La chancelière allemande Angela Merkel (g) et le président français Emmanuel Macron, le 28 septembre 2017 à Tallinn © AFP JANEK SKARZYNSKI
L’Estonie réunit vendredi à Tallinn les dirigeants européens pour un sommet « numérique », dossier qui lui tient à coeur mais qui pourrait en partie être occulté par les débats encore brûlants sur l’avenir de l’Europe relancés par le président français Emmanuel Macron.
La discussion devrait notamment porter dans l’après-midi sur une proposition du Français visant à mieux taxer en Europe les géants du numérique, comme Apple ou Google, accusés de pratiquer l’optimisation fiscale.
« Ce thème sera le plus controversé » du sommet, bien qu’il ne soit pas officiellement inscrit à l’agenda, a prévenu une source européenne.
Mais au-delà du numérique, la question du futur de l’UE devrait aussi occuper la journée de vendredi, à un moment où l’Europe cherche sa voie, notamment après le traumatisme du Brexit.
Le sujet était au menu d’un dîner informel jeudi soir entre les dirigeants européens, qui ont discuté du discours d’Emmanuel Macron mardi à La Sorbonne en faveur d’une Europe « à plusieurs vitesses » autour d’un couple franco-allemande consolidé.
« Je vois (…) dans le discours du président une bonne base afin de continuer à travailler de façon intensive entre l’Allemagne et la France », a affirmé jeudi la chancelière allemande Angela Merkel, estimant qu’il existait « un large consensus » entre les deux pays sur les réformes à mener dans l’UE.
« Nous devons naturellement parler encore des détails, mais je suis fermement convaincue que l’Europe ne peut pas en rester là », a-t-elle souligné.
Les dirigeants français et allemand se sont entretenus en tête-à-tête pendant une demi-heure jeudi soir, en anglais, sans entrer dans les détails des propositions françaises, selon l’Elysée, notamment celles sur la zone euro, les plus sensibles pour Berlin.
M. Macron aimerait créer un gouvernement économique de la zone euro, avec un ministre et un budget propres, contrôlés par un parlement.
Mais après sa victoire étriquée aux législatives dimanche, Mme Merkel n’a d’autre choix que de trouver un accord pour gouverner avec les Libéraux du FDP, opposés aux idées de Paris sur la question.
« Je vois de façon positive les initiatives en direction d’une Europe de la Défense et aussi d’une Europe dans laquelle nous gérons ensemble la question de la politique migratoire », a préféré insister la chancelière allemande.
– ‘Fort alignement’ –
A l’issue du repas, les Européens ont réaffirmé leur « volonté forte et partagée de maintenir l’unité » de l’UE, a rapporté une source européenne.
Le président du Conseil européen, qui représente les Etats membres, Donald Tusk, « consultera ses collègues dans les deux prochaines semaines et formulera des propositions sur la manière de faire avancer ces travaux ».
Ce dîner a permis de « franchir une nouvelle étape » vers la refonte de l’UE, s’est félicité l’Elysée vendredi, insistant sur le « fort alignement » entre la France et l’Allemagne.
« C’est à notre génération de construire une Europe qui protège », a pour sa part commenté dans un tweet le président français, 39 ans, à l’issue d’une promenade nocturne dans Tallinn avec son homologue luxembourgeois Xavier Bettel, 44 ans.
La Première ministre britannique Theresa May était elle aussi présente autour de la table jeudi.
Le Royaume-Uni, sur la voie du divorce avec l’Union, n’avait pas été convié aux précédentes rencontres informelles sur l’avenir de l’UE.
Mme May a visité vendredi matin avec Emmanuel Macron une base de l’Otan à Tapa (Estonie), où sont stationnées depuis avril des troupes françaises et britanniques à environ 100 kilomètres de la frontière russe.
Les deux dirigeants ont ainsi voulu rappeler que Brexit ou non, la France et la Grande-Bretagne restaient ensemble dans l’Otan, a souligné l’Elysée.
Ils rejoindront ensuite le sommet numérique, consacré entre autres à la cybersécurité et à la libre-circulation des données, que l’Estonie, petit pays balte à l’avant-garde sur le sujet, considère comme des priorités pour l’UE.
La proposition française visant à mieux taxer les grands groupes du numérique doit permettre de lutter contre l’optimisation fiscale de ces sociétés, qui transfèrent artificiellement les bénéfices réalisés dans toute l’UE dans un seul Etat membre –comme l’Irlande ou le Luxembourg– où elles bénéficient d’un taux d’imposition avantageux.
La France aimerait appliquer une taxe sur le chiffre d’affaires généré dans chaque pays européen et non pas sur les bénéfices.
L’idée a reçu le soutien d’une dizaine de pays, dont l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, mais l’Irlande y est farouchement opposée.
LNT avec Afp