Photo prise le 2 mai 2018 du fronton de l'immeuble de la Réserve fédérale à Washington © AFP/Archives Brendan Smialowski
Sous les coups de boutoir assénés par Donald Trump, qui réclame une baisse des taux d’intérêts et qui l’accuse de freiner l’économie, la Banque centrale américaine (Fed) conclut mercredi sa troisième réunion monétaire de l’année où elle devrait laisser ces taux en l’état.
Dans une volonté inédite de faire plier la Réserve fédérale, une institution réputée indépendante, le président Trump a usé de son média favori – Twitter – pour argumenter, en pleine réunion du Comité monétaire mardi, en faveur d’une réduction substantielle des taux d’intérêts.
« Nous avons le potentiel de décoller comme une fusée si on abaissait les taux, d’un point (de pourcentage) par exemple », a lancé le président.
Il a aussi reproché à la banque centrale d’avoir « constamment » relevé les taux malgré l’inflation basse, faisant référence aux quatre tours de vis d’un quart de point de pourcentage (0,25%) effectués par la Fed en 2018 pour éviter la surchauffe d’une économie stimulée par ses réductions d’impôts.
Nul doute que mercredi à 18H30 GMT, le président de la Fed Jerome Powell va être assailli de questions en conférence de presse sur les efforts de l’hôte de la Maison Blanche pour influer sur la politique monétaire du pays.
La Fed aura diffusé une demi-heure plus tôt son traditionnel communiqué qui devrait, selon les attentes des marchés, déclarer un statu quo sur les taux directeurs.
« Le tweet présidentiel n’aura pas d’influence sur la décision » du Comité monétaire, a assuré Donald Kohn, ancien vice-président de la Fed, interrogé mardi sur la chaîne CNBC.
– « Patience » –
Selon lui, les déclarations de Donald Trump reflètent surtout « son désir de voir une forte croissance alors qu’on s’approche d’une année électorale ».
Les taux au jour le jour, qui fixent le coût de l’argent que les banques se prêtent entre elles, se situent actuellement entre 2,25% et 2,50%, ce qui est encore considéré comme historiquement bas par une large majorité des économistes.
Pourtant, le président Trump et certains économistes estiment que l’inflation très faible (1,5% sur un an en mars) autorise une politique monétaire encore plus laxiste.
Dans l’immédiat, la Fed devrait s’en tenir à son attitude de « patience » prônée depuis qu’en mars, attentifs au ralentissement de la croissance mondiale et à la faible hausse des prix, les membres du Comité monétaire ont soudainement exclu tout relèvement des taux cette année. Des taux plus hauts sont traditionnellement un outil pour juguler toute velléité d’inflation, ennemie numéro un de la progression du niveau de vie.
Comme l’ont résumé les analystes de Barclays Research dans une note: « L’amélioration des données économiques combinée à l’inflation molle va conduire la Fed à réitérer son attitude de patience ».
La croissance américaine au premier trimestre s’est avérée plus forte que prévu, à 3,2% en rythme annuel. Après que la Fed a déclaré une pause sur ses hausses de taux au début de l’année, le marché boursier a retrouvé des niveaux records.
Le taux de chômage, qui est passé de 4,8% au début du mandat de Donald Trump à 3,8% aujourd’hui, devrait lors de la publication vendredi des chiffres de l’emploi pour avril, se maintenir à ce niveau le plus bas depuis presque cinquante ans, selon les analystes.
– Alliés politiques –
Si le curseur de la politique monétaire est « au bon endroit », selon une expression que Jerome Powell devrait répéter mercredi, certains économistes n’excluent pas que la Fed soit contrainte de lâcher à nouveau du lest dans les mois qui viennent, voire en 2020, si l’économie mondiale ralentit.
Mais ces dernières semaines, les craintes de la perspective d’une récession se sont un peu évaporées alors que l’économie va atteindre fin juin le seuil symbolique de la plus longue expansion économique de l’histoire américaine contemporaine.
Le président Donald Trump assure en tout cas, à l’approche de la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, que la Fed bride le potentiel économique et il veut nommer des alliés politiques aux deux derniers postes vacants de gouverneurs au sein du directoire de la Fed.
Si l’un de ses candidats a été écarté, un autre, Stephen Moore, un commentateur économique à la personnalité controversée pour ses commentaires misogynes et ses avis économiques fluctuants, est encore en lice. C’est toutefois au Sénat, à la majorité républicaine étroite, de valider les choix du président en la matière.
LNT avec AFP