Les régimes militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont annoncé dimanche le retrait « sans délai » de leur pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), un nouvel acte de rupture aux conséquences pratiques potentiellement lourdes.
Les dirigeants respectifs des trois Etats sahéliens, « prenant toutes leurs responsabilités devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest », dit le communiqué lu sur les médias d’Etat de ces pays.
La Cedao a affirmé dans un communiqué que les trois pays sont « des membres importants de la Communauté » qui « reste engagée à trouver une solution négociée à l’impasse politique » créée par l’annonce de leur retrait. Elle dit attendre encore « la notification formelle et directe » de cette décision.
Une décision qui pourrait produire des effets considérables, par exemple pour la circulation des biens et des personnes, pour les trois pays concernés, dépourvus d’accès à la mer, et pour la région. Elle suppose des implications sur les exemptions de visa et les exonérations de taxe, avec des retombées sur les prix.
La mise en oeuvre du retrait lui-même suscite des questions. Le traité de la Cedeao stipule que tout Etat désireux de se retirer doit le notifier par écrit dans un délai d’un an et est tenu de se conformer à ses obligations pendant cette période. Il laisse cependant la porte ouverte à un retrait de la demande de retrait pendant ces 12 mois.
Quelques centaines de personnes se sont rassemblées à Niamey pour apporter leur soutien au retrait, brandissant des pancartes anti-Cedeao, ainsi que des drapeaux des trois pays et de la Russie nouvel alliée des régimes militaires du Sahel après le départ forcé de la France, ex-puissance coloniale.
« Nous sommes ici pour manifester notre joie après l’annonce de la sortie des trois pays de la Cédéao, nous salons le courage de nos trois dirigeants qui montrent de quoi ils sont capables face à la Cédéao », a dit Hassane Gado, jeune manifestant.
Les trois pays, confrontés à des problématiques similaires d’insécurité, de jihadisme et de pauvreté, ont des relations tendues avec la Cedeao depuis que des militaires y ont pris le pouvoir par la force, en 2020 au Mali, en 2022 au Burkina Faso et en 2023 au Niger.
La Cedeao a pris de lourdes sanctions contre le Mali et le Niger et est allée jusqu’à menacer de recourir à la force dans ce dernier pays. Elle a suspendu les trois pays de ses instances.
Les régimes militaires ne cessent de dénoncer l’instrumentalisation faite selon eux de la Cedeao par la France et leur retrait est le dernier acte de rupture en date.
Ils ont poussé les ambassadeurs et les forces françaises vers la sortie et se sont tournés politiquement et militairement vers Moscou. Ils ont par ailleurs formé une alliance placée sous le signe de la souveraineté et du panafricanisme.
En annoçant leur retrait, ils ont accusé l’organisation de ne pas les avoir aidés face aux jihadistes qui sévissent depuis 2012, au Mali d’abord, puis aussi chez ses deux voisins, faisant des milliers de morts, combattants et civils, et provoquant le déplacement de millions de personnes.
Les mesures de rétorsion prises par la Cedeao ont produit peu d’effets à ce jour sur le retour des civils à la tête de leur pays.
Au Mali, les militaires en place depuis bientôt quatre ans sous la conduite du colonel Assimi Goïta s’étaient engagés à organiser des élections en février 2024. Mais ils ont repoussé l’échéance à une date inconnue.
Au Burkina, le capitaine Ibrahim Traoré avait affirmé après sa prise de pouvoir le 30 septembre 2022 qu’il tiendrait les engagements pris auprès de la Cedeao par son prédécesseur, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, de tenir des élections à l’été 2024.
Depuis, le régime a indiqué que la lutte contre les groupes jihadistes était la priorité.
Aucune sanction n’a été prise contre le Burkina, autre que la suspension des instances de la Cedeao.
Au Niger, le blocus commercial a fait grimper le prix des denrées alimentaires et créé une pénurie de produits essentiels, notamment de médicaments.
Quelques jours après le coup d’Etat, le général Abdourahamane Tiani a déclaré que la période de transition avant le retour des civils n’excéderait pas trois ans. La durée exacte de la transition doit être fixée lors d’un « dialogue national » qui n’a pas encore débuté.