A l’occasion de sa visite à Dakhla à la fin du mois de juin dernier, il a été présenté à Horst Köhler, envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara, un document faisant le bilan de l’évolution de la région, sous l’impulsion du Plan de développement des Provinces du Sud, que nous avons eu l’occasion exceptionnelle de consulter. Cette ressource précieuse, qui dresse un état des lieux exhaustif des aspects économiques et sociaux de Dakhla Oued Eddahab, illustre la croissance impressionnante qu’a connue la région ces dernières années, et donne également un aperçu des projets majeurs qui sont encore à venir. Dans cet article, nous reviendrons sur ces différents indicateurs et leur évolution, ainsi que sur les projets majeurs contribuant au développement régional, réalisés ou en cours de réalisation.
Croissance, la meilleure élève de la classe
La région Dakhla Oued Dahab, sous l’impulsion de son plan de développement, affiche une croissance largement au-dessus de la moyenne marocaine. En effet, sur la période 2004-2013, la région a connu une croissance de son PIBR (PIB régional) de 8,9%, contre 6,1% au niveau national. En 2015, une croissance record de 16,5% a même été enregistrée.
En 2016, alors que le Maroc avait connu une croissance d’à peine 1,2%, la ville de Dakhla a affiché un taux impressionnant de 6% !
Le PIB par habitant a dépassé en 2016 les 75 000 dhs, soit le double de la moyenne enregistrée dans les régions de Casablanca-Settat et Rabat-Kénitra. La croissance des dépenses des ménages pour la période 2004-2013 est restée stable à 6%, contre 5,6% au niveau national.
Le PIBR est tiré principalement par les activités du secteur tertiaire, à 68%. Le secteur primaire y participe à hauteur de 24%, et le secteur tertiaire de 7,5%. En 1975, la région ne comptait qu’une centaine de commerçants, et depuis, elle a vu la construction de 6215 unités économiques avec un chiffre d’affaires dépassant 1720 MDH, et plus de 655 MDH de crédits.
L’entreprenariat est particulièrement dynamique. Si en 2005, on comptait environ 100 créations d’entreprises sur l’année, en 2016 et 2017, ce nombre atteint presque le millier !
Des investissements massifs
Les investissements dans la région depuis 2005 ont connu un fort accroissement entre 2008 et 2011, avec un pic de 18,78 MMDH en 2009 (contre 1,2 MMDH en 2005), dû à la mise en route des projets massifs du plan de développement des Provinces du Sud. Après cette période, les investissements sont revenus à des niveaux normaux jusqu’en 2016, et surtout 2017, avec le lancement de nouveaux projets d’envergure dans la région. Au total, de 2005 à 2017, 1341 projets ont été validés par la Commission Régionale d’Investissement, pour un coût global de 49,6 MMDH, avec à la clé la création de 58 802 emplois.
Dakhla, par la route et par la mer
Pour accompagner ce développement économique, la région a dû rapidement se doter d’infrastructures dignes de ces ambitions, ce qui a fait l’objet de plusieurs projets de grande envergure.
En 1979, quand le Maroc a récupéré Dakhla Oued Eddahab, la région ne comptait que 160 km de route. Plusieurs programmes de développement ont porté ce total à 3600 km actuellement, dont 1200 km revêtus. En 2017, quatre nouveaux projets étaient entamés, pour la création d’une voie express Tiznit – Laayoune et l’élargissement et le renforcement de la RN1 entre Laayoune et Dakhla. Cela représente 162 km de route et un investissement de 330 MDH. Les projets ont des taux d’avancement de 25% à 85%. À côté de ceci a été lancé un programme de réduction des disparités sociales en milieu rural 2017-2022, qui prévoit la construction de plusieurs routes visant à désenclaver le milieu rural. Ce programme concerne 349 km de routes pour un investissement de 341 MDH.
La principale infrastructure portuaire de la région est le port îlot de Dakhla, inauguré en 2001 pour un coût total de 470 MDH, et étendu en 2013 pour un coût de 450 MDH. D’ici la fin de l’année 2018, le nouveau port de pêche de Lamhiriz devrait être inauguré, pour un coût de 200 MDH.
Mais l’initiative portuaire principale dans la région est bien évidemment le futur port de commerce Dakhla Atlantique, inspiré par Tanger Med, qui nécessitera un investissement total de 9 MMDH, et dont le taux d’avancement des études est d’environ 50%. Il comportera une digue principale de 2900 mètres linéaires (ML), deux contre-digues de 600 et 700 ML, un quai commercial de 940 ML, un quai pour la pêche de 2800 ML, pour une surface de bassin de 74 Ha.
La pêche, activité primordiale
Comme le lecteur l’aura compris, la pêche est une des activités essentielles de la région, qui possède la grande majorité des ressources halieutiques du Maroc. C’est donc un secteur qui a bénéficié de forts investissements dans le cadre du programme de développement des Provinces du Sud.
En 2016, la flotte de pêche active de Dakhla se composait de 3255 barques, 195 navires de pêche côtière, et 24 navires de pêche hauturière, auxquels s’ajoutent 28 autres dans le cadre de l’Accord de pêche. A cette flotte s’ajoutent 84 unités de valorisation (congélation, mareyage, fermes aquacoles, etc.). Cela représente plus de 20 000 emplois directs, et 20 000 indirects. L’effort de développement va dans le sens de l’optimisation de la production, car si la production en volume a baissé de 3% de 2016 à 2017, elle a augmenté de 9% en valeur.
Halieutis a lancé de nombreux chantiers de développement, axés autour de 3 objectifs : la durabilité des ressources (aménagement des pêcheries, aquaculture…), la performance (infrastructures de commercialisation, contenants normalisés…), et la compétitivité. On citera la Halle nouvelle génération pour un investissement de 45 MDH, ou encore un système d’exploration océanographique pour 12 MDH.
Pour la période 2016-2021, il est prévu un investissement total de 5,5 MMDH dans le secteur de la pêche maritime, dont 72% seront assurés par le secteur privé. 2,8 MMDH seront consacrés à l’aquaculture à elle seule.
Une agriculture orientée vers l’efficience
Dans le cadre du Plan de développement des Provinces du Sud, de nombreuses initiatives ont été entreprises pour développer de manière pérenne et équitable l’agriculture de la région, qui est un des piliers majeurs de ce plan. D’un côté, il a été procédé au renforcement des filières animales, notamment cameline. Dans ce sens, un programme de reconstitution du cheptel camelin est en place depuis 1979, et il a vu le nombre de têtes passer de 1000 à 35 000 actuellement. Ce programme comporte également un volet sanitaire, un autre dédié à l’abreuvement, et enfin un dernier à l’approvisionnement en aliments.
Dans le cadre du PMV, 12 projets profitant à 1095 éleveurs, pour un investissement total de 178 MDH, sont prévus d’ici 2020 pour arriver à une production annuelle de 2500t de viande rouge (contre 258 en 2008), et 10 millions de litres de lait (contre 4 en 2008). D’autres réalisations et projets en cours sont liés à l’hydro-agriculture (primeurs), ou encore à la valorisation des produits du terroir, dont les principaux bénéficiaires sont de jeunes entrepreneurs de la région. Enfin, un immense projet d’irrigation de 50 0000 Ha par dessalement de l’eau de mer devrait être achevé en 2020, pour un coût total d’1,7 MMDH, et qui devrait contribuer à la création de 10 000 emplois permanents.
Le secteur agricole régional aura vu ainsi son chiffre d’affaires passer de 438 MDH en 2008 (pour 1,9 million de jours travaillés), à 917 en 2017 (3,8M de JT), pour atteindre 3 015 MDH en 2020 (8,1M de JT).
Une population urbaine et active
Dakhla Oued Eddahab compte en 2018 plus de 165 000 habitants, contre seulement 6000 en 1975, et 17 000 en 1982. Le taux d’urbanisation de la région en 2018 est de 78,3%, contre 60,3% pour la moyenne nationale. Le niveau d’éducation fait également mieux que la moyenne du pays, car le taux brut de scolarisation dans la région est de 81,8% (de 6 à 22 ans), contre 74,9% pour le Maroc en général. La moyenne de scolarisation obligatoire des enfants de 6 à 12 ans est de 98%.
Le taux d’activité dans la région de Dakhla Oued Eddahab en 2017 s’est élevé à 66,6% (soit 86 468 personnes), loin devant la moyenne nationale de seulement 41,9%. Pour sa part, le taux de chômage dans la région est de 7,4%, tandis que la moyenne nationale a franchi le cap des 10%.
Autre aspect important de l’emploi régional, les jeunes de moins de 35 ans constituent 65% de la main d’œuvre, soit plus de 55493 jeunes actifs, dont seulement 6864 cherchent un emploi, soit 12,4%.
Energies, priorité au renouvelable
La région de Dakhla Oued Eddahab compte parmi les plus venteuses du Royaume, et bénéficie d’un ensoleillement permanent. Par conséquent, de nombreux investissement dans les énergies renouvelables sont programmés.
Avant tout, le projet pharaonique de parc éolien issu d’un accord avec l’allemand AM WIND, filiale d’Altus, est toujours sur les rails. Localisé à N’Tireft, il sera déployé sur 150 km², pour une puissance totale de 672 MW, et un investissement total de 15 MMDH. Il devrait permettre la création de 250 emplois directs.
Deux autres projets de parc éolien devraient également voir le jour. Le premier est porté par le groupe Voltalia, avec une puissance de 150 MW et un investissement de 2 MMDH. Le deuxième, porté par Nareva, afficherait une puissance de 200 MW (extensible à 500), pour un investissement de 4 MMDH.
La région de Dakhla Oued Eddahab regorge ainsi de potentialités qui sont exploitées par le Plan de développement des Provinces du Sud, et sa croissance sous le signe de la pérennité lui permet d’être érigée en exemple de dynamisation régionale. L’objectif d’en faire un deuxième hub portuaire majeur au Maroc pourrait lui permettre de devenir une véritable puissance régionale ouverte sur le reste du continent.
Selim Benabdelkhalek