Par Afifa Dassouli
En période de crises, une des forces de tout pays repose sur la solidité de son système bancaire. La crise sanitaire de 2020, a mobilisé les États qui ont dû l’affronter en soutenant les citoyens et les entreprises afin d’éviter une dégradation de leur situation et de limiter le coût qui en découle. C’est le cas de l’État marocain, qui a pris des mesures concrètes financières en faveur des secteurs les plus touchés par la pandémie du Covid comme le tourisme, le transport, la santé, mais aussi en versant un revenu d’un certain montant de dirhams à une partie de la population dite défavorisée.
En parallèle, l’État a mis en place une politique de garantie des crédits bancaires par la Caisse Centrale de Garantie interposée, afin de faciliter le financement des entreprises, TPME en particulier, interpelant ainsi le système bancaire à contribuer au soutien du tissu économique.
Ce fut le cas pour 2020 et 2021, années de crise sanitaire, mais aussi de 2022, l’année qui a connu une nouvelle crise. Celle de la guerre russo-ukrainienne qui a engendré une inflation des produits énergétiques et alimentaires, aggravée par des problèmes de logistique mondiaux qui ont instauré la rareté des produits et pesé à la hausse sur leurs prix. Les taux d’inflation ont atteint des niveaux sans pareil depuis 20 ans, galopante, à deux chiffres pour les pays riches et encore plus forte pour ceux émergents. Le Maroc n’a pas été en reste avec une inflation de près de 7% pour 2022. Celle-ci a touché le pouvoir d’achat des citoyens, le coût des matières premières et de tous les inputs des entreprises. Elle a engendré aussi une augmentation des taux d’intérêt, à commencer par le taux directeur de Bank Al Maghrib, qui a causé un krach obligataire, soit des pertes importantes de rendement des OPCM obligataires entre autres.
Le système bancaire, est concerné à double titre par ces variations de taux.
D’une part, les taux des crédits dits débiteurs, sont impactés par la transmission de la double hausse du taux directeur, à 2,5%. D’autre part, ses activités parabancaires ont subi l’augmentation des taux obligataires en enregistrant des pertes sur leurs portefeuilles.
Dans ces circonstances, le système bancaire en 2022, sortant d’une crise pour entrer dans l’autre, a réalisé des performances que Bank Al Maghrib vient de publier dans le tableau de bord des crédits et dépôts bancaires dont les principales tendances à fin novembre 2022 suivent.
Ainsi, à cette date, l’encours du crédit bancaire s’est établi à 1 024,1 MMDH, en hausse annuelle de 5,9% par rapport à 2021. Ces crédits ont bénéficié tout particulièrement aux entreprises non financières, ENF soit les entreprises privées avec une croissance annuelle de 9,3%. Toutefois, ceux-ci ont résulté principalement de la hausse de 13,9% des facilités de trésorerie. Sachant que les prêts à l’équipement ont cru de 3,1% et pour cause la conjoncture ne prête pas aux investissements mais au soutien des entreprises par des crédits de trésorerie, preuve en est que les prêts immobiliers se sont repliés de 3,3%.
Pour aller plus loin dans l’analyse du comportement du système bancaire en période de crise, BAM a réalisé une enquête de conjoncture qui indique que l’accès au financement, au T3-2022, a été jugé « normal » par 87% des entreprises industrielles et « difficile » par 11% d’entre elles et le coût du crédit a stagné selon 72% des patrons et cru pour 27% d’entre eux.
Selon l’enquête en question, les conditions d’octroi de crédit au titre de T3-2022, ont été assouplis pour les crédits de trésorerie et pas pour les prêts à l’équipement et à la promotion immobilière. Bien sûr, la demande de crédits a connu une hausse tant pour les TPME que pour les GE mais pas pour les crédits à l’équipement. Concrètement, au troisième trimestre de l’année, les taux appliqués aux nouveaux crédits ont progressé à 4,12%, soit 3,87% pour les GE et à 4,94% pour les TPME, différence normale compte tenu du risque qui incombe à ces dernières.
Pour les ménages, les concours de crédits ont enregistré une hausse annuelle de 3,8%, soit 2,9% pour les prêts à l’habitat et 3,7% pour les crédits à la consommation. Sachant que les premiers ont totalisé 18,7 MMDH contre 15,5 MMDH l’année d’avant, quand la demande pour les crédits à la consommation a normalement diminué en période de crise. Les taux appliqués aux crédits des ménages, s’est situé à 4,19% pour les crédits à l’habitat et à 6,39% pour ceux à la consommation.
Le financement bancaire en tant de crise est un facteur déterminant du soutien à l’économie comme le montrent les chiffres ci-dessus. Sans le financement bancaire, les acteurs économiques, que sont les entreprises non financières ou privées et les ménages, n’auraient pas pu faire face à la détérioration de la conjoncture.
Toutefois ce que ne dit pas le tableau de bord établi par Bank Al Maghrib et qui relève des crises, c’est à quel coût du risque le système bancaire apporte-t-il son appui à ces principaux acteurs économiques ?
Car il n’est un secret pour personne que les banques connaissent un accroissement du coût du risque qu’elles doivent provisionner et qui grève leurs performances financières et donc leurs résultats.
Mais en période de crise ne s’agit-il pas de tenir les équilibres et pas forcément de performer ?
Afifa Dassouli