La Professeure Maha Soussi cheffe de service au laboratoire de de Parasitologie-Mycologie et cheffe du Pôle Laboratoires au CHU Ibn Roch, est profondément convaincue de sa mission médicale, de son importance.
Pourtant, sa modestie, son sens de l’humain, sa reconnaissance envers ses maîtres qui l’ont formée prouve avec éloquence qu’elle n’a d’autre objectif que d’accomplir ses missions médicales avec dévouement et diligence. Un exemple pour toutes et tous !
La Nouvelle Tribune : Professeure Maha Soussi, vous faites partie des nombreuses femmes médecins qui exercent au plus haut niveau du CHU Ibn Rochd. Tout particulièrement vous dirigez le Pôle des laboratoires. À ce titre pouvez-vous partager avec nos lecteurs votre parcours, dans ce numéro spécial de La Nouvelle Tribune consacré aux « femmes en médecine »
Professeure Maha Soussi : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’intérêt que vous portez aux femmes qui opèrent dans le secteur de la Santé et qui ont beaucoup donné durant cette période de la Covid-19.
Je m’appelle Maha Soussi Abdallaoui et je suis médecin de formation. J’ai effectué mes études en médecine à la Faculté de Rabat, mais j’ai passé mon internat à Casablanca.
Depuis juin 1996, j’exerce au CHU Ibn Rochd de Casablanca. Au départ, je me destinais à la Réanimation, mais j’ai vite réalisé que le clinicien avait besoin de la Biologie, que celle-ci allait prendre une importance considérable dans l’exercice de la médecine.
J’ai ainsi franchi le pas de faire ce virage qui en réalité fut à 360°. En effet, après deux stages d’internat en réanimation, j‘ai suivi celui des maladies infectieuses au cours duquel mon maître, Mme Himmich, m’a orientée vers le service des soins intensifs.
Le dernier stage des internes portant sur leur choix de spécialité, j’ai opté pour la biologie médicale et intégré les laboratoires de biologie où je me suis réellement épanouie.
De là à diriger ce laboratoire, quel a été le chemin qui vous y a conduit ?
Lorsque j’étais en stage dans le service de réanimation, ma vision de la médecine a évolué, j’avais vite compris que nous ne pouvions exercer correctement notre travail de réanimateur sans l’apport d’un laboratoire de biologie médicale, de haut niveau. D’autant que comme je vous le disais, la biologie prenait de l’importance, les choses allaient trop vite, il y avait un réel effort de mise à niveau à faire pour suivre ces progrès.
Comme vous le savez, à l’hôpital en général, et au laboratoire, il y avait aussi une majorité de femmes, auprès desquelles j‘ai appris énormément, qui ont été mes maîtres. L’une d’entre elles fut la défunte Professeure Noufissa Benchemsi, paix à son âme, qui était une femme extraordinaire et qui m’a énormément marquée.
Elle dirigeait le service d’hématologie et le laboratoire d’hématologie. Son sérieux, son abnégation étaient reconnus de tous, elle dirigeait également le Centre national et régional de transfusion sanguine.
Elle m’impressionnait par son engagement et la force de ses convictions citoyennes.
Puis, en tant que spécialiste, j’ai commencé à travailler ma formation au laboratoire de parasitologie que dirigeait Mme la Professeure Nouzha Guessous. Encore une grande dame qui m’a servi de modèle tant par ses qualités scientifiques que par sa rigueur dans l’organisation administrative du service qu’elle dirigeait.
A son départ en 2005, j’étais une jeune professeure assistante honorée, mais «effrayée», de prendre sa succession. Permettez-moi de la saluer ici et de la remercier pour tout ce qu’elle m’a appris. Mon parcours en fut facilité, puisque qu’en 2008, j’ai passé le concours d’agrégation et quatre années plus tard, je suis devenue professeure de l’enseignement supérieur. J’enseigne la parasitologie-mycologie à la faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca.
Professeure Soussi, quelles sont les fonctions et apports du laboratoire que vous dirigez aux différentes disciplines médicales ?
De formation, médecin biologiste polyvalente, j’assure depuis 2013 la coordination du pôle «Laboratoires» du CHU Ibn Rochd, en plus de la chefferie de service du Laboratoire de Parasitologie-Mycologie.
Mon intérêt pour la Parasitologie-Mycologie, discipline de la Biologie Médicale, et ce dès ma première année de spécialité, a motivé le choix de mon hyperspécialisation dans cette discipline. Celle-ci ne cesse d’évoluer au fil des années tant sur le plan technologique, qu’en ce qui concerne le «profil» des patients pris en charge et aussi des pathogènes incriminés. En effet, des patients aux pathologies de plus en plus lourdes, notamment des cancers, traités par des chimiothérapies agressives, se retrouvent exposés à des infections opportunistes parmi lesquelles les infections fongiques et parasitaires susceptibles même d’engager leur pronostic vital.
Vous savez, le changement des habitudes de vie chez nos concitoyens par la pratique des sports de plus en plus diversifiés, ou par l’acquisition de différentes espèces d’animaux de compagnie, les expose à des mycoses superficielles (parfois dues à des champignons n’infectant pas habituellement l’Homme).
De plus, du fait des voyages de par le monde, on se trouve face au risque d’importation de parasitoses et mycoses tropicales que nous rencontrons de plus en plus fréquemment dans notre pratique quotidienne. Il faut les cerner pour les éradiquer. Quand nous présentons ces cas dans les congrès internationaux auxquels j’assiste personnellement au moins une fois par an, ils rencontrent un grand intérêt chez les confrères venus des quatre coins du monde.
Ce fut le cas de la Covid 19, où le laboratoire du CHU a dû être très sollicité ?
Tout à fait ! Au début de la pandémie de la Covid 19, seuls trois laboratoires au Maroc étaient accrédités pour effectuer les tests PCR. Mais étant donné que le nombre devenait de plus en plus important, nous avons été sollicitées, Mme le professeure Elmdaghri, en tant que cheffe du Laboratoire de Bactériologie-Virologie, et moi-même en tant que cheffe du Pôle Laboratoires , par le directeur général du CHU, le Professeur Afif, pour assurer cette mission. D’autant qu’à Casablanca, l’Institut Pasteur était débordé et les délais de réponse longs du fait de la multiplication des cas infectieux.
Nous avons donc commencé à faire les tests PCR dès la fin mars 2020 notamment pour les patients hospitalisés au CHU, puis pour les malades du Grand Casablanca. D’ailleurs, nous avons été le premier CHU au Maroc à être accrédité.
Pourquoi parlez-vous au passé ? Cela signifie-t-il que la situation n’est plus aussi tendue ?
Comme vous le savez, il y a eu des pics de la pandémie notamment en avril, mai et juin, puis le Maroc s’est dirigé vers le dépistage de masse, des cas contacts et asymptomatiques, nous recevions à ce moment-là plus de 2000 prélèvements par jour.
Avec la seconde vague survenue en septembre-octobre, nous étions au front également, mais actuellement cela commence à se calmer et si nous continuons à faire les prélèvements, ils sont beaucoup moins nombreux qu’auparavant.
La pandémie s’est atténuée donc…
Oui, en février on le remarque sur le pourcentage des cas positifs qui diminue et même pour le personnel du CHU qui se présente pour faire des tests PCR, leur nombre est passé de 200 par jour à moins de 25 actuellement.
Personnellement, je pense que cette accalmie s’explique par le fait que de nombreuses personnes respectent les gestes barrières et les mesures d’hygiène. Mais aussi les contraintes légales d’interdiction de voyager ont joué énormément en faveur de la diminution du nombre de cas. Malheureusement, il y a également les cas qui ne sont pas déclarés et qui se soignent eux-mêmes, sans consulter un médecin, au risque de transmettre le virus à des personnes à l’immunité plus faible.
Pensez-vous que désormais les virus tels la Covid-19 vont faire partie de notre vie et que dès la fin d’une pandémie, une nouvelle se déclarera ?
Comme vous le savez, le monde a toujours vécu avec les virus. Et les infections virales apparaissent essentiellement en hiver. Elles passent le plus souvent inaperçues et présentent des symptômes légers, mais il y a eu d’autres infections virales qui ont fait des dégâts comme les virus de la grippe (H1N1…), le MERS-Cov ou le virus Ebola, etc., mais qui sont restées cantonnées à un pays ou une région donnés, ou bien limités dans le temps.
La différence avec le SARSCov 2, c’est qu’il s’agit d’une pandémie mondiale, les virus continueront de faire partie de notre quotidien, avec plus ou moins de virulence, selon les cas.
Professeure Soussi, disposez-vous aujourd’hui, à la faveur de la mobilisation de moyens conséquents pour lutter contre la Covid-19, de nouvelles armes pour obtenir des résultats rapides et conséquents ?
Il faut examiner cette question sous deux angles, la prévention et le traitement. D’abord, nous avons énormément appris de cette pandémie, et devons en conserver les acquis qu’on ne doit pas perdre.
Dans ce cadre, même après le coronavirus, j’insiste sur le lavage des mains, sur la façon de se comporter au contact des autres, comment éternuer dans son coude, se moucher avec un mouchoir jetable, continuer à utiliser le gel hydro-alcoolique quand on n’a pas la possibilité de se laver les mains au savon, etc.,
Ces gestes barrières et préventifs doivent devenir une règle incontournable, non seulement en milieu hospitalier, mais à l’école, l’université, au travail, dans la rue, etc. Sur le second aspect de votre question, il faut dire que l’État a beaucoup fait pour la Santé depuis l’arrivée de la pandémie.
Par ailleurs je considère qu’avec cette pandémie, l’hôpital public a retrouvé un statut qu’il avait perdu au cours des dernières années.
Quand j’étais jeune, tout le monde, toutes classes sociales confondues, allait à l’hôpital public.
Aujourd’hui, grâce aux efforts consentis, les personnes qui ont été atteintes du SARS-Cov 2 ont pu bénéficier d’une prise en charge complète et efficace dans la très grande majorité partout dans le pays.
Et la prise en charge a été gratuite dans ce cadre, avec la PCR, le scanner thoracique, les médicaments et l’hospitalisation.
Tout cela coûte cher, mais cela a été entièrement assumé par l’Etat dans le cadre du service public!
Et si à quelque chose malheur est bon, on peut affirmer que cette pandémie a permis aux citoyens de retrouver confiance dans l’hôpital public!
On sait que plusieurs services du CHU de Casablanca sont soutenus par des bienfaiteurs. Est-ce le cas pour votre service ?
Au début de la pandémie, nous avons été soutenus par des bienfaiteurs et concernant notre laboratoire, nous avons reçu le soutien d’une association de médecins néphrologues pour l’acquisition rapide de hottes qui permettent de protéger le manipulateur lorsqu’on fait des tests PCR.
De plus grâce à la Fondation Orange, nous avons pu réaménager l’unité de PCR qui doit être un laboratoire de niveau 2.
Enfin, des bienfaiteurs individuels ont pris en charge certains repas pour le personnel de garde, etc.
Quant à l’acquisition de matériels de protection individuelle pour le personnel, ainsi que le reste des équipements pour la réalisation des tests, c’est l’administration du CHU et le ministère de la Santé qui s’en sont chargés.
La féminisation des personnels de santé est aujourd’hui une donnée mondiale. Qu’en pensez-vous pour le cas de notre pays?
Permettez-moi tout d’abord de saluer mes collègues hommes qui sont tout autant engagés dans leur métier que nous-mêmes.
Ce qu’une femme peut apporter de plus, au niveau de chaque activité en rapport avec la santé, c’est qu’elle réussit magnifiquement son travail nonobstant toutes les autres responsabilités qu’elle assume chaque jour !
La femme a l’habitude de s’occuper des autres et le milieu médical est propice à cela car elle peut être compatissante, compréhensive, et le patient saisit parfaitement cette émotivité positive.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
À propos du Professeure Maha Soussi
Qualité et titres Cheffe du Département des Sciences Biomédicales; Faculté de Médecine et de Pharmacie, Université Hassan II de Casablanca ; Cheffe de Service au Laboratoire de Parasitologie Mycologie & Chef du Pôle « Laboratoires », CHU Ibn Rochd de Casablanca. Cheffe de service au laboratoire de parasitologie mycologie, responsable du laboratoire de Bactériologie virologie et cheffe du pôle Laboratoires au CHU Ibn Rochd Professeure de Parasitologie Mycologie, cheffe de département des Sciences Biomédicales et directrice de spécialité en Biologie Médicale à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca.