Dans le cadre des efforts des Pouvoirs publics pour le renforcement de l’inclusion financière des jeunes porteurs de projets, pour l’appui au développement économique et social et pour la canalisation de l’épargne collective vers de nouvelles opportunités, le ministère de l’Économie et des Finances a produit un projet de loi relatif au financement de projets par le public.
Ce mode de financement, connu sous le terme anglais de « crowdfunding » ou financement collaboratif, a fait l’objet d’un développement conséquent partout dans le monde au cours des dernières années.
Le texte précité, portant numéro 15-18, est en consultation publique sur le site du SGG pour une période qui s’étend du 21 mars au 19 avril 2018, permettant ainsi à chacun de présenter remarques et observations avant la rédaction de sa mouture définitive.
Et l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux, AMMC, concernée au premier chef par tout texte relatif au financement de l’économie par appel de fonds publics, a notamment la charge de donner le maximum de visibilité à ce projet de loi afin d’en assurer la complétude préalable à son examen parlementaire.
Objectifs et cadre juridique du crowdfunding
Il faut savoir, tout d’abord, que le financement collaboratif opère à travers des plateformes internet permettant la mise en relation directe et transparente entre les porteurs de projets et les contributeurs.
Ces activités prennent trois formes de financement à savoir, l’investissement en capital, le prêt et le don.
Pour sa mise en œuvre, le financement collaboratif dispose d’un cadre juridique qui permettra :
- La mobilisation de nouvelles sources de financement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises et des jeunes porteurs de projets innovants;
- La participation active des Marocains du monde aux projets de développement du pays via un mécanisme de financement simple, sécurisé et transparent;
- L’accompagnement de la société civile dans le financement de projets à fort impact social et de développement humain;
- La libération du potentiel créatif et culturel des jeunes;
- Le renforcement de l’attractivité et du rayonnement de la place financière du
Ce cadre juridique dans lequel peut s’exercer le crowdfunding, prévoit la création de Plateformes de Financement collaboratif, PFC, et de sociétés de financement collaboratif, SFC, dont la mission sera l’exercice des différentes formes du crowdfunding. A cet effet, il établit un dispositif complet de régulation de ces activités.
En effet, la collecte des fonds se fait exclusivement par le biais de Plateformes de Financement Collaboratif, (PFC), qui permettent la mise en relation entre les porteurs de projets et les contributeurs.
Les PFC sont classées en fonction de la forme de financement collaboratif qu’elles réalisent : Plateformes d’investissement, de prêt ou de don.
Le projet de loi prévoit également des Plateformes de Financement Collaboratif Participatif (PFCP) dédiées à la réalisation d’opérations de financement collaboratifs conformes à la Charia.
Un même projet ne peut être proposé sur plusieurs PFC en même temps. Ces PFC sont gérées par des Sociétés de Financement Collaboratif (SFC).
Les SFC doivent avoir la forme de société commerciale et disposer d’un capital social minimum de 300.000,00 dirhams entièrement libéré. Préalablement à l’exercice de son activité, une SFC doit être agréée par l’administration après avis, selon le cas, de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux pour la catégorie « Investissement », ou de Bank Al-Maghrib pour les catégories « Prêts » ou « Dons ».
Les deux autorités assurent la supervision des activités de financement collaboratif en fonction des catégories précitées.
Outre la création du statut de gestionnaire de plateformes de financement collaboratif, (PFC) en l’occurrence, et de la SFC et ce, à l’instar des autres régimes régissant les activités du marché des capitaux, la loi en question prévoit également :
- La définition du dispositif d’agrément par l’Administration des SFC et de supervision des activités de financement collaboratif, assuré par Bank Al-Maghrib pour les activités de prêt et de don et par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux pour les activités d’investissement en capital;
- La définition des procédures et des modalités de création et de fonctionnement des PFC;
- La définition des engagements et des obligations de la SFC notamment, en matière d’information du public, de publicité, de reporting,…
- La définition des règles à respecter en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts et de protection des contributeurs;
L’établissement de plafonds en termes de montants à lever par projet et par contributeurs pour les différentes formes de financement;
- La définition des règles spécifiques à chacune des trois formes de financement collaboratif.
Il faut bien retenir qu’il s’agit de prévoir des limites tant en termes de durée que de montant des opérations afin d’en limiter les risques. Ces durées et montants seront fixées par voie réglementaire en fonction de chaque catégorie de financement collaboratif. Toutefois, un plafond maximum de 5 millions de dirhams par projet est d’ores et déjà fixé par la loi.
De même, la contribution d’une personne physique à un projet est plafonnée à 250.000,00 dirhams et sa contribution annuelle à plusieurs projets ne peut dépasser une limite de 500.000,00 dirhams, exception faite pour les personnes physiques ayant la qualité d’investisseurs providentiels (personnes physiques averties et disposant de moyens financiers et de connaissances dans le domaine du financement collaboratif).
Parce que les prêts et les dons du crowdfunding sont encadrés par Bank Al-Maghrib tandis que les appels de fonds pour investissements sont du ressort de l’Autorité Marocaine du marché des Capitaux, les différentes SFC, qui ont le loisir de gérer une ou plusieurs PFC, ont l’obligation de demander un agrément soit auprès de BAM, soit auprès de l’AMMC. Les deux superviseurs disposent d’un délai maximal de 45 jours pour valider ou rejeter la demande d’agrément introduite auprès de leurs services.
Il est à noter que le projet de loi prévoit également la possibilité de créer des plateformes de financement collaboratif participatif ou PFCP pour la réalisation de financements collaboratifs conformes à la Charia.
In fine, le projet de loi sur le financement collaboratif, qui compte plus de 75 articles au total, comporte bien évidemment des dispositions relatives aux sanctions qui seront infligées aux contrevenants, disciplinaires pour certaines infractions, pénales pour les plus graves.
L’intérêt d’un tel projet de loi ne saurait échapper à tous ceux qui ont pu constater les effets multiplicateurs des opérations de crowdfunding à l’extérieur, facilitées à la fois par l’outil précieux que représente en ce cas d’espèce Internet, mais aussi par l’élan donné par les différents réseaux sociaux à certaines causes légitimes, sociales notamment ou à certains porteurs de projets aux objectifs nobles, humanitaires, d’assistance, etc.
Dans sa dimension de participation aux investissements, le financement collaboratif revêt une importance et un intérêt primordiaux, notamment envers les jeunes porteurs de projets, les start-up et les entrepreneurs à la recherche de financements du style « business angels ».
Voilà pourquoi, la volonté des pouvoirs publics d’ouvrir une période d’un mois, (du 21 mars au 19 avril 2018),destinée à permettre la consultation publique de ce projet de est aussi bienvenue qu’intelligente.
Afifa Dassouli
Encadré : Les spécificités du projet de Loi
Le crowdfunding étant une démarche aussi nouvelle qu’originale pour notre pays, le projet de loi qui en porte création introduit des précisions d’importance.
Ainsi, comme le précise l’Article 4 du texte, le financement collaboratif, qui s’exerce à travers des PFC peut être fait pour le Maroc, en zone franche ou dans un pays étranger.
Les fonds peuvent être libellés en devises étrangères et les contributions peuvent provenir de contributeurs résidents ou non-résidents, dans le respect de la réglementation des changes.
Par ailleurs, qu’il s’agisse de prêts, de financements de projets ou de dons, les conditions qui prévalent normalement et que dictent des textes de lois antérieurs ne sont pas applicables en l’espèce, comme l’excipe l’Article 5 :
« Les dispositions de la loi no 44-12 relative à l’appel public à l’épargne et aux informations exigées des personnes et organismes faisant appel public à l’épargne, ne sont pas applicables aux opérations de financement collaboratif.
Les fonds versés par les contributeurs lors d’une opération de financement collaboratif ne sont pas considérés comme des fonds reçus du public au sens des dispositions de la loi no 103-12 relative aux établissements de crédit et aux organismes assimilés.
Les opérations de financement collaboratif de catégorie « prêt >> ne sont pas considérées comme des opérations de crédit ou des opérations assimilées à des opérations de crédit au sens des dispositions de la loi no 103-12 précitée.
Les opérations de financement collaboratif de catégorie « don >> ne sont pas soumises aux dispositions de la loi no 004-71relative à l’appel à la générosité publique ».
Par ailleurs, les sociétés de financement collaboratif ont l’obligation, en tant que sociétés commerciales, d’avoir pour activité principale le crowdfunding à travers la gestion de plateformes de financement collaboratif, mais également d’être domiciliées au Maroc et de disposer d’un capital minimum de 300 000 dirhams entièrement libéré à la constitution de la SFC.
Quelques-unes des obligations de la SFC
Parmi les conditions d’exercice de son activité, la SFC est soumise à plusieurs obligations dont nous citons, ci-après parmi les plus importantes tirées des différents articles du projet de loi :
- Fournir au public, d’une manière claire et compréhensible, toutes les informations relatives au fonctionnement de la PFC, notamment les projets éligibles, les conditions de leur sélection, les modalités de la rémunération de la SFC;
- Informer le public, de manière claire et compréhensible, des modalités de fonctionnement de chaque catégorie de financement collaboratif, des risques y afférents, des engagements qui en découlent pour le contributeur et pour le porteur du projet;
- S’assurer de la conformité des opérations de financement collaboratif aux dispositions de la présente loi et du règlement de gestion notamment, en ce qui concerne la nature des projets à financer, la qualité des contributeurs et des porteurs de projets ;
- Informer le public, de manière claire et compréhensible, des caractéristiques de chaque projet présenté et des conditions financières spécifiques à l’opération de financement collaboratif envisagée. l’information concerne en particulier les conditions de déblocage des fonds et de leur mise à disposition du porteur du projet, les modalités de rémunération ou de remboursement des contributions ;
Par ailleurs la SFC inscrit sur la PFC, de manière facilement accessible depuis la première page ainsi que sur toute correspondance et sur tout support de publicité, sa dénomination sociale, l’adresse de son siège social, son adresse de courrier électronique, son numéro d’immatriculation au Registre du Commerce, les références de son agrément ainsi que la dénomination et l’adresse de l’établissement teneur des comptes.
Enfin, la SFC doit établir un rapport annuel pour chaque PFC gérée trois mois au plus tard après la clôture de l’exercice.
A propos des opérations de financement collaboratif
Le projet de loi sur ce type de financement précise, en son Article 43 que les contributions collectées dans le cadre d’opérations de financement collaboratif sont exclusivement affectées, conformément au règlement de gestion de la SFC et à la note de présentation du projet, à la réalisation du projet envisagé.
Les SFC évoluant dans la catégorie « investissements sont soumises au contrôle de l’AMMC et ce sont les dispositions de l’article 65 du projet de loi qui en fixent les modalités comme suit :
- Sont soumis au contrôle de I’AMMC, conformément aux dispositions de la loi n°43-12 relative ‘Autorité marocaine du marché des capitaux, les SFC qui gèrent des PFC de catégorie «investissement ».
- L’AMMC s’assure que les sociétés visées à l’alinéa précédent respectent les dispositions de la présente loi, les textes pris pour son application, les circulaires de l’AMMC ainsi que tous les textes législatifs et réglementaires qui leur sont applicables.
- Dans le cadre de l’exercice de ses missions de contrôle et conformément aux dispositions de la loi no 43-12 précitée, I’AMMC est habilitée à faire effectuer par tout agent assermenté et spécialement commissionné à cet effet, des contrôles sur place et sur pièces auprès des SFC relevant de son périmètre de contrôle.
- L’AMMC peut également demander aux SFC communication de tous documents et renseignements nécessaires à l’accomplissement de ses Elle en détermine la liste, le contenu et le modèle ainsi que les supports, la périodicité et les délais de transmission.
Afifa Dassouli