La réforme de la flexibilité du Dirham, par essence technique, n’a guère été comprise par nombre de personnes. Et pour cause ! La création de deux nouveaux marchés qui la concrétisent, celui interbancaire des devises et celui des adjudications en devises, n’ont pas été évoqués dans la présentation de ladite réforme.
Pourtant, ce sont là les principaux outils permettant le passage d’un dirham fixe à la variabilité de sa cote.
Les deux articles qui suivent expliquent l’importance et le rôle de ces nouveaux marchés.
La réforme de la cotation du dirham a, certes, fait couler beaucoup d’encre, mais ce n’est pas si facile pour autant d’en vulgariser la technique !
Pourtant l’approche de la réforme sur le plan technique en permettrait plus facilement la compréhension.
C’est pourquoi, lors des premiers jours de l’annonce de la flexibilité du dirham, en début de semaine dernière, l’appréciation de l’euro a causé une certaine confusion chez les opérateurs.
Ceux-ci ont cru, en effet, que l’augmentation de cette devise était une conséquence de la réforme et que la contrepartie se concrétisait par une dépréciation du dirham.
Non ! Le taux de change du dirham par rapport à une devise précise n’est pas le « coût » de la monnaie en un temps T.
De fait, chaque variation du dirham est influencée à hauteur de 60% par l’euro et 40% par le dollar, mais à cette première équation à deux variables, vient de s’ajouter une 3ème variable qu’est la variabilité du dirham. En réalité, cette variabilité existait déjà tout en étant très limitée, à + ou – 0,3%, donnant au dirham une valeur quasi-fixe.
Mais, avec la réforme, l’intervalle a été élargi à + ou – 2,5%. Et donc, la largeur de fluctuation globale du dirham est passée de 0,6% à 5 %.
C’est ainsi que par exemple si le dirham cotait 11 Dhs pour un euro, il peut aujourd’hui varier entre 11,2750 Dhs au plus et 10,69 Dhs au moins soit, 2,5% de plus ou de moins que 11 dirhams.
Dorénavant, BAM déterminera la valeur du dirham à l’intérieur de cette fourchette dans laquelle le dirham peut se promener et évoluer.
Jusque-là tout est compréhensible, mais comment s’opèreront ces variations et sur la base de quels critères ?
A ce niveau, on peut considérer que l’explication de la réforme de cotation du dirham n’a pas été claire sur le plan opérationnel.
Et pour cause, le plus important de la réforme réside dans la création par Bank Al-Maghrib de deux nouveaux marchés dédiés à la mise en oeuvre de sa réforme.
Il s’agit d’un marché interbancaire de devises et d’un marché des adjudications auprès de BAM, en devises.
En effet, la Banque centrale a mis en place un marché efficient de devises pour s’assurer que ses acteurs que sont les banques et les intermédiaires financiers, y soient en totale et libre concurrence tant pour l’achat que pour la vente des devises, euro, dollar, yen, livre sterling, etc.
Ce marché regroupe ainsi tous les opérateurs en devises et met les intermédiaires dans l’obligation de travailler ensemble.
Aucune banque n’a de ce fait plus intérêt à être chère et à vendre le dirham contre euro à 11,2750 Dhs, pour rester dans le même exemple, sauf si elle est la seule à édicter ce prix, ce ne peut plus être le cas.
Par définition, sur un marché interbancaire de devises, aucune salle des marchés ne peut être seule à fixer un prix, car ce dernier résulte du marché lui-même donc de l’offre et de la demande.
Comme pour les banques sur le marché interbancaire monétaire, les opérateurs, leurs salles des marchés, peuvent compenser leurs besoins en devises auprès de leurs confrères.
Comme une banque va sur le marché monétaire chercher quotidiennement des liquidités, les salles de marchés peuvent s’approvisionner en devises sur le marché qui leur est dédié par BAM.
Par ailleurs, Bank Al-Maghrib a introduit des règles de fonctionnement pour le nouveau marché interbancaire des devises.
Elle oblige les intermédiaires financiers à coter dans un mouchoir de poche. Les intermédiaires en devises ne peuvent coter le dirham qu’avec une marge de cotation maximale de 50 points de base, soit 5 pour mille.
Ce qui signifie que le différentiel entre le prix d’achat et celui de vente d’une devise est limité à 0,5%.
Les clients seront face à des acteurs qui cotent les unes et les autres dans cette marge restreinte, ce qui exclut toute spéculation possible. Cette une règle de régulation de l’offre et de la demande.
Pour être clair, si une salle des marchés augmente le prix d’achat d’une devise, toutes les autres voudront lui vendre leurs devises sur le marché interbancaire des devises.
Et inversement, si elle baisse son prix, tous vont vouloir lui racheter la devise en question.
Aucune salle des marchés ne peut se trouver en position dominante et le cours de la devise s’établit sur le marché interbancaire résultant de toutes les offres et de toutes les demandes en devises.
Avec la création de ce marché interbancaire des devises, BAM a voulu éviter toute dérives et suit les écarts entre prix d’achat et vente de devises, en temps réel !
Sur ce marché, les intermédiaires financiers sont suffisamment nombreux pour qu’il n’y ait aucune collusion entre leurs opérations et de ce fait, le marché va s’auto-équilibrer et formera un prix compétitif de chaque devise.
Car l’objectif de la banque centrale est aussi de défendre la PME, la TPME et les personnes physiques. C’est donc au niveau du marché interbancaire des devises que le dirham pourra évoluer entre + 2,5% et – 2,5%, en fonction d’une offre globale et d’une demande globale qui traduisent les besoins de l’économie marocaine…
Afifa Dassouli