L’investissement dans les infrastructures numériques est inévitable afin d’assurer la prospérité de l’Afrique car la transformation numérique qui résultera de celles-ci permettra un développement rapide sur tout le continent, avec un impact positif sur les communautés les plus vulnérables, a souligné Ryno Rijnsburger, directeur de la technologie à Microsoft 4Afrika.
Si la transformation numérique n’est certainement pas un sujet nouveau, la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) a brusquement accéléré le besoin d’adoption du numérique d’où l’urgence d’investir pour connecter les communautés et améliorer les prestations de services aux citoyens dans toute l’Afrique, écrit M. Rijnsburger dans un article sur la transformation numérique et le rôle des partenariats public-privé (PPP).
Dans cette contribution, M. Rijnsburger constate que les gouvernements africains, et même mondiaux, sont confrontés à des restrictions budgétaires qui ont été exacerbées par la pandémie actuelle, au moment où la numérisation nécessite des investissements importants pour moderniser le secteur public et au-delà.
Les partenariats public-privé (PPP) joueront un rôle essentiel dans l’accélération de la transformation numérique. La relance de l’Afrique doit être tirée par le numérique, a-t-il dit, notant que l’économie numérique est le moyen indiqué pour créer des emplois, stimuler l’innovation, dynamiser la croissance économique et soutenir la compétitivité à long terme dans l’économie numérique mondiale.
La transformation numérique a besoin d’une infrastructure TIC pour réussir
Pour combler le fossé numérique actuel, les gouvernements ne peuvent pas, à eux seuls, atteindre des objectifs ambitieux. Il faudra un ensemble de PPP stratégiques et réfléchis pour réaliser les ambitions de l’Afrique à être compétitive dans l’économie numérique, a-t-il soutenu, faisant remarquer qu’un rapport de McKinsey & Company sur l’Afrique dans le sillage du covid-19 suggère que la crise pourrait être un catalyseur pour aider à combler le fossé de la numérisation, en accélérant la transformation numérique dans des secteurs aussi divers que les services financiers, le commerce de détail, l’éducation et les gouvernements.
Pour débloquer la transformation numérique, M. Rijnsburger estime que le secteur public doit entrer dans l’ère numérique, en accélérant le déploiement des identités, des signatures et des registres numériques, ainsi qu’en mettant en œuvre des politiques favorables au numérique.
« Mais pour avoir un impact positif sur les inégalités, les citoyens doivent avoir accès à l’internet. Il reste encore du travail à faire pour créer l’égalité des chances pour tous, notamment en améliorant la connectivité de la prochaine génération, en particulier pour les communautés rurales », a-t-il ajouté.
Pour appuyer ses propos, le Directeur de la technologie, Microsoft 4Afrika a également cité le dernier rapport d’Ericsson sur la mobilité qui indique que le trafic de données mobiles en Afrique subsaharienne devrait, selon les estimations, être 12 fois plus important que les chiffres actuels d’ici 2025.
Selon ce rapport, les abonnements au haut débit mobile devraient atteindre 72% des abonnements mobiles, tandis que les abonnements LTE devraient tripler, passant de 90 millions en 2019 à 270 millions en 2025. Le commerce électronique connaît également une croissance rapide, les détaillants en ligne au Nigeria, par exemple, ont vu leurs revenus doubler chaque année depuis 2010. Malgré ces progrès, la plupart des secteurs des sociétés et des économies africaines sont toujours à la traîne par rapport au reste du monde en matière de numérisation.
Après avoir rappelé qu’en 2016, les Nations Unies ont déclaré que l’accès à Internet était un droit humain fondamental, M. Rijnsburger a fait observer qu’en 2020, 48% de la population mondiale n’y a pas accès de façon régulière. L’investissement dans les TIC pour le haut débit mobile est un domaine crucial pour le développement, a-t-il relevé, déplorant que la connectivité à l’internet est très faible en Afrique, et qu’il est nécessaire d’utiliser des moyens innovants pour connecter les personnes non connectées et mal desservies.
Pour lui, l’un des moyens de développer les services numériques consiste à utiliser la technologie TV White Space (TVWS, ou « zones blanches). La nature durable de ce type d’utilisation du spectre rend sa mise en œuvre très rentable, ce qui est extrêmement bénéfique pour les zones rurales, mal desservies et en développement, a-t-il expliqué.
Et d’ajouter grâce à la TVWS, les gens peuvent désormais accéder à l’internet pour moins de 5 % du revenu moyen des ménages, et des projets tels que Mawingu au Kenya et Bluetown au Ghana font une différence palpable dans la vie et les moyens de subsistance des gens.
L’élaboration des politiques doit être discutée
M. Rijnsburger a en outre souligné que de nombreux gouvernements se sont battus pour la transformation numérique, notant que dans certains cas, la bureaucratie et des politiques dépassées rendent plus difficile la mise en œuvre des objectifs de numérisation.
Dans une étude récente de Microsoft-EY, les entreprises citent le manque de directives réglementaires parmi les trois principaux défis à relever pour mettre en œuvre l’AI (intelligence artificielle). Les gouvernements africains ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de politiques numériques solides et d’environnements réglementaires harmonisés stables qui permettent aux personnes et aux entreprises de participer pleinement à l’économie numérique mondiale, a-t-il estimé.
M. Rijnsburger a également noté à cet égard que le rapport de McKinsey & Company suggère que les gouvernements peuvent aider en favorisant un environnement propice à une numérisation rapide en s’assurant que tous les éléments clés sont en place pour soutenir l’adoption du numérique.
Par exemple, les gouvernements et les entreprises technologiques peuvent veiller à ce que les données soient abordables, tandis que les régulateurs peuvent prendre des mesures telles que l’acceptation des signatures électroniques par les banques, a-t-il assuré.
Les contraintes de financement et la réaffectation devenant une réalité encore plus dure, les gouvernements sont sous pression pour normaliser la perception des impôts, a-t-il estimé, notant que les inefficacités passées de ce processus ont peut-être été négligées.
Les pays dotés de vastes économies parallèles informelles et monétaires souhaitent étendre leur soutien à tous leurs citoyens ; toutefois, le soutien disponible peut être sérieusement entravé par des problèmes de recouvrement des impôts des entreprises et des particuliers existants, a-t-il dit, ajoutant que certains pays profitent de l’occasion pour offrir un soutien aux PME informelles en échange d’un engagement à s’enregistrer et à faire partie de l’économie réglementée.
« Cela se fait souvent en offrant des taux réduits en échange de la participation à la politique et aux lois de recouvrement des impôts du gouvernement. Les technologies habilitantes peuvent aider les gouvernements à échelonner et à gérer la collecte des impôts, à prévoir les fraudes et à soutenir les gouvernements dans leurs objectifs », a-t-il recommandé.
De même, les PPP peuvent servir à accélérer les conversations sur les politiques clés des pays, a-t-il soutenu.
Rappelant qu’en Afrique du Sud, Microsoft a demandé à Research ICT Africa (RIA), une institution de recherche de premier plan, d’écrire le livre blanc « Paving the way towards digitalisation in Agriculture » (Ouvrir la voie à la numérisation dans l’agriculture) en partenariat avec l’Université de Pretoria, signalant que le livre blanc a été commandé dans le but d’identifier les opportunités au sein de l’industrie agricole et de déterminer les questions réglementaires et politiques clés que le pays doit aborder afin de maximiser les avantages de la technologie.
Le rapport final pourrait servir de document de référence qui pourrait être exploité pour identifier les priorités politiques appropriées afin de transformer véritablement l’agriculture dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique, a-t-il dit.
La numérisation peut améliorer l’accès des citoyens aux services
Avec l’explosion d’une jeune population locale « digitalisée » dans les pays d’Afrique, l’appel à des services numériques plus immédiats et personnalisés se fait de plus en plus pressant. Historiquement, la fourniture de services publics en Afrique a été caractérisée par des retards, des inexactitudes, des temps de réponse lents et une qualité médiocre, laissant les citoyens frustrés, mais la technologie peut avoir un impact direct sur les opérations des services publics et améliorer la vie des citoyens. Des technologies telles que l’IA, l’IdO (Internet des Objets), l’informatique quantique, les chaînes de blocs, les technologies de l’informatique dématérialisée et d’autres outils peuvent améliorer les temps de réponse et permettre l’accès numérique aux services, tout en générant d’importantes sources de revenus pour le gouvernement dans des domaines tels que les licences et la fiscalité.
Dans ce domaine, a souligné M. Rijnsburger, les systèmes numériques peuvent aider à étendre et à gérer le recouvrement des impôts en ligne, à prévoir les fraudes et à déployer des analyses pour améliorer les prestations de services. Parallèlement à la promotion de l’innovation technologique, les partenariats public-privé peuvent contribuer à débloquer des initiatives vitales de perfectionnement, de recyclage et de culture numérique pour les fonctionnaires, qui contribuent à stimuler ce que nous appelons l’intensité technologique, c’est-à-dire la capacité non seulement d’adopter les nouvelles technologies, mais aussi de développer les capacités à les utiliser efficacement.
Il a souligné à ce propos que le Maroc est l’un de ces pays qui a exploité la puissance des PPP pour conduire la transformation numérique. La stratégie numérique « Maroc 2020 » fait du développement des services d’administration en ligne une priorité absolue. Microsoft 4Afrika a soutenu le développement de cette solution d’administration en ligne au Maroc grâce à un partenariat avec Algo Consulting pour développer la plateforme Wraqi, qui utilise l’IdO, la biométrie et la chaîne de blocs pour numériser les services administratifs, la certification des documents et la notarisation. Des plates-formes comme celle-ci permettent de fournir des services sûrs et fiables avec une traçabilité totale des services – une caractéristique importante des services d’administration en ligne, a fait observer M. Rijnsburger.
Il a aussi cité l’exemple de l’Égypte où des partenariats public-privé contribueront à faire entrer l’agriculture dans l’ère numérique en fournissant des données en temps réel sur les bonnes pratiques agricoles, notamment des prévisions intelligentes de la demande en eau à l’aide de l’intelligence artificielle, du cloud et des données mobiles, et des exploitations agricoles connectées qui bénéficient des données collectées à l’aide des dispositifs IdO de l’agriculture.
« On espère qu’en permettant la protection des données entre les entités agricoles, la chaîne d’approvisionnement agricole et les plateformes de données pourront partager les données en toute sécurité pour le plus grand bénéfice de tous les acteurs de ce secteur », a indiqué M. Rijnsburger, ajoutant que les partenariats public-privé peuvent constituer la pierre angulaire d’une transition réussie vers la numérisation, et constituent une stratégie efficace pour rassembler les ressources et le savoir-faire nécessaires à la réalisation des objectifs de transformation numérique.
LNT avec MAP