Le Maroc est à la croisée des chemins. Non pas entre le développement et le sous-développement, la prospérité ou la pauvreté mais entre la paix sociale et un avenir incertain.
Les révoltes du Rif ne sont pas nouvelles, c’est même une redondance dans l’histoire du Maroc. Mais, Zefzafi n’est pas Abdelkrim et son timing n’est pas le même. Le pays, qui n’a pas d’atout stratégique à faire valoir si ce n’est son emplacement géographique, a fait reposer toute sa stratégie de développement économique sur une politique d’ouverture, d’abord vers les pays occidentaux et aujourd’hui vers l’Afrique.
Le terrorisme islamiste a déjà fortement mis à mal cette stratégie de développement parce que désormais quand un attentat a lieu en Europe, les Européens annulent leurs vacances dans les pays musulmans… Dans ce contexte, le Maroc redouble d’efforts pour améliorer son image, collabore en profondeur avec les services de renseignement étrangers pour traquer les terroristes, organise la COP22, Mawazine et tous les festivals qui sont devenus des références à l’international.
Mais, à quoi bon si tout cela ne correspond qu’à la face émergée de l’iceberg ? Le chômage de notre jeunesse est endémique et structurel, ce n’est pas un chômage technique dû à une restructuration ou une fermeture d’usine. Non, les jeunes marocains manquent de diplômes et de débouchés et même ceux qui ont un diplôme peinent à trouver un travail décent.
Pourtant, le peuple marocain, quoi qu’on en dise ou pense, a été et est courageux, patriote jusqu’au plus profond de son cœur. La seule contrepartie que les Marocains exigent est leur dignité. Pas la richesse ou des droits sociaux évolués, la dignité seulement. Lorsque nos concitoyens n’ont pas accès à des soins basiques, à des logements accessibles et à une éducation valorisante, que pouvons-nous attendre d’eux ? Comment leur expliquer que pendant que certains bénéficient de tous les privilèges d’autres meurent broyés par une benne à ordure, quelle que soit la responsabilité des uns et des autres ?
Zefzafi et le prix de la sardine valent-ils la division des Marocains et la mise en danger de tous les accomplissements de ce pays si chèrement acquis ?
Un « Plan Marshall » pour la Santé, l’Education et la Justice
Puisqu’aux grands maux les grands moyens, il est temps de comprendre qu’à l’heure de YouTube et des Live sur Facebook, c’est un « Plan Marshall » dont le Maroc a besoin. Ce ne sont pas 10 mais 100 milliards de dirhams qui devraient être investis dans les infrastructures de base, les écoles, la formation professionnelle, les tribunaux, les hôpitaux… Un effort national doit être exigé du secteur privé en partenariat avec le public pour financer ce plan et il doit être clairement exprimé que c’est la seule voie de sortie possible.
Les dizaines de jeunes qui ont lapidé les forces de l’ordre à Al Hoceima sont la responsabilité de tous et reflètent l’échec de l’Etat. Nous devons agir vite, au risque de faire des erreurs, parce qu’après, demain, il sera trop tard.
Nous perdons un temps précieux à tergiverser alors que l’heure tourne. Depuis des années, le débat sur l’éducation se focalise sur la langue alors que partout dans le monde la maitrise de plusieurs langues est un atout recherché. Nos jeunes parlent déjà l’arabe, l’espagnol dans le nord, le français, le berbère et l’anglais de plus en plus et ce sont très souvent des autodidactes, pourquoi ne pas exploiter ce potentiel à l’école ? Si en plus la darija marocaine permet à tous de se comprendre et de communiquer, alors le débat devrait être clos.
Les élites économiques et politiques ont disparu du débat, un fossé s’est creusé entre les citoyens alimenté par les inégalités sociales. Les seuls discours audibles sont ceux de l’islamisme radical ou celui des gauchistes qui font feu de tout bois et qui appliquent l’adage l’ennemi de mon ennemi est mon ami.
C’est aujourd’hui l’occasion rêvée de redonner du sens à un projet social qui rassemble les Marocains et leur donne un objectif commun, celui d’un Maroc ouvert et au développement équitable, inclusif pour tous.
Les témoignages et réactions à la situation dans le Nord du pays se multiplient ce week-end sur les réseaux sociaux et révèlent une inquiétude chez nos compatriotes. La tournure qu’a pris l’action de Zefzafi en arrêtant le prêche du vendredi, divise désormais les Marocains qui partagent paradoxalement les revendications sociales des Rifains mais qui n’approuvent plus autant les méthodes employées et les relents sécessionnistes du mouvement.
Attaché à la devise du pays, chaque Marocain se mute en défenseur de sa foi, de sa patrie et de son Roi dès qu’il estime qu’un des trois est en danger. Le pendant de cette fidélité, c’est la dignité. Les Marocains et le Maroc méritent mieux !
Zouhair Yata