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Mohammed Loulichki est Senior Fellow au Policy Center for the New South. Il est doté d’une expérience de plus de 40 années dans la diplomatie et les affaires juridiques. Il a occupé le poste de Directeur des Affaires Juridiques et des Traités au Ministère des Affaires Etrangères du Maroc. A son actif, une panoplie de missions diplomatiques. Dans le cadre du PCNS, il revient sur une situation humanitaire toujours aussi dramatique, particulièrement en ces moments de crise sanitaire mondiale, des réfugiés.
Dans ce contexte crisogène, les impératifs de solidarité nationale, de cohésion sociale et de relance économique relèguent au second plan le devoir de coopération internationale et d’assistance humanitaire. De ce fait, peu d’attention est accordé au sort des réfugiés, des personnes déplacées, des migrants, des apatrides et des demandeurs d’asile, dont la situation, déjà précaire, s’est aggravée depuis la propagation de la pandémie dans les pays d’installation.
Selon le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations unies (UNHCR), leur nombre sur le plan mondial est estimé à 70 millions de personnes déracinées, dont 41 millions de réfugiés, 25,9 millions de déplacés et 3,5 millions de demandeurs d’asile.
Avec la survenance de la nouvelle pandémie, cette population, déjà éprouvée par la violence, la famine et les multiples épidémies, voit sa condition exacerbée par une menace supplémentaire qu’elle doit subir dans des conditions d’hygiène et de surpeuplement qui compromettent sa survie.
Si on ajoute à ce tableau le fait que ces réfugiés et personnes déplacées sont accueillis, à hauteur de 85%, dans des pays du Sud pour une durée minimale de cinq ans, on peut mesurer à la fois les défis sécuritaires et la charge financière qui pèsent sur ces pays ainsi que l’état de détresse des réfugiés. Si le phénomène des réfugiés n’est pas récent, son intensité, son volume et ses ramifications économiques, sécuritaires et humaines ont pris des proportions telles que les pays africains ne peuvent plus les supporter sans appui des pays et des organismes étrangers.
En Afrique, la conflictualité en Afrique, attisée par le phénomène terroriste et le changement climatique, continue à entraver la stabilité du continent et à compromettre ses efforts d’intégration et de développement. La lutte pour le pouvoir et le monopole des ressources naturelles alimentent les conflits dans différentes régions du continent, avec leur lot de victimes, de réfugiés et de déplacés internes. Les cas de la République centrafricaine, du Mali, du Soudan et de la Somalie sont des exemples de conflits dont la longévité et la récurrence prolongent indûment la condition de cette catégorie de population.
Huit pays africains Sub-sahariens hébergent, à eux seuls, plus de 5 millions de réfugiés dont l’Ouganda (1,2 million), le Soudan (1,1 million), l’Ethiopie (903 200), la République démocratique du Congo (RDC), le Tchad et le Kenya (environ un demi-million, chacun) et le Rwanda (54200). La grande majorité de cette population vit depuis des dizaines d’années dans des camps situés, pour la plupart, loin des centres urbains. Ces lieux, exigus, surpeuplés où sévit la malnutrition et où l’accès aux services de santé, à l’eau potable et à un système d’assainissement est difficile ou insuffisant, sont des lieux propices à la transmission rapide de maladies et d’épidémies, telles que le paludisme, la tuberculose, la Malaria ou le VIH/SIDA.
Dans ces conditions, il paraît évident que les mesures de distanciation, de confinement et d’hygiène de vie, recommandées par l’OMS s’avèrent quasiment inopérantes à l’intérieur de ces structures d’accueil.
C’est pour ces raisons, que depuis l’annonce des premiers cas en Afrique, les hauts responsables de l’ONU et de l’OMS ont alerté sur la situation critique dans laquelle se trouve l’Afrique face à cette nouvelle épreuve humanitaire et appelé la Communauté internationale à aider le continent pour limiter l’impact du virus sur la population africaine, notamment les réfugiés et les personnes déplacées.
L’arrivée de ce nouveau virus en Afrique risque, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), “de doubler le nombre de personnes au bord de la famine pour atteindre 250 millions d’ici la fin de 2020” et cette menace pèse en premier lieu sur les réfugiés.
A la suite de l’annonce des premiers cas d’infection sur le continent, le discours des responsables des organismes internationaux et des analystes a oscillé entre la projection d’une catastrophe et l’affirmation d’une “exception africaine”1, synonyme d’un impact limité du virus sur le continent. L’opinion dominante a prédit une progression fulgurante, voire même une “catastrophe”2 ou un “Tsunami”, en raison des insuffisances du système sanitaire, de la modicité des budgets alloués par les gouvernements africains au secteur de la santé et de l’absence de couverture médicale. Depuis le 14 février 2020, date de la découverte du premier cas du Coronavirus en Egypte, l’Afrique a cumulé, jusqu’au13 mai, un total de 69947 cas, avec 2410 décès confirmés.
Comparée à l’Europe (160.000 victimes) et aux Etats-Unis (84184 morts), l’Afrique donne l’impression de résister plus au nouveau virus. Même en décuplant ces chiffres, le taux de contamination reste très faible, représentant à peine 0.02 % de la population africaine, évaluée aujourd’hui à 1.340 milliard.
Le chemin paraît long avant que la dynamique du Coronavirus puisse être renversée et la pandémie vaincue. Entretemps, l’humanité aura fait la douloureuse expérience de la peur, de l’angoisse et de l’incertitude sur l’avenir, ces mêmes sentiments que les millions de réfugiés vivent tous les jours, toute l’année et, pour certains, depuis trois ou quatre décennies d’où une responsabilité partagée entre le Nord et le Sud, dans un nouveau système multilatéral réformé, plus représentatif et équitable.
H.Z (avec PCNS)