La Trésorerie générale du Royaume a accueilli vendredi 20 et samedi 21 septembre la treizième édition du colloque de Finances publiques, organisé conjointement par la TGR, le MEF et la Fondafip.
En cette occasion, M. Noureddine Bensouda, cheville ouvrière de cette grande manifestation scientifique annuelle depuis 2007, a bien voulu répondre aux questions de La Nouvelle Tribune et www.lnt.ma.
La Nouvelle Tribune :
M. Bensouda, les colloques de la TGR et de la Fondafip, sont, chaque année, attendus comme des moments de réflexion de haut niveau sur les impératifs de notre pays.
Le sujet de cette 13è édition, qui porte sur le financement local, est d’une importance nodale pour la régionalisation.
Pouvez-vous nous parler de son état avancement actuel ?
M. Noureddine Bensouda :
La thématique de notre colloque cette année, « Les finances locales au Maroc et en France dans un monde en mutation », est un sujet qui veut démontrer les besoins nécessaires pour accélérer le processus de régionalisation et aussi de déconcentration qui sont les deux axes sur lesquels SM le Roi a insisté dans ses derniers discours.
Ces conférences que nous organisons depuis 2007 sont le moment d’un espace de partage et d’échange sur la recherche scientifique qui est mise à la disposition d’un grand nombre d’utilisateurs, chercheurs universitaires, décideurs politiques, experts nationaux et internationaux.
Les sujets traités permettent d’établir des diagnostics et de définir des pistes de progression pour les thématiques centrales développées par les colloques successifs.
Sur la question de la régionalisation, ce chantier est en cours aujourd’hui et nous travaillons en étroite collaboration avec la Direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur dirigée par M. Khalid Safir.
La redistribution fiscale en faveur des régions s’est concrétisée certes, mais il s’avère que les régions n’utilisent pas cette manne fiscale faute de projets.
N’est-ce donc pas une question de manque de dynamique économique ?
C’est une question que l’on retrouve autant au niveau de l’État, que des collectivités locales et des entreprises publiques.
En principe, on se mobilise pour mettre à disposition des collectivités locales les crédits nécessaires, mais certains ministères sont plus performants que d’autres et des régions plus dynamiques que d’autres.
Le tout est lié à la qualité de gestion de la vision et des ressources humaines.
On constate qu’il y a des marges de progrès et on essaye de dupliquer les bons exemples.
Nous nous réunissons avec le ministère de l’Intérieur et les présidents de régions pour identifier les compétences, distinguer ce qui doit se faire au niveau de l’Etat et ce qui relève d’une région ou d’une commune.
Et c’est la mise en œuvre du concept de subsidiarité qui traduit un principe constitutionnel selon lequel celui qui peut assurer un service public dans les meilleures conditions, doit s’en charger.
Ceci, afin d’éviter de tout centraliser et donc précisément, pour faciliter la décentralisation et l’opérationnalisation qui en découle !
À travers les différents panels de cette 13è édition, vous insistez beaucoup sur la fiscalité du financement local.
Doit-on recourir à des incitations pour le faciliter au niveau des régions ?
Que prévoit dans ce sens la Loi cadre sur la réforme de la fiscalité qui est prête et prochainement appliquée puisque déjà au Secrétariat Général du Gouvernement ?
Le financement a deux facettes.
L’une porte sur les ressources propres que sont les taxes et redevances, l’autre sur l’endettement et ce, pour tous les agents économiques, ménages, entreprises, État ou collectivités territoriales.
Partant, la première table ronde s’est proposée de répondre à la question : Que peut-on faire au niveau de la fiscalité locale pour favoriser la collecte des ressources ?
Et ce, en sus de la fiscalité transférée ou partagée, qui se compose de 30% des recettes fiscales de la TVA et 5% de celles de l’IR et l’IS.
Mais aussi, par ailleurs, il faut améliorer les ressources propres des régions, c’est-à-dire les taxes ou les redevances gérées au niveau régional.
Il s’agit de la redevance d’occupation de domaines publics, de la taxe sur les terrains non bâtis, afin d’élargir l’assiette fiscale locale sans que le coût de collecte soit plus élevé que la recette elle-même.
Un travail de synchronisation, d’harmonisation et de cohérence s’impose donc.
Car, soit c’est l’État qui collecte et redistribue, soit les régions le font pour elles-mêmes.
La décision dépend de la dépense associée à la recette fiscale, laquelle ne doit pas être supérieure à la recette associée.
La TGR travaille avec les collectivités territoriales et le Ministère de l’intérieur avec ses ressources humaines et son système d’information pour une vision consolidée au niveau de la gestion.
Les régions doivent être servies au moindre coût d’une part et de l’autre ne doivent pas être écrasées par une trop forte pression fiscale.
Cette même vision consolidée doit bénéficier au citoyen.
Le citoyen, qui doit être la finalité de toute politique publique, doit se retrouver face à un prélèvement fiscal consolidé tout en étant servi au moindre coût sans qu’il se sente soumis à une fiscalité excessive faute d’une mauvaise organisation faite de différents intervenants.
Il ne doit pas avoir à consacrer une partie de ses revenus à payer des services qui doivent normalement dépendre de la collectivité.
C’est ce qu’on appelle la« décommodification », c’est-à-dire la dé-commercialisation qu’on retrouve dans les pays d’Europe du Nord où le service public est tellement bien servi que le revenu des citoyens leur est réservé à part entière.
Ce qui permet de tirer le niveau de la population vers le haut et induit une meilleure harmonie et cohésion sociales.
Ce colloque porte aussi de l’intérêt au financement des régions par l’appel public à l’épargne sur le marché des capitaux.
L’exemple français est probant puisque les régions, départements et communes y recourent aisément. Sommes-nous encore loin de ce type de financement ?
Vous savez, l’essentiel c’est que l’on s’inscrive dans une perspective.
Aujourd’hui, nous sommes dans un monde de partage.
Ce qui circule le plus et le plus rapidement, ce sont les idées.
Nous essayons de prendre ce qu’il y a de meilleur en France et ailleurs pour répondre à nos besoins. Le plus important, c’est que notre manière de travailler s’améliore.
Il fallait enclencher un processus, c’est ce le Maroc a fait, entre autres, avec la décentralisation.
M. Bensouda, pouvons-nous conclure cet entretien sur les concrétisations des recommandations de ce colloque ?
Nos décideurs présents à nos colloques et qui lisent nos recommandations et publications, s’en inspirent dans leurs prises de décisions tout en tenant compte des conditions et besoins de notre pays.
Ces conférences permettent d’être au fait des meilleures pratiques en utilisant les outils les plus innovants.
Par exemple, la TGR exploite le système intégré des dépenses, connu en France sous le nom de CORUS.
Les deux systèmes sont proches car nous nous sommes inspirés de CORUS en l’adaptant à nos besoins et spécificités.
C’est bien la preuve que ces échanges induisent une dynamique d’innovation.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli