
Des bougies en hommage aux victimes de l'attentat de Barcelone allumées sur Las Ramblas, le 18 août. - Josep Lago - AFP
Depuis plusieurs jours et à la faveur d’événements atroces, des attentats terroristes commis par des affidés de Daech en l’occurrence, la presse internationale n’en finit de citer la nationalité de ces assassins, chaque fois que l’occasion se présente.
Les membres de la cellule jihadiste de Ripoll, le demandeur d’asile en Finlande, auteur de deux meurtres au couteau, pour ne citer que ces deux exemples les plus récents, étaient ou sont (pour les survivants), de jeunes Marocains, parfois nés dans le Royaume même, le plus souvent ayant grandi dans leur pays d’expatriation.
Impossible de dire ou de croire que la citation répétée de la nationalité de ces terroristes ne nous interpelle pas ou nous laisse insensibles.
Au contraire, c’est une meurtrissure, une profonde affliction et une douleur réelle que les Marocains ressentent en ces occasions.
Non à la stigmatisation
Car, avec la multiplication de ces évocations journalistiques, sous couvert d’informer certes, se profile le danger, très réel, de la stigmatisation, de l’amalgame, de la généralisation, tous menaçants parce que facilement exploitables en ces temps de populisme et d’intolérance, malheureusement trop fréquents dans nombre de pays occidentaux.
Mais si ces jeunes, manipulés par Daech directement ou indirectement, étaient bel et bien des citoyens marocains, ce ne sont ni leur pays d’origine, ni leur nationalité même qui sont à l’origine de leurs dérives terroristes !
C’est là le message qu’il convient de diffuser à chaque fois que l’on nous interpelle sur la nationalité de ces assassins dont certains ont subi un lavage de cerveau par un trafiquant de drogue reconverti en imam, alors que le meurtrier de Finlande, demandeur d’asile (!!!), souffre visiblement de troubles mentaux comme l’exprime le fait qu’il s’est prioritairement attaqué à des femmes.
L’origine des terroristes ne compte pas à l’heure d’Internet, des réseaux sociaux, de la diffusion de messages d’endoctrinement à partir de « bases » géographiquement éloignées !
C’est désormais une réalité avec laquelle il faut compter et c’est sur le plan de la prévention, de l’éducation et de l’insertion que des efforts immenses doivent être consentis afin d’empêcher que de pareils actes n’impliquent de nouveau des jeunes facilement manipulés par des prêcheurs qui professent une vision dénaturée de notre sainte religion.
Et sur ce plan, s’il est commode pour certains organes de presse de s’appesantir sur la nationalité de terroristes, (ce que fait systématiquement par exemple la presse algérienne ou de soi-disant chroniqueurs radiophoniques français …), on a souvent le sentiment que dans plusieurs pays, européens notamment, des failles immenses existent au niveau sécuritaire et préventif.
Comment expliquer par exemple que le sinistre Es Satty, qui aurait trouvé la mort dans l’explosion de la cache jihadiste à Alcanar, en Espagne, ait eu la possibilité de circuler en toute impunité entre l’Espagne et la Belgique, malgré une condamnation à quatre années de prison pour trafic de drogue ?
Mais, surtout, quelle autorité, espagnole, catalane ou municipale, (à Ripoll), est-elle en charge du suivi de ces « imams » auto-proclamés, qui dispensent leurs propos terroristes sans un minimum de contrôle par les services de surveillance de la mouvance islamiste en terre ibérique ?
Surveillance de proximité
Comment peut-on imaginer, nous citoyens Marocains, qui évoquons souvent le Moqadem et son rôle, que plusieurs personnes s’installent et résident plusieurs mois durant dans une localité, Alcanar en l’occurrence, sans que la mairie ou la police ne s’enquièrent de leur présence et des motifs de leur résidence ?
Les va-et-vient des membres de cette cellule jihadiste n’étaient pas ignorés du voisinage et certains résidents ont même énoncé devant la presse qu’ils pensaient que la cache des terroristes était dédiée à un laboratoire clandestin de drogue !
Serait-ce concevable dans notre pays où, dès votre installation en un lieu nouveau, vous recevez immanquablement la visite du Moqadem… ?
Nous savons tous que la population marocaine émigrée en Europe a été, au niveau de la première génération en tout cas, marginalisée, ostracisée, alors qu’elle quittait le Maroc en quête d’un avenir meilleur.
Pour nombre d’entre ces émigrants, l’établissement en terre étrangère ne s’est pas fait facilement et trop souvent la religion a été l’unique refuge de ces déracinés, laissés pour compte, marginalisés et ignorés des pouvoirs publics.
Les pays d’accueil avaient besoin de bras, non de têtes pensantes et « la plus haute des solitudes », (comme l’écrivait Tahar Benjelloun), n’a pas été sans produire des effets négatifs, avec un repli identitaire essentiellement axé sur la religion et sur une lecture littérale, rétrograde, conservatrice des préceptes de l’Islam.
Ce sont ces vérités qu’il convient de reconnaître lorsqu’on veut rester honnête et objectif. Et si on a coutume, au-delà du détroit de Gibraltar, de saluer la bi-nationalité des personnalités d’origine étrangère qui ont réussi dans leur pays d’accueil, on se garde bien de faire de même lorsqu’il s’agit d’un terroriste !
Les Marocains du monde, notre fierté
Le Maroc ne saurait être tenu responsable du parcours et du devenir des millions de ses fils et filles qui ont choisi l’expatriation, sans pour autant refuser de les considérer, légitimement, comme ses citoyens, d’autant que la nationalité marocaine est inaliénable.
D’ailleurs, que valent quelques centaines de jihadistes embrigadés par Daech en face de trois millions de Marocains de l’étranger au comportement irréprochable ?
La question n’est donc celle de l’origine de ces déviants dévoyés, mais du traitement global de la menace terroriste là où elle peut se manifester.
Dans notre pays même, elle existe, mais nous savons et apprécions à sa juste valeur le travail magnifique de prévention, de veille sourcilleuse et permanente, d’anticipation intelligente mené par les services en charge de la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme.
Ceux-là, d’ailleurs, ne sont pas avares de leurs conseils, renseignements et aides envers leurs homologues, européens, américains et autres.
Mais chez nous, il y a bien peu de chance qu’un trafiquant de drogue puisse se reconvertir en imam !
Le travail d’intelligence, d’infiltration, de surveillance et de contrôle, tel qu’il est pratiqué dans notre pays, devrait inspirer les Etats où peut exister un terreau fertile pour les complots jihadistes.
Et de même qu’aujourd’hui, plus personne ne peut monter à bord d’un avion sans passer par un strict contrôle de sécurité, sans enlever chaussures et ceinturons, il appartient désormais aux pays interpellés de prendre les mesures préventives qui s’imposent.
Car, quelle que soit leur origine, leur nationalité, les terroristes ne sont pas là pour brandir un drapeau national, mais pour semer la mort, la terreur, la désolation.
Fahd YATA