
La réforme de la cotation des changes, même si elle a été reportée, sera de mieux en mieux comprise dans son concept et sa nécessité pour notre pays au fil des problèmes qui toucheront au solde extérieur de notre balance des paiements.
Ce solde, qui arithmétiquement dépend du poids des exportations et importations, est également très sensible à la cotation du dirham fixé par le panier de référence, lui-même composé à 60% en euros et 40% en dollars US.
En conséquence, notre monnaie est prise dans un étau entre les devises plus importantes et qui régissent le monde.
Or, il faut savoir que le Maroc importe plus en euros et exporte essentiellement en dollars et que déjà, aux cours de Bank Al-Maghrib, il importe plus qu’il n’exporte.
Cette première cause du déséquilibre de notre balance des paiements est assortie d’une seconde, celle du coût de chacune de ces devises, rapporté aux flux d’importations et exportations du moment.
La suprématie de l’une sur l’autre impacte le dirham et peut aggraver de fait notre solde extérieur.
C’est le cas pour cet été et ce mois d’août en particulier où l’euro s’est raffermi face au dollar, renchérissant ainsi nos importations en euros au détriment du dollar, dévalorisant nos exportations tout particulièrement celles des phosphates qui en constituent une proportion importante.
La réforme de la cotation du dirham se justifiant, selon M. Jouahri, Gouverneur de BAM, notamment par la possibilité de préserver le dirham contre les crises internationales, l’on est en droit de se demander si la tendance d’un euro fort n’en serait pas une justement.
Et pour cause ! Alors que l’économie américaine ne cesse de réaliser des exploits en matière de création d’emplois, avec un taux de chômage à 4,3%, soit son plus bas depuis 16 ans (et qu’en juillet les nouvelles embauches se sont élevées à 209 000 contre 181 000 le mois auparavant, signe d’une santé économique en continuelle amélioration même si le taux de croissance reste en deçà des attentes puisqu’inférieur à 3%), le dollar ne résiste pas à la remontée de l’euro.
Pourtant la santé économique en Europe, si elle s’améliore notamment en France qui connaît quand même un taux de chômage élevé, cumule les mauvaises nouvelles. Ainsi, la production industrielle allemande a baissé en juin de 1,1% par rapport au mois de mai.
On peut donc légitimement se demander si la santé économique européenne justifie un euro fort surtout si l’on s’intéresse à la situation de l’Italie, de la Grèce et de certains pays de l’Est…
Mais surtout, on est obligé de constater que la force d’une monnaie n’est plus malheureusement totalement corrélée à celle d’une économie !
Bien sûr, l’on sait que le risque politique domine ce postulat et que les USA de Trump inquiètent les investisseurs, mais le dirham et les fondamentaux du Maroc en sont victimes ! C’est exactement ce que la réforme de la cotation du dirham voulait éviter.
En effet, si elle avait été mise en oeuvre, et que Bank Al-Maghrib avait déclenché l’opérabilité de la fourchette de flottement du dirham, celle-ci évoluant à plus ou moins 2,5%, cela aurait constitué des barrières de protection du dirham !
Il est fort dommage et bien regrettable ainsi, en raison de l’ouverture de notre économie, que les spécialistes, les professionnels et les experts de la politique des changes se soient effacés devant les politiques en différant une réforme qui aurait initié la stabilisation de notre monnaie.
Face à tous genres de chocs exogènes qui peuvent se transformer en crise pour le dirham, toute variation des grandes devises peut attaquer notre solde extérieur et fragiliser nos fondamentaux macroéconomiques.
Qu’on se le dise !
Afifa DASSOULI