Le président argentin Mauricio Macri à Buenos Aires, le 21 juin 2018 © AFP/Archives EITAN ABRAMOVICH
L’Argentine a reçu vendredi 15 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI), première tranche d’un prêt de 50 milliards de dollars, destiné à stabiliser à long terme la 3e économie d’Amérique latine, qui souffre d’une fragilité chronique.
– Pourquoi recourir au FMI ? –
Après une crise du peso argentin, qui s’est considérablement déprécié depuis le début de l’année, le président argentin a sollicité un prêt au FMI « pour éviter une crise », a souvent dit le ministre de l’Economie. L’Argentine avait besoin de se financer, mais les portes se sont fermées pour lever des fonds sur les marchés internationaux.
L’objectif est de renforcer les réserves en devises du pays, de stabiliser un marché des changes volatil, alors que le peso s’est déprécié de 35% depuis le 1er janvier.
En échange du prêt, le pays sud-américain s’est engagé a tailler dans les dépenses publiques pour rétablir l’équilibre budgétaire à l’horizon 2020.
Le recours au FMI intervient 12 ans après le remboursement anticipé de 10 milliards de dollars, en 2006, quand l’ex-président Nestor Kirchner avait décidé de rompre avec le Fonds. A cette époque, le prix du soja et les matières premières agricoles qu’exporte l’Argentine flambaient sur les marchés internationaux.
« Quand il est arrivé au pouvoir fin 2015, le président de centre-droit Mauricio Macri a engagé des réformes pour diminuer le déficit public, selon un plan progressif. C’est un échec. Le pays s’est endetté de 70 milliards et la possibilité de lever des fonds sur les marchés a disparu », souligne l’économiste Ramiro Castiñeira.
– Les marchés applaudissent –
L’officialisation du prêt de 50 milliards a été salué par la Bourse de Buenos Aires (+6% jeudi) et a projeté à la hausse les valeurs argentines à la Bourse de New York.
Le FMI et l’Argentine avaient annoncé le 7 juin avoir trouvé un accord de principe pour un prêt en échange d’un engagement à des réformes visant à réduire le déficit budgétaire de la troisième économie d’Amérique latine.
Le programme de soutien économique a pour but de renforcer l’économie du pays sur la base de quatre piliers: restaurer la confiance des marchés, protéger les plus vulnérables, renforcer la crédibilité de la banque centrale dans ses objectifs de lutte contre l’inflation, et réduire le déficit budgétaire, selon le FMI.
La perfusion du FMI survient à un mauvais moment, alors que l’Argentine préside le G20.
– Pas les Argentins –
Le FMI a mauvaise presse en Argentine. De nombreux Argentins reprochent à l’organisme financier d’être coresponsable de la crise économique de 2001, pour avoir participé à l’élaboration de la politique économique des années 1990, qui a conduit le pays au défaut de paiement, l’Argentine étant incapable de faire face aux échéances de remboursement de sa dette.
L’opposition estime que l’accord aurait dû être soumis à l’approbation du Parlement. Un point de friction risque d’être à l’avenir l’adoption du budget au Congrès, la coalition gouvernementale ne disposant pas de majorité absolue.
Les syndicats ont convoqué une grève générale pour lundi.
Les Argentins redoutent que les exigences du FMI en termes de rigueur budgétaire affectent les plus démunis.
« C’est un chemin long et difficile qui mettra à l’épreuve la fermeté des dirigeants politiques et la capacité de sacrifice de la population. Le succès de l’accord dépendra de l’interaction entre le pouvoir et l’opposition, de la capacité à contenir et canaliser le mécontentement social », estime le politologue Rosendo Fraga.
– Argentine, de nouveau pays émergent –
Le retour dans l’indice MSCI « marchés émergents » à partir de mi-2019 est la première bonne nouvelle de l’année 2018 pour l’Argentine. Les indices MSCI servent de guide aux investisseurs institutionnels pour constituer leur portefeuille d’actions, synonyme d’investissements.
En 2009, l’Argentine avait perdu son statut de marché émergent, étant considéré comme un pays risqué pour les investissements. De 2003 à 2015, pendant la gestion de Nestor puis Cristina Kirchner, le gouvernement avait nationalisé diverses entreprises, notamment la compagnie pétrolière YPF, alors propriété de l’espagnol Repsol.
LNT avec AFP