Les félicitations sont de rigueur pour les heureux bacheliers de la promotion 2023. Au total, 245.109 candidats scolarisés de l’enseignement public et privé ont passé avec succès la session normale de l’examen national normalisé du baccalauréat, avec un taux de réussite de 59,74%, soit au même niveau des taux enregistrés avant la session de 2019, indiquait lundi le ministère de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports.
Le taux de réussite a atteint 63,83% chez les filles et 54,89% pour les garçons tandis que le taux des filières internationales du baccalauréat marocain a atteint 64,94%, contre 45,48% pour les filières du baccalauréat professionnel.
Ces chiffres sont éloquents à plus d’un titre et dessinent un tableau de la situation de la jeunesse marocaine qui mérite réflexion si ce n’est de l’action. D’abord, pour ceux qui ont réussi le Bac, comme seulement une extrême minorité sera gratifiée d’une « petite Classe A » ou d’études à l’étranger, le sésame en main ne garantit pas de débouchés à tous. L’accès à l’enseignement supérieur privé est trop cher pour l’écrasante majorité et le monde universitaire public croule sous les contraintes de moyens et de surpopulation d’étudiants. En découle un taux de chômage chez les jeunes diplômés qui atteint en moyenne près de 20% de cette population et qui témoigne que les études universitaires au Maroc ne garantissent pas encore l’employabilité.
Ensuite, bien que les sessions de rattrapage permettent de repêcher un certain nombre de candidats, in fine, ce sont près de 40% des candidats au Bac qui se retrouveront sur le carreau dans quelques jours. Ils auront déçu leurs proches certainement, mais surtout on se demande ce qu’ils vont bien pouvoir devenir. Du lot sortiront peut-être quelques artistes et sportifs de talent, et Dieu sait que les jeunes Marocains sont débrouillards, ils seront pour certains auto-entrepreneurs dans des petites activités de commerce ou de service. Mais, le taux de chômage est le plus élevé chez les jeunes de 15-24 ans et s’établissait en 2022 à 32,7%.
De deux choses l’une, soit le baccalauréat est réellement utile comme première clé du parcours d’un jeune adulte dans la société marocaine, et dans ce cas on ne peut pas continuer à trouver normal qu’un examen exclu par sa difficulté près de la moitié des candidats. Soit il n’est pas adapté et des solutions doivent être mises en œuvre pour ne pas priver le pays chaque année d’un quota aussi important de ressources. Les paradoxes ne manquent pas au Maroc mais dans ce cas précis, afficher un volontarisme à toute épreuve pour hisser le pays au rang des acteurs mondiaux et régionaux dans des domaines comme l’énergie verte, le tourisme ou encore la Tech et accepter docilement, voire se satisfaire de taux de réussite au Bac « au même niveau qu’avant 2019 », est risible.
La formation professionnelle ne suffira pas, l’Anapec non plus, et les changements introduits dans l’éducation primaire, bien que salutaires, ne produiront des effets que dans des années. De même, le programme Awrach qui s’attaque à la création d’emplois à court terme est aussi une réponse nécessaire aux conséquences de la pandémie sur l’emploi des Marocains les plus précaires. Mais, un jeune qui vient de rater son baccalauréat ne devrait pas avoir un avenir aussi diamétralement opposé que celui qui l’a à peine réussi. En réalité, au vu des conséquences de son échec, c’est aussi celui de tous les Marocains.
Zouhair Yata