
Les trois amnisties prévues pour 2020, ont été différées pour cause de la pandémie du Covid du début au 4ème trimestre de l’année dernière.
Les deux premières qui sont fiscales, relatives pour l’une au cash déposé auprès des banques et à la régularisation des impôts antérieurs dus pour la seconde, ont été appliquées à partir du 15 septembre. Plus de 15 000 entreprises y ont répondu, profitant de cette aubaine, et la DGI a collecté près de 3 milliards de dirhams de recettes.
Pour la troisième, l’amnistie portant sur la régularisation spontanée des biens, actifs et revenus détenus indûment à l’étranger, l’Office des Changes a annoncé qu’à fin décembre 2020, ces déclarations ont porté sur près de 6 milliards de dirhams et que la DGI a encaissé à ce titre, 528,6 millions de dirhams.
Mais en 2020, la crise sanitaire et l’arrêt de l’activité qu’elle a entraîné, a engendré d’autres mesures que ces amnisties pour accompagner les opérateurs économiques.
Ainsi, la DGI a prévu toujours pour cette année-là, un rééchelonnement des impôts dus, pour les sociétés qui ont été impactées par la crise, dont une partie ne sera payée qu’en en 2021.
La DGI s’est trouvée dans l’obligation d’accompagner, avec des rééchelonnements et remises de majorations, les entreprises des secteurs en difficultés comme celui du tourisme, de la presse et les médias, des transports, entre autres, qui ont été gravement paralysés et le sont encore.
Et pour cause, en 2021, la remise totale des majorations continuera à s’appliquer jusqu’au 30 juin aux sociétés et personnes qui ont des dettes fiscales non payées à la fin de 2020, mais qui datent d’avant la pandémie.
Précisément, ces dettes doivent être relatives à des impôts qui datent d’avant 2020, soit de 2019 et des années précédentes.
Encore une fois, il s’agit clairement de la prorogation de l’amnistie fiscale jusqu’au 30 juin 2021.
À la différence près que l’amnistie fiscale 2020, devait se baser au cas par cas, sur les demandes des contribuables, alors que d’ici juin prochain tout impôt payé en retard bénéficiera d’une remise des intérêts moratoires, mais uniquement sur ces derniers et donc non sur le capital.
Il s’agit pour la DGI, d’inciter les contribuables à payer et régulariser leurs impôts antérieurs.
D’amnisties en dérogations, rééchelonnements, remises de majorations, il n’est donc toujours pas question de la grande réforme fiscale, très attendue par le milieu des affaires, issue des recommandations des Assises de la Fiscalités de 2019, dont le Ministre des Finances avait promis un début d’application en 2021, décrétant 2020 comme une année de transition. Elle sera encore différée du fait des crises sanitaire et économique qui perdurent.
Cependant à défaut de la grande réforme fiscale, la Loi de Finances 2021 contient une réforme unique, mais très importante !
Elle consiste en une refonte globale du régime fiscal dit « du Forfait ». Rappelons que l’impôt sur le revenu se décline sur cinq catégories de revenus : les salariés, l’agriculture, les revenus des capitaux mobiliers et immobiliers et les revenus professionnels. L’impôt sur ces revenus professionnels se distingue en 3 régimes : celui basé sur la comptabilité normale, la comptabilité simplifiée et le régime forfaitaire.
Ce dernier qui était très appliqué jusque-là, vient d’être remplacé par la CPU, la Contribution Professionnelle Unique.
Pour lever toute incompréhension, il faut préciser que les professions dites libérales (médecins architectes, avocats pharmaciens, etc.) sont exclues du régime forfaitaire et ne sont donc pas concernées par cet impôt unique.
Ce régime de la CPU, est destiné aux petits commerçants, prestataires de services et petites professions qui étaient sous le régime du forfait avant 2021, au titre de l’impôt sur le revenu, l’IS, la taxe professionnelle…
La loi de Finances 2021 s’appuie sur ce point très important de la réforme fiscale en regroupant les taxes qui concernent ces contribuables en une contribution unique appelée la « Contribution Professionnelle Unique » qui réunit l’IR et la taxe professionnelle.
Les bénéficiaires sont donc les personnes physiques qui travaillent à leur propre compte et qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions de dirhams par an.
La grande nouveauté de la CPU est, certes, de faciliter la vie à cette catégorie de contribuables antérieurement soumis au régime du forfait, mais aussi de leur permettre de bénéficier d’une couverture sociale.
Car les recettes de cette contribution professionnelle unique, vont contribuer à alimenter le fonds social qui va leur servir une assurance sociale, maladie, chômage et peut être retraite.
L’État fait un abondement des recettes de la CPU, au profit de la couverture sociale de cette catégorie de contribuables, auxquels s’ajoutent les auto-entrepreneurs afin que ceux-ci puissent bénéficier également d’une couverture sociale.
Ainsi, la grande réforme fiscale qui devait se baser sur l’élargissement de l’assiette fiscale pour plus de justice fiscale, la baisse de l’IR stoppé à la source pour augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui contribuent le plus à la collecte de l’IR, ou encore un régime incitatif à l’investissement, n’est certes pas pour demain compte tenu des circonstances actuelles de baisse drastique des recettes fiscales.
Même si une Loi-cadre a bel et bien été élaborée dans ce sens et devait faire l’objet de la loi de finances 2021. D’évidence, le choix politique du moment impose d’autres priorités, que traduit cette réforme de la contribution professionnelle unique, CPU, pour permettre aux tous petits entrepreneurs de contribuer à leur propre assurance sociale, tout en étant en règle fiscalement.
La CPU, ce nouvel impôt unique avec une assurance sociale à la clé, devrait bénéficier tout particulièrement à l’économie informelle qui doit y voir un grand avantage à régulariser la situation de chacun, tout en profitant spontanément d’une couverture sociale. Sachant que tous ces opérateurs ne bénéficient d’aucune couverture sociale, maladie et retraite à ce jour, cette réforme est entièrement faite en leur faveur.
Elle est inédite et unique et entre dans les objectifs de l’État de généraliser la couverture sociale à l’ensemble des Marocains.
Rappelons que cet impôt unique, assorti d’une couverture sociale, est proposé en parallèle de l’amnistie totale qui en 2020 bénéficiait aux personnes physiques qui s’identifient pour la première fois. Cette mesure lancée en période de pandémie a été prorogée d’une année à fin 2021, pour accompagner l’impôt unique CPU, comme un package.
Toutefois, le gouvernement compte l’arrêter à la fin de l’année. Les personnes concernées n’ont donc qu’une année pour en profiter ; elles devraient se dépêcher de se déclarer pour bénéficier « gratuitement » sans avoirs de comptes d’arriérés fiscaux à couvrir, tout en bénéficiant d’une couverture sociale.
C’est une fenêtre qui s’ouvre pour cette catégorie de travailleurs de l’économie informelle, pour ceux soumis au régime forfaitaire, et les auto-entrepreneurs.
La réforme de la CDU est la grande réforme fiscale de 2021. L’intégration de l’informel à l’économie réelle, étant au cœur de cette dernière.
Partant, rapprocher les recettes fiscales du potentiel fiscal est le but ultime de l’élargissement de l’assiette. La prochaine étape devrait porter elle sur l’abolition des niches fiscales qui sont dénoncées et doivent être abolies sur la base de la règle à revenu égal, impôt égal. Les niches fiscales représentent pour le Maroc, un manque à gagner annuel, de plus de 30 milliards de dirhams. Leur suppression pourrait répartir cette somme sur toutes les catégories d’impôts, par une baisse des taux.
L’agriculture qui était la principale niche fiscale n’est plus exonérée depuis 2019, seuls les petits propriétaires agriculteurs, personnes physiques dont le CA est inférieur à 5 millions de dirhams, continuent à l’être, depuis 2020.
Mais, d’autres subsistent, comme celle de l’immobilier avec le logement social, qui est aujourd’hui la niche la plus importante. Et les articles 6 de l’IS, 91 et 92 de la TVA, constituent des pages et des pages d’exception et donc de niches à supprimer…
Afifa Dassouli