L’adoption du texte de la Loi de Finance 2020 en est, certes, dans sa phase parlementaire finale, mais nous n’avons pas fini pour autant d’en parler tant ses implications sont importantes.
En effet, cette loi de finances accorde tout particulièrement une attention certaine au financement des segments les plus fragiles de l’économie, notamment les PME.
La PME au-devant de la scène
A ce titre, le Ministre des Finances, M. Benchaaboun, reconnait que : « Ces dernières, composante dominante de notre tissu productif et véritable vivier d’emploi, sont souvent les plus affectées par le resserrement réglementaire bancaire, qui parfois menace leur viabilité », ce qui n’est pas peu dire !
Ce que, d’ailleurs, vient de confirmer le Wali de Bank Al-Maghrib, M. Abdellatif Jouahri, dans son discours lors de la conférence internationale sur les institutions de la concurrence, affirmant que : « Concevoir des règlementations discriminatoires pour favoriser leur développement (des PME), tout en veillant à préserver la stabilité globale du système bancaire et à assurer la conformité aux règles internationales, est souvent un exercice difficile qui appelle à une évaluation permanente de la situation et à l’innovation en matière de mise en œuvre de la réglementation ».
Car le système bancaire rencontre des difficultés à financer les PME face aux risques qu’elles présentent et le manque de garanties dont elles disposent. `
Dans ce sens, la Loi de Finance 2020 apporte un nouveau véhicule de garantie des TPME.
Il s’agit de 6 milliards de dirhams sur 3 ans, destinés aux opérations d’appui aux jeunes diplômés, pour leur faciliter l’accès aux crédits bancaires et financer leurs projets ainsi qu’au soutien des petites et moyennes entreprises, mais pour celles exportatrices et notamment vers l’Afrique.
En fait, il s’agirait d’un compte budgétaire à hauteur d’un milliard de dirhams par an, doublé d’un apport du secteur bancaire du même montant.
Un instrument qui reste très insuffisant au demeurant.
La garantie, avant tout
Or, l’on sait qu’il y a toujours eu un accompagnement financier des TPME, mais surtout par la garantie.
En effet, différents instruments pour améliorer la garantie assortie aux crédits des PME, se sont succédé dans le temps.
Et récemment, pour étendre le champ de cette garantie, point noir du financement des PME, et leur permettre d’en obtenir de nouvelles pour se refinancer, une loi sur les sûretés mobilières a été promulguée.
Elle introduit de nouvelles garanties, différentes des classiques.
Elle énonce notamment que les entreprises peuvent nantir des stocks futurs et leurs encours clients.
Cette nouvelle loi a été adoptée sur la base de benchmarks d’autres pays qui, l’ayant mise en œuvre, ont connu un accroissement des financements de la PME de 30% à 40%, tels le Mexique et la Chine.
Ces garanties toucheront donc à l’activité elle-même, au cycle d’exploitation et n’ont rien n’a voir avec les garanties classiques, immobilière ou relevant du patrimoine des entrepreneurs.
Cependant, ces nouveaux outils de financement basés sur des garanties par l’activité, supposent de fait une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’entreprises, aux nouvelles mentalités managériales notamment.
Bank Al-Maghrib, au premier rang
Ainsi, de fait, la PME a toujours été au centre des préoccupations de Bank Al-Maghrib qui n’a cesse d’inciter le système bancaire à la financer.
Pour preuve s’il en fallait, on citera, entre autres, la création d’un fonds de soutien de la PME dont l’objet était de venir en aide à des sociétés structurellement déficitaires, mais techniquement viables.
En effet, pendant et après la crise économique et financière, entre 2007 et 2013, le secteur bancaire a pâti d’une montée des créances en souffrance causée en partie par les PME.
Les banques n’étant plus en mesure de les assumer, la Banque centrale les a soutenues par la création d’un fonds de soutien à la PME, doté de trois milliards, lequel a été épuisé en cinq années, entre 2014 et 2018.
Il faut savoir que ce fonds a permis de sauver quatre cent cinquante entreprises dont les dossiers avaient été adressés par les banques à BAM.
D’autres fonds de soutien à la PME, alimentés par l’État et dont la garantie était gérée par la CCG, ont concouru à leur soutien comme le Fogarim par exemple.
Et que dire encore, bien avant dans l’histoire du financement de la PME, de Dar Damane, pour la garantie privée, aujourd’hui en liquidation…
L’enveloppe de six milliards de dirhams sur trois ans, prévue par la Loi de finances actuelle, intervient donc dans la continuité des efforts qui ont toujours été prodigués pour le soutien et l’accompagnement des PME, en faveur de leur développement, l’amélioration de leur transparence et le renforcement de leur santé financière, même si leurs montants ont toujours été en deçà des besoins et loin de suffire au développement de ces acteurs économiques, petits par leur taille, mais grands par leur nombre.
PME, Petite et Malade Entreprise
Car, cette catégorie d’entreprises souffre de tous les maux, manque de capital, de bon management, de cadres, de process, de politique commerciale, de formation et d’autres encore !
Elles ont besoin de suivi et d’accompagnement et pas uniquement de garanties pour leur financement.
Si l’on se compare par exemple à la Turquie, on peut faire le constat que l’agence de développement de la PME turque est dotée d’un budget annuel de 9 milliards d’euros par an, soit 90 milliards de dirhams, alors que celui de Maroc PME est de 80 millions de dollars, soit environ 800 millions de dirhams, c’est-à-dire 100 fois moins !
Pourtant, Maroc PME n’utilise même pas la moitié de son budget !
Sur la base du rapport entre l’économie marocaine et la turque, le budget de Maroc PME devrait être d’un minimum d’un milliard d’euros, soit plus de 10 milliards de dirhams par an, afin de faire un travail de dépistage, d’accompagnement, de formation et de suivi des PME.
Comparativement encore, mais à une moindre échelle, le microcrédit est beaucoup mieux encadré au Maroc et connaît d’ailleurs un succès probant.
En effet, voilà un secteur bien réglementé, animé par trois grands acteurs faisant partie du top 20 mondial, Al Amana, Tawfik et Al Baraka, qui financent actuellement un million de personnes.
Les organismes de microcrédits sont dotés de conseillers qui jouent un rôle très actif et positif d’accompagnement des bénéficiaires.
M. Benchaaboun a d’ailleurs augmenté la capacité d’octroi de financement du microcrédit en portant le plafond de 50 000 dirhams à 150 000 dirhams.
Mais les organismes de microcrédit ont de plus en plus besoin de ressources.
Celles dont ils bénéficient proviennent soit de ressources concessionnelles de l’étranger, qui prêtent des fonds à 3% ou 4% en devises, soit de refinancements auprès des banques locales à des taux quasiment identiques.
Mais Bank Al-Maghrib pourrait leur ouvrir la possibilité de recourir à un refinancement auprès d’elle, à 2,5%, qui serait plus avantageux.
Sur la base de ce qui précède, les PME devraient disposer des mêmes conditionnalités et assistances que les bénéficiaires du microcrédit.
Dur, dur !
Dans ce sens, les banques commencent à comprendre l’intérêt de créer des structures d’accompagnements des PME comme Attijariwafa bank avec Dar Al Moukawil, quand en Turquie, chaque banque dispose en interne d’un département d’accompagnement des entreprises.
Cela serait d’autant judicieux que, finançant de moins en moins de grands projets, elles se tournent de plus en plus vers les PME prenant ainsi plus de risques.
Et, même si une récente étude démontre que le taux de bancarisation a atteint 60% par la pénétration bancaire, l’accès au crédit n’est que de 24% du fait l’incapacité à présenter les garanties et conditions d’éligibilité aux crédits…
Et de fait, le secteur bancaire continue à vivre la montée des créances en souffrance dont le montant a atteint les 75 milliards de dirhams en 2018.
Bank Al-Maghrib continue à le soutenir encore aujourd’hui par un nouveau mécanisme pour le refinancement des crédits à la PME, dont le montant a atteint les 17 milliards de dirhams, au taux de 2,25%.
Ce qui signifie que la Banque centrale avance de l’argent aux banques à ce taux pour leur faciliter l’octroi de crédits aux PME face à la baisse des liquidités bancaires qui sévit depuis 2018.
D’autres canaux de financement des PME existent, mais la désintermédiation financière n’a pas été développée dans notre pays, d’où l’accès limité des PME au marché financier !
Quand l’Égypte compte cinq cents entreprises cotées, on en compte 72 à la Bourse de Casablanca dont une quinzaine à peine est active.
Aujourd’hui, il y a urgence et SM le Roi a mis en exergue le rôle fondamental des PME dans le développement de l’économie.
Il faut donc un programme national en faveur des PME dont l’État serait leader, mais aussi l’organisation prochaine d’assises de la PME qui s’annoncent comme indispensables !
Afifa Dassouli