M. Mutsuya Mori, Vice-Président de la JICA, M. Patrick DLAMINI Directeur Général de la DBSA, Dr Gunther Braunig, CEO de KFW, M. Rémy Rioux, Président de l’IDFC et Directeur Général de l’AFD, M. Hamid Tawfiki, Directeur Général de CDG Capital.
Trois questions à M. Hamid Tawfiki, Directeur général de CDG Capital
CDG Capital a organisé le 27 Juin, en marge de la réunion annuelle de l’International Development Finance Club (IDFC) une conférence sur le financement des objectifs de développement durable.
Cette conférence, qui a vu intervenir plusieurs membres du club IDFC, a été l’occasion d’approfondir la question des ODDs et souligner les opportunités à saisir et les défis à relever en la matière. Dans l’entretien qui suit, M. Hamid Tawfiki explique pour nos lecteurs les enjeux et défis soulignés par cette conférence organisée par CDG Capital, du Groupe CDG.
La Nouvelle Tribune :
Pour vous Monsieur Tawfiki, quels sont les changements et évolutions nécessaires aujourd’hui pour l’atteinte des objectifs de développement durable ?
M. Hamid Tawfiki :
La réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 nécessite de faire évoluer les politiques publiques ainsi que les processus décisionnels des organisations du secteur privé et des acteurs financiers, souvent motivés par des considérations à court terme.
Nous devons concilier perspectives quantitatives et objectifs qualitatifs, impacts à long terme et bénéfices à court terme.
La mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, nationaux et internationaux, de tous les pays, est essentielle pour passer du verdissement incrémental de notre «statu quo» à la création de portefeuilles de financement et d’investissement cohérents dans leur ensemble avec les ODD de manière systémique et durable.
Une telle inflexion des structures économiques et financières nécessite certainement de nombreux changements de politique, de nouvelles normes et standards, de nouvelles technologies, de nouveaux cadres de régulation, ainsi que des dispositifs de gouvernance innovants.
La construction de ce cadre international adéquat et partagé demandera du temps et des efforts de la part de la communauté internationale. Il devra également faire face à différentes visions politiques.
Ainsi, une architecture financière internationale plus collaborative et coordonnée est essentielle pour permettre des investissements dans le développement durable dans le monde entier.
Il s’agit de tirer le meilleur parti des capacités et de la valeur ajoutée des systèmes financiers locaux et des banques de développement nationales et régionales, là où les projets sont le mieux à l’origine, conçus et financés.
Quel rôle le club IDFC jouera-il en la matière ?
IDFC partage l’ambition collective selon laquelle des changements dans les modèles de développement sont nécessaires pour progresser vers la durabilité. En tant qu’acteurs publics ayant des mandats à long terme, les institutions financières de développement telles que les membres d’IDFC ont la responsabilité de contribuer à l’effort collectif et aux actions nécessaires pour lutter contre le changement climatique et atteindre les ODD.
Aujourd’hui, IDFC est le plus grand fournisseur mondial de financements publics pour le développement et le climat, avec des actifs cumulés de 4 000 milliards USD et des engagements annuels supérieurs à 850 milliards USD, dont 200 milliards USD en financement climat.
Les membres de l’IDFC jouent un rôle clé pour combler le déficit de financement de projets et programmes de développement durable en catalysant les investissements dans de nouveaux secteurs économiques, sociaux et environnementaux, et en développant avec les gouvernements, le secteur privé et la société civile un environnement propice à l’éclosion de ces projets.
Plus précisément, les membres de IDFC ont démontré leur capacité à
(i) Mettre en œuvre des produits innovants (JICA s’est associée avec la Fondation Bill et Melinda Gates pour éradiquer la polio au Nigéria),
(ii) Intervenir dans des environnements fragiles, (ICD a mené un programme au Yémen pour renforcer les capacités des PMEs),
(iii) Accompagner les États dans leur planification stratégique, (BNDES apporte une assistance technique à l’Etat brésilien),
(iv) Porter un programme d’adaptation au niveau régional, (la BOAD s’engage auprès du secteur agricole au niveau de l’Afrique de l’Ouest pour trouver des solutions améliorant la résilience des populations)
(v) Concevoir des projets durables, (le groupe CDG a tenu compte des co-bénéfices sociaux et environnementaux dans la conception et la gestion de plusieurs projets : Ville-Zénata, complexe touristique de Taghazout).
Il s’agit aujourd’hui de poursuivre les efforts en vue d’inciter les banques nationales de développement à intégrer de manière explicite la mention des ODDs dans leurs stratégies, renforcer les compétences de leurs collaborateurs sur les sujets de développement durable, inciter les partenaires/clients à accroitre leurs ambitions en matière de développement durable et créer des cadres de référence permettant de caractériser les financements ODDs et d’en assurer le suivi et l’impact.
Comment se déclinent les actions de CDG Capital en matière de développement durable ?
Le développement durable est un sujet qui trouve naturellement sa place dans la stratégie du groupe CDG.
En effet, le développement durable est un développement économique qui s’inscrit dans une perspective de long terme et qui intègre les contraintes liées à l’environnement et au fonctionnement de la société.
CDG Capital, quant à elle, joue un rôle de catalyseur, d’initiateur de nouvelles structurations de financement durable permettant la cohabitation de bailleurs de fonds différents ayant des appétits de risques différents.
Ainsi, nous profitons notamment des possibilités offertes par le Fonds Vert pour le Climat, le Green Climate Fund (GCF).
Pour rappel, CDG Capital a obtenu en juillet 2017 l’accréditation du GCF en tant qu’intermédiaire financier pour la mise en œuvre des financements verts.
Nous sommes désormais habilités par le GCF à lui présenter, en vue d’un co-financement ou co-investissement, des projets nationaux de finance climat dont le coût global pourra atteindre jusqu’à 250 millions USD par projet.
En 2018, plusieurs actions ont été menées dont la signature de la convention AMA entre CDG Capital et le GCF en marge de COP 24 à Katowice.
Cette convention cadre régit la relation entre CDG Capital et le GCF pour permettre à la banque de jouer un rôle d’intermédiaire financier. Elle précise notamment les engagements pris par la banque en terme de diligences à effectuer en vue de financer des projets climat, et décrit les modalités de reporting.
Dans le cadre de son engagement dans la finance verte, CDG Capital a financé en 2018 un projet d’adaptation sous forme de prêt.
Le projet, qui consiste en une station de dessalement située à 40 km au sud d’Agadir et d’une capacité installée de 400 000 m3, a été structuré dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Son objectif est de fournir à la fois de l’eau potable et de l’eau d’irrigation dans la région d’Agadir, confrontée à un déclin brutal de ses ressources en eau conventionnelles.
CDG Capital s’est associé au ministère de l’agriculture, à l’ONEE et au secteur privé pour mener à bien ce projet.
Par ailleurs, CDG Capital participe activement à la réflexion sur le sujet du développement durable en s’engageant auprès des clubs et des coalitions, composés d’acteurs financiers de premier plan engagés en faveur du climat et du développement durable.
D’une part, la CDG est membre fondateur d’IDFC qui a été créé en 2011 et CDG Capital en est un des sherpas ; d’autre part, CDG Capital a rejoint l’initiative UNEP FI en 2019 composée de 240 institutions financières du monde entier dont la mission est de faire la promotion de la finance durable.
Ainsi CDG Capital reconnaît le rôle que le secteur financier doit jouer pour assurer le développement durable de l’économie et s’engage à intégrer les considérations environnementales et sociales dans tous les aspects de ses activités.
En s’engageant dans ces initiatives et ces cercles de réflexions, CDG Capital participe au développement et au testing d’outils innovants permettant à terme de réorienter les flux financiers vers des investissements compatibles avec les voies du développement durable.
Enfin, CDG Capital a intégré clairement la RSE dans sa gouvernance en tenant compte des préoccupations sociétales et environnementales de ses parties prenantes.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli