Dans un communiqué, la Fédération des Ligues des Droits des Femmes (FLDF) appelle le gouvernement et le parlement et leurs différentes composantes à assumer leurs responsabilités et à adopter un code pénal respectueux des droits et des libertés et bannissant toutes formes de discrimination, de violence et d’atteinte à la dignité des femmes.
Plusieurs supports médias et réseaux sociaux ont récemment fait état de l’arrestation samedi 31 août 2019 de Mme Hajar Raissouni et de son fiancé soudanais alors qu’elle venait de sortir d’une consultation chez son médecin dans un quartier de Rabat. Lundi, elle a été déférée, ainsi que le médecin et son assistante, devant le tribunal en état d’arrestation sous le chef d’accusation de ‘‘débauche, avortement et de participation à un avortement’’… Son procès ainsi que celui des autres personnes interpellées a été reporté au 9 septembre. Tous sont maintenus en détention.
Suite à cet incident et vu ses implications, la Fédération des Ligues des Droits des Femmes (FLDF), en sa qualité de composante du mouvement des droits des femmes, tient à rappeler ses positions et ses revendications quant à l’urgence pour le Maroc d’adopter un code pénal moderne et efficace bannissant toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes qui continuent malheureusement d’entacher nombre de dispositions du code pénal actuel (pénalisation des relations sexuelles entre adultes en les associant à la prostitution et à la débauche…, pénalisation de l’avortement au lieu de le réglementer,…). Certaines de ces dispositions portant sur l’avortement ont d’ailleurs été l’objet d’un débat institutionnel qui a donné lieu à la mise en place d’une commission royale pour mener des consultations et recueillir les différents avis. A ce propos, le gouvernement et le parlement et d’autres acteurs concernés auraient dû, surtout après l’adoption de la Constitution de 2011, s’activer pour satisfaire ces revendications suivant une approche rationnelle visant à changer les comportements plutôt qu’une approche fondée sur la punition et la criminalisation, une approche qui aborde de façon sérieuse les problèmes sociaux épineux qui en découlent (800 cas d’avortements clandestins par jour dont certains sont pratiqués en dehors des cliniques ou en utilisant des produits toxiques, nocifs, voire mortels, des milliers d’enfants non désirés qui se retrouvent dans la rue…), au lieu d’ignorer ou de nier l’évolution naturelle des relations sociales et humaines et leurs transformations et de pratiquer une forme d’hypocrisie sociale reflétée par des faits et événements marqués par des contradictions entre les normes convenues et la pratique réelle, car les relations sociales sont complexes et ne sauraient être normalisées dans le carcan des idées reçues, en recourant aux discours conservateurs et aux fatwas en vue de restreindre les libertés et saper les acquis des droits humains des femmes obtenus grâce à la lutte légitime, à des sacrifices et à l’ouverture d’esprit progressive des acteurs conscients de l’importance de ces acquis pour l’évolution de la société et pour le rayonnement du Maroc.
Partant de cette perspective fondée sur les droits humains, la constitution et les réalités sociales et en attendant de recueillir tous les éléments de ce dossier, nous estimons que cette affaire est la conséquence directe de la discrimination et de la violence juridique exercée à l’encontre des femmes à travers certaines dispositions et certains articles du code pénal en vigueur ; et que les chefs d’accusation soient confirmés ou non, la Fédération des Ligues des droits des femmes :
- Exprime sa solidarité avec Mme Hajar Raissouni, exige qu’il soit mis fin à sa diffamation et aux atteintes à sa réputation, appelle à la prise en considération de son état de santé et demande la libération de toutes les personnes interpelées ;
- Exige d’abroger ces lois discriminatoires et injustes et de resituer le débat autour de ces questions dans son véritable contexte en phase avec l’évolution de la société et les relations humaines, appelle les différentes composantes institutionnelles, civiles, politiques, culturelles et clairvoyantes à jouer leurs rôles dans le traitement des questions de société, à préserver les acquis et à les développer ;
- Appelle le parlement et ses différentes composantes à assumer leurs responsabilités en adoptant un code pénal qui protège les femmes de toute forme de discrimination et de violence et qui préserve leur dignité et leurs droits, sachant que le nouveau code pénal se trouve entre leurs mains et que plusieurs mémorandums émanant du mouvement des droits des femmes et des organisations des droits de l’homme à ce sujet ont été rendus publics contenant des propositions, des doléances et des recommandations dont celle relative à la réglementation de l’avortement et non pas de sa pénalisation, en tenant compte de la santé psychologique et sociale des femmes et appelant à la dépénalisation et à la non association des relations sexuelles consenties entre adultes à la débauche…
LNT avec CdP