qualité des pays les plus développés ? Alors que le consommateur marocain, lui, est abandonné à son sort ! N’est-ce pas honteux ! Est-ce que nous, consommateurs marocains, nous valons moins que nos homologues européens ou US ? Le consommateur marocain est en droit d’exiger un système de contrôle de la qualité à l’importation au même niveau de performance que le système de contrôle de la qualité à l’exportation. Par exemple, qu’attend-on pour s’inspirer du système européen RASFF pour unifier le contrôle à tous les points d’entrée du pays ?
- Les structures en charge du contrôle et de l’analyse de la qualité sanitaire des produits ne peuvent-elles se soustraire aux pressions politiques de toutes sortes et travailler en toute autonomie et en toute liberté ? La Food Drug Administration aux USA est-elle soumise aux pressions politiques ? Non !
Ces organismes marocains sont-ils à l’abri des pressions ministérielles ou des lobbies industriels ? La police qui poursuit les criminels est-elle soumise à des pressions pour libérer les gangsters ? Non ! Eh bien c’est pareil pour la police sanitaire qui veille sur la santé alimentaire des citoyens. Comment peut-on assurer une protection contre les pressions afin de travailler en toute indépendance et autonomie ?
Il faut donner tous les moyens à cette police sanitaire et les laisser faire leur travail en toute indépendance. Il faut la doter de responsables compétents qui connaissent les dossiers de la qualité sanitaire, qui ont « roulé leur bosse ». Il ne s’agit pas de nommer des responsables éloignés de ce domaine, car ce domaine est complexe et exige des experts en la matière.
- Une catastrophe sanitaire de grande envergure, à l’image de celle des huiles frelatées toxiques de Meknès en 1959, peut-elle être évitée, peut-elle être prévenue si on ne prend pas les mesures qu’il faut ?
- Peut-on accepter que le marché marocain soit la poubelle des échanges mondiaux ? Jamais ! Comment nous autres consommateurs avisés peut-on accepter ces pratiques et toutes les fraudes ? Comment peut-on accepter que ceux qui sont censés protéger notre santé alimentaire ne fassent pas leur travail de police sanitaire dans les règles de l’art ; De la même manière, le citoyen pourrait-il accepter que le taux de criminalité urbaine dépasse ce qui est tolérable ? Pourrait-on accepter l’irresponsabilité de la police censée protéger notre sécurité ?
- A-t-on déjà évalué le coût de santé supportée aussi bien par les citoyens consommateur que par l’État s’agissant de maladies graves, tels que le cancers, consécutifs à une alimentation contenant des pesticides et additifs chimiques dangereux ? Qu’on le fasse et on serait abasourdi par le résultat !
- Cette affaire de qualité des produits essentiels consommés par les marocains et importés (thé, farines), ne doit-elle pas être prise en charge dans le cadre du parlement marocain ? une commission parlementaire ne doit-elle pas être constituée pour faire la lumière sur tout cela ? auditionner notamment toutes les parties prenantes : laboratoires, experts, institutionnels, journalistes, médecins.
- Les problèmes relevés sur des produits de base et consommés chaque jour par les marocains tels les farines (précédents articles) et aujourd’hui le thé, ne pointent-ils pas du doigt les probables causes de l’augmentation importante des cancers qui pourraient avoir une origine alimentaire. N’y-t-il pas ici, matière à réflexion pour nos médecins et pour le ministère de la santé ?
- Ne peut-on penser que la catastrophe sanitaire annoncée a déjà commencé ? Pourquoi ? La comparaison avec l’intoxication des huiles de Mekhnès a des limites. Cette intoxication a eu des effets immédiats et spectaculaires. Ce n’est pas le cas d’un empoisonnement aux pesticides qui est lent et progressif. Les effets sur la santé n’apparaissent que plusieurs années après la consommation. L’évolution rapide des cancers et des problèmes rénaux ces dernières années n’est-elle pas, si on exclue le facteur moyens actuels permettant une meilleure prospection et un meilleur diagnostic, lié aux problèmes alimentaires consécutifs à l’ouverture des frontières et à la contrebande ?
- Peut-on penser à organiser des rencontres extraordinaires qui réuniront médecins, cancérologues et experts de l’alimentation pour discuter de l’évolution, semble-t-il rapide ces dernières années, des cancers dans notre pays et identifier le facteur alimentaire explicatif de certains types de cancers. Nous ne disposons malheureusement pas des données sur l’évolution des cancers dans notre pays, par région qu’il serait judicieux de mettre en parallèle avec l’ouverture des échanges et le développement des importations de certains produits à risque majeur, mais également de la contrebande ?
- Dernière minute. En mettant cet article sous presse nous venons d’apprendre par une dépêche d’al-Qods al-arabi que la Mauritanie vient d’interdire (hier jeudi) l’entrée de son pays à un thé vert très consommé par les Mauritaniens et ce en raison de sa très forte teneur en pesticides. Le Mali voisin avait pris précédemment une décision similaire. Le Maroc, après vérification de ce que nous avons avancé, compte-t-il prendre des mesures draconiennes de ce type ? Ou alors les lobbies économiques sont-ils tellement puissants que finalement, ainsi que le dit l’expression germanique : « No future » !!
- Conseils aux consommateurs en l’absence d’un contrôle qui nous protège
- Analyser soi-même les étiquetages, faire des recherches documentaires poussés sur le Web, et prendre ses responsabilités comme nous l’avons fait dans le cas des nouilles et des chips. Dans le monde dans lequel nous vivons, il faut désormais réfléchir avant d’acheter et de consommer. Il s’agit d’accumuler chez soi une information complète sur les produits qu’on compte acheter. Et ensuite se diriger vers le supermarché avec la liste des produits qu’on a retenus, après accumulation d’informations. C’est une situation nouvelle, sans équivalent, dans l’histoire.
- Privilégier les filières courtes s’agissant du miel par exemple. Acheter auprès d’une coopérative ou un producteur en s’assurant que le miel n’est pas fraudé, c’est-à-dire allongé avec un sirop de glucose. Mais même dans le cas extrême il vaut mieux consommer un miel auquel on a ajouté des sucres qu’un miel bourré de produits chimiques (anti acariens et antibiotiques). S’agissant du problème redoutable du traitement des ruchers aux anti acariens et aux antibiotiques dû à l’ignorance de certains producteurs, et qui peut laisser des résidus dans le miel, veillez à vérifier, auprès de l’apiculteur, que les traitements n’ont pas eu lieu pendant les périodes de floraisons (périodes de miellées) où les abeilles butinent sur les fleurs, et ce pour éviter de retrouver les résidus de traitement dans la cire (au niveau de l’étage réservé au stockage du miel appelé hausse)) et dans le miel. En effet, le traitement des abeilles notamment contre un acarien appelé Varroas est primordial pour préserver la santé de la population d’abeille. Mais ce traitement devrait avoir lieu pendant la basse saison quand la reine diminue sa ponte et l’effectif des abeilles est au plus bas. Cette période correspond à la saison d’hiver. Puisque tout traitement chimique a une période de rémanence, il faut veillez aussi à ce que ces traitements soient administrés au moins trois moins avant la première miellée de l’année, ce qui correspond à la période : octobre-décembre. Certains producteurs ont remarqué également l’effet « boosteur » de la tétracycline vitaminée sur la colonie d’abeille. Cet antibiotique est utilisé contre une maladie des abeilles nommée « loque ». Même si la colonie n’est pas contaminée, ces producteurs procèdent au traitement avec cet antibiotique, avec tous les risques de présence de résidu dans le miel que cela peut engendrer. Les résidus d’antibiotiques possèdent des propriétés potentiellement cancérigènes et toxiques ainsi qu’un potentiel allergique. De ce fait ils présentent un risque direct pour la santé publique. De plus, ils peuvent favoriser la résistance multi-médicamenteuse des bactéries pathogènes par rapport aux antibiotiques utilisés en médecine humaine.
Le problème du pouvoir d’achat se pose aussi. Un miel à l’épicerie c’est au maximum 80 ou 90 DH le kg. Un miel dans les filières courtes varie du plus bas (100 dh pour le miel d’eucalyptus) et selon les variétés jusqu’à 400 DH. Ce prix varie selon notamment les charges liées à la production (distance parcourue, rendement, frais de gardiennage, etc.) et l’offre et la demande. Il est évident que ce ne sont que les consommateurs aisés qui peuvent se permettre l’achat de certains miels comme l’euphorbe, le thym ou le ruta. Souvent ces miels chers sont utilisés comme traitement naturel de certaines maladies (alicament). Lorsque la qualité du miel est préservée, le consommateur est prêt à payer le prix fort pour acquérir le produit. Le danger réside dans les miels qui se vendent dans le circuit informel où aucun contrôle n’est effectué et le consommateur est souvent trompé par l’emballage de réutilisation (bouteille de coca-cola, Sidi Ali…) et les quelques débris de cire contenus dans ces miels. Ces miels ont des origines totalement inconnues …
- Acheter des thés de qualité sûre qu’on trouve dans les magasins spécialisés. Ce sont soit des thés bio soit des thés appartenant à des marques internationales réputées. Le problème reste là aussi le pouvoir d’achat. Ces thés sont beaucoup plus chers que ce qu’on trouve dans une épicerie. Finalement ce sont les plus aisés qui pourront consommer des thés de qualité. Et les autres ?
- Peut-on, dans ces conditions, accepter que des millions de marocains ne puissent jamais se permettre de consommer du thé ou/et du miel, devenus, du jour au lendemain, des produits de luxe ?
Conclusion
Pour revenir sur les questions économiques que nous posions en introduction, le fameux gain à l’échange pour tous (riches et pauvres), promis par les inconditionnels de la libéralisation des échanges n’a pas eu lieu.
Finalement le libéralisme des échanges n’aurait pas pour vocation de proposer aux pays les produits les moins chers tels que le rêvait Ricardo ou Smith au 19ème siècle. C’est en fait un formidable moyen de mettre entre les mains des riches des produits sûrs (« safe ») et coûteux et dans les mains des pauvres des produits pas sûrs et peu coûteux. Et dans le meilleur des cas, de réserver des produits essentiels coûteux et sûrs (« safe »), comme le thé, à une minorité (riches) et d’exclure définitivement la majorité qui a pris conscience que les produits essentiels, à la portée de leur bourse, n’étaient pas sûrs. Et si cette majorité tient quand même à acheter ces produits peu coûteux et pas sûrs c’est sa santé qui est fortement menacée. Gain à l’échange pour une minorité, perte sèche pour la majorité. La libéralisation des échanges, un gain exclusif pour les riches ! Que certains de nos responsables institutionnels, défenseurs fanatiques d’une liberté des échanges non mesurée, et ils sont nombreux, méditent cela !
Pour terminer, nous dirons ceci :
Nous avons analysé dans cet article 4 produits alimentaires importés. Mais combien d’autres produits importés et consommés nous n’avons pas analysés ! Nous pouvons maintenant dire que nos frontières sont de véritables passoires pour les déchets des autres pays, et nous appelons les âmes généreuses à analyser les autres produits que nous consommons afin de dénoncer le travail insignifiant du contrôle de la qualité mené et espérer un retournement de cette situation ô combien dramatique.
Pauvre consommateur marocain ! Il boit chaque jour un thé bourré de pesticides et d’aflatoxines avec de la menthe fraiche, elle-même bourré de pesticides. Ce n’est plus une boisson nationale mais un poison national. Il ne faut pas oublier non plus le pain, complément habituel du thé, et sur lequel trois articles ont été écrits dans cette tribune.
Roupillez services de contrôle de la qualité, ainsi que vous autres associations de consommateurs, dormez de votre sommeil profond, dormez de votre sommeil des braves, pendant que vos concitoyens ingurgitent des thés de pesticides et d’aflatoxines, et mangent un pain moisi aux aflatoxines, et clamez à haute voix : « al’am zin », l’année est belle !
Des voix, parmi nos responsables institutionnels, pourraient s’élever pour dire que ce type d’analyse menace les intérêts économiques supérieurs de notre pays. Ah oui ! Et les intérêts des consommateurs ne sont-ils pas supérieurs ? De 35 millions de consommateurs ? Finalement, en vertu de la suprématie sacro-sainte de l’économie mercantile, du libéralisme triomphant, devrait-on préserver les intérêts économiques des plus puissants et sacrifier la santé du consommateur ? Qui peut accepter cette logique ?