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M. Mohamed Abdellah Bouhjar, Directeur du Centre Régional d’Investissement de Dakhla-Oued Eddahab, connaît tout aussi bien la région où il exerce ses responsabilités que les nombreux dossiers dont il a la charge. Une double approche qui lui permet de répondre avec clarté et conviction aux questions de La Nouvelle Tribune.
La Nouvelle Tribune :
Quel a été le rôle du CRI de Dakhla dans la mobilisation des ressources et des potentialités pour le développement de la région Dakhla-Oued Eddahab ?
M. Mohamed Abdellah Bouhjar : A l’instar de tous les autres Centres régionaux d’Investissements, le CRI de Dakhla a mobilisé ses efforts pour la création d’entreprises et l’investissement. Mais il a plus particulièrement joué un rôle important dans la promotion de la région ainsi qu’au niveau de la coordination entre les départements régionaux.
Cela a permis à notre CRI de présider à la concrétisation et la réalisation de dizaines et de dizaines de projets privés depuis sa création en 2002, notamment dans les secteurs du Tourisme, de la Pêche et de l’Agriculture. Concernant la pêche, il convient plutôt d’ailleurs de parler d’industrie agroalimentaire.
Peut-on avoir quelques données statistiques et chiffrées sur ce bilan du CRI ?
On doit observer qu’il y a eu une évolution dans le travail d’accompagnement du CRI depuis sa création. Il a fallu tout d’abord dépasser ou réduire certaines contraintes qui étaient assez lourdes au départ comme l’absence de zones équipées, qu’elles soient touristiques, économiques ou industrielles, pour faciliter l’implantation de projets d’investissements.
Il y avait également la faible contribution d’organismes financiers au niveau de l’accompagnement des investisseurs, comme les banques, à l’exception de la Banque Populaire, qui fonctionne sous le régime d’une banque coopérative régionale avec un siège à Laâyoune alors que les autres, même disposant d’agences locales, ne leur avaient pas délégué les pouvoirs d’appréciation et de décisions concernant des investissements dans notre région. Même si les filiales locales des grandes banques nationales se multiplient dans notre région. Pour ce qui est du financement de notre région, nous attendons aussi la création d’un fonds régional d’investissements prévu par le Plan de Développement des Provinces du Sud qui est aujourd’hui en cours d’exécution.
Le troisième handicap résidait dans l’éloignement de la région induisant un coût élevé du transport.
Sur le plan positif, les exonérations fiscales ont joué un rôle attractif, même si elles ne sont pas fondées sur des bases juridiques.
Certes, une exonération d’IS et de TVA avait été édictée par un discours royal de feu SM Hassan II, mais nous ne disposons pas d’un texte juridique précisant cette décision royale…. Par contre, il n’y a toujours pas de taxes locales à Dakhla comme la taxe urbaine, la taxe d’édilité, la taxe d’habitation et tous les impôts indirects en quelque sorte.
A partir de quelle année, la dynamisation des investissements s’est-elle enclenchée ?
C’est dans les années 2006, 2007 que nous avons enregistré cet élan de l’investissement qui perdure jusqu’à aujourd’hui et qui a eu un impact positif sur la création d’emplois.
C’est ainsi que durant la période 2004-2016, 947 projets ont reçu l’avis favorable de la Commission Régionale d’Investissement dont 367 suivent leur démarche administrative : 18% sont en cours de construction et 14% sont soumis à la Commission de Voirie qui attribue les autorisations liées au permis de construire, tandis que 30% sont déjà opérationnels.
Il faut savoir que le positionnement de la région s’est fait grâce à la création de niches touristiques basées sur les sports nautiques, ce qui a fait de Dakhla une destination internationale avec des compétitions de haut niveau pour les sports de glisse comme le kite surf, le wind surf, etc.
À rappeler que la ville a été classée en 2012 par le New York Times parmi les 25 meilleures destinations mondiales de l’année.
En 2017, les chiffres viennent confirmer la continuité de cette dynamique : 116 798 nuitées ont été ainsi enregistrées. De même l’infrastructure d’accueil touristique s’est diversifiée : hôtels, maison d’hôtes, hôtels –clubs, campings.
La pêche également a été un créneau important de développement. Il faut savoir, en effet, que la région de Dakhla recèle 75% du potentiel halieutique national exportable.
Notre région appartient à la Zone C, qui est l’une des plus riches au monde en potentiel pélagique, plus de six millions de tonnes, et à partir duquel nous pourrions exporter annuellement deux millions de tonnes contre seulement 600 000 tonnes aujourd’hui. Il est clair donc que de nouveaux investissements seraient encore nécessaires pour exploiter ce riche potentiel.
Le Nouveau Modèle de Développement des Provinces du Sud, NMDPS, vient répondre à cette exigence en programmant la réalisation de six unités de valorisation des petits pélagiques à Dakhla, qui assureront 4000 emplois par an (la phase d’étude est achevée, les travaux de construction sont en cours).
Ce projet vient consolider les 84 unités industrielles qu’abrite la zone industrielle de Dakhla et qui font de la congélation, du traitement et de la transformation et des conserves de poissons, de sardines notamment.
De même, le NMDPS, prévoit le renforcement de la pêche artisanale à travers la réalisation de 4 villages de pêche, à Dakhla, pour une enveloppe budgétaire de 343.08 millions de DH.
Sans négliger, les efforts mobilisés dans le secteur de l’aquaculture, qui visent la création de 878 fermes aquacoles, étalées sur une superficie de 6556 Ha, ainsi que la création d’un laboratoire spécialisé en aquaculture au sein du centre régional de l’INRH à Dakhla, adossé à une ferme aquacole pour un montant de 40 MDH.
Pour ce qui est de l’agriculture, la région offre des conditions idéales pour la pratique de culture des primeurs :
- Les conditions climatiques idéales (amplitudes thermiques réduites);
- La photopériode idéale pour les cultures maraîchères ;
- La région est indemne des maladies/insectes.
- La région est ainsi pionnière en matière d’agriculture expérimentale en milieu aride :en 2011-2012, la production en tomates, tomates cerises, melons et autres primeurs, a atteint près de 100 000 tonnes ce qui présentait 40% du total des exportations de la filière au niveau national ; avec un rendement de 220 t/Ha, soit le double de la moyenne nationale (110 t/Ha).
Quel est le montant des investissements privés réalisés annuellement sur cette période de dynamisation de la région de Dakhla ?
Ce ne sont pas moins de deux et trois milliards de dirhams chaque année en moyenne, avec des dépassements de ces montants en plusieurs occasions.
De plus, il faut noter la création de plus de 1000 entreprises par année quand on en comptait tout au plus une soixantaine dans les années 2003-2005.
Et bien évidemment, la part du lion revient aux PME-PMI, ce qui est un motif de satisfaction connaissant le rôle de ce type d’entreprises dans la création d’emplois et l’importance qu’elles occupent au niveau du tissu entrepreneurial.
D’ailleurs, dans le dernier rapport de la cour des Comptes, le CRI de Dakhla figure en seconde position en termes de performances de création d’entreprises, tout juste après celui de la région Casablanca-Settat, qui est numéro un.
Certes votre bilan est positif, quelles sont les projections du CRI pour les années à venir ?
La région de Dakhla Oued Eddahab a connu un développement très important et que tout un chacun peut observer, mais il est certain qu’il y a encore du pain sur la planche, sachant que les projets présentés à notre CRI ne sont pas tous exécutés ou menés à bonne fin. Même s’il faut savoir que le CRI de Dakhla occupe la première place au niveau national en termes de nombre de projets déposés.
Comme dans les autres régions du Royaume, en effet, il arrive que les promoteurs de certains projets ne disposent pas des moyens de leurs objectifs, ou de fonds suffisants ou même parfois s’intéressent surtout à la possibilité de pouvoir disposer de lots de terrains dans une perspective spéculative.
Notre travail, au niveau du CRI de Dakhla, a été d’expliquer et de faire comprendre à tous qu’un projet d’investissement doit être sérieux, fondé et surtout que les délais de réalisation devaient être respectés.
Sur le chapitre des projections, nous œuvrons pour une institutionnalisation du statut fiscal da la région.
Nous travaillons également sur l’amélioration des infrastructures d’accueil, en dotant la région de structures modernes et adaptées aux exigences des investisseurs : des zones industrielles bien équipées avec des conditions de gestion claires et bien définies.
Des zones d’activités attractives, favorables au développement des TPE et qui servent d’incubateurs des jeunes porteurs de projets. Un partenariat public-privé et fortement sollicité, nous travaillons dans ce sens.
Parmi les projets prévus par notre plan d’action pour les années à venir, figure la création d’un fonds d’aide financière aux porteurs de projet et aux PMI/PME en convergeant les actions des différents acteurs intervenant dans le secteur.
Enfin, nous envisageons de faire aboutir les efforts fournis en matière de simplification et d’accélération du processus de dématérialisation des procédures administratives notamment au niveau de la commission de voirie.
Comment expliquez-vous le fait que la région de Dakhla Oued Eddahab ait réalisé le plus fort taux de croissance du PIB en 2017 ?
Cette croissance importante du PIB régional repose sur les trois piliers du développement de notre région, la pêche, le tourisme et l’agriculture. Ces trois secteurs en effet, ont fait l’objet d’investissements conséquents au cours des dernières années.
De plus, il y a une dynamique de développement qui s’est enclenchée et qui se matérialise aux niveaux du transport aérien, des liaisons terrestres et routières, etc.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’État est le plus grand investisseur dans les provinces du Sud.
Il a réalisé toutes les infrastructures nécessaires pour porter cette dynamique, notamment en matière d’équipement, d’adduction de l’eau potable, d’électrification, avec le prochain raccordement du réseau électrique de Dakhla au réseau national d’électricité, l’arrivée de la 4G pour les télécommunications, le doublement de la RN1 entre Laâyoune et Dakhla, l’équipement de zones industrielles, etc.
Il faut d’ailleurs, continuer dans cet effort de développement des infrastructures de base, notamment par l’équipement de nouvelles zones industrielles puisque celle de Dakhla est saturée, de zones touristiques.
De plus, il faut continuer à améliorer les dessertes aériennes vers notre province et mettre en place des coûts de transport incitatifs afin de favoriser le tourisme intérieur et international.
Enfin, il faut avoir à l’esprit que toute cette dynamique sera renforcée et étendue grâce à la nouvelle perception des missions des CRI. Désormais, c’est le CRI qui dirigera une commission unifiée regroupant tous les départements étatiques impliqués dans l’acte d’investissement, avec un pouvoir décisionnaire délocalisé.
Cette réforme permettra, à coup sûr, de faciliter et d’activer plus rapidement encore l’investissement privé dans notre région.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli